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Ecriture

Nouvelles brésiliennes (V) - Le monde d’un homme seul, Marco Aurélio Cremasco

, le Lundi, 08 Avril 2019. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

– Où est João ? Il est sorti, il revient bientôt. Il ouvre le journal. Il y apprend que dix bus ont été incendiés. Il traverse la rue et entre dans une boulangerie, avec ce même journal ouvert devant lui. – Joaquim, comme d’habitude. Qui est Joaquim ? Heu, il travaille ici depuis des lustres. Je suis nouveau ici, mais que désirez-vous ? Un café serré et un toast. Un attentat fait cent morts et mille blessés. Un tremblement de terre coupe la Terre en deux et précipite la moitié de la population dans un abîme sans fond – Voici votre café et votre toast. Il referme le journal et il ne voit pas Alice, la caissière. Elle est aux toilettes – dit une fille d’une quinzaine d’années qui est le portrait craché d’Alice jeune. Il marche sur le trottoir en direction de la borne de taxi. Il connaît cette région comme personne : les graffitis, qui sont comme des messages rupestres destinés aux générations futures, les arbres qu’il connaît depuis qu’ils ont été plantés, les gens et leur histoire. Il essaie d’ouvrir la porte du taxi –  Et alors, Juvenal, tu ne veux pas me laisser entrer ? Le chauffeur se tourne vers lui. – Juvenal a pris un jour de congé et il m’a demandé de le remplacer. Il va bien ? Oui, une migraine toute bête. Pourriez-vous me conduire à la Banque. « La » Banque. Attendez-moi.

Les travaux et les jours (extraits 6), par Ivanne Rialland

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 18 Mars 2019. , dans Ecriture, La Une CED, Bonnes feuilles

 

La mère

À contempler par la fenêtre une osmie rousse combler de terre humide le trou rond laissé dans le mur par le rivet cassé d’un vieux store, elle se sent posée sur un fragment résistant du réel et se demande soudain ce qui, de sa vie, lui échappe, à cette réalité que déploierait son regard arrêté sur l’insecte absurdement maçonneur, la petitesse du trou lui interdisant tout espoir raisonnable d’y faire son nid.

La fille

Dans des dimanches vides dont le temps infiniment dilaté se fige sous un ciel mat, elle va égarer ses quinze ans sur les dalles de marbre des musées parisiens, allant même poudrer ses jeans, un jour écrasé de chaleur, dans la poussière blanche des jardins de Versailles.

Orthograve, Manuscrypte & Libricité & Considérations Médiévales & Domincales (par Eric Poindron)

Ecrit par Eric Poindron , le Mardi, 05 Mars 2019. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED

 

Les « marginalia » de notre passé

Annotation dans les marges

Ou réflexions écrites dans les marges

Souvenirs enfouis

Secrets d’autrefois

Ne sont peut-être pas

de simples mémoires

des souvenirs ordonnés

classés

Djemila (Par Elisabeth Bouillot et Mustapha Saha)

Ecrit par Mustapha Saha , le Lundi, 04 Mars 2019. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

Départ de la Tour 106 des Minguettes, qui s’écroule, emportant avec elle l’urbaine sérialité des grands ensembles. Entre des parents incompréhensifs et une fratrie divisée, la petite fille regarde le ciel, plane entre être et néant. Elle écoute en boucle Barry white, Marvin Gaye, Donna Summer. La destinée s’augure musicale. Réminiscences sensitives à vie. Lycée en pointillés. Fugues par intermittences. Explorations du monde de la nuit. Danseuse sexy. Un frère la mouche au père autoritaire. Brutalités répétitives. Fuite sans retour. A quinze ans.

Paris, bien sûr. Djemila Khelfa débarque à l’improviste chez une grande sœur généreuse, amie de célébrités artistiques et littéraires. Michel Foucault entre autres. Adolescente des stratosphères, propulsée dans les hautes sphères. Jean-Luc Hennig, agrégé de grammaire, journaliste à Libération, rédacteur en chef du mythique Rolling Stone France, animateur sur Fréquence Gaie, auteur prolixe de livres sur la nuit, le sexe, la mort. Et toute sa bande, intempestive, provocatrice, fascinante. On les appelle « Les homos de Libé ». Des artistes et des intellectuels, argentins, brésiliens, latino-américains, s’agglomèrent dans les boîtes sulfureuses. Marcia Baila des Rita Mitsouko casse les codes de la variété. Catherine Ringer et Fred Chichin mettent le feu aux planches. Cœur brûlant du Paris transgressif. Triangle magique de l’art volcanique avec New-York et Berlin. Paname conquise en toute liberté. Sans domicile fixe.

Apostille & Excursus… à la girafe, par Eric Poindron

Ecrit par Eric Poindron , le Vendredi, 22 Février 2019. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED

 

N’oublie Jamais, lecteur, que si la girafe laisse des traces, l’ombre de la girafe ne laisse pas de taches.

 

Lorsque j’écris une histoire, il m’arrive, sans que je ne le dise à personne, d’enfouir des secrets derrière les mots, devenant ainsi le passager clandestin de ma propre histoire.

Qui suis-je quand j’écris ? Suis-je moi, ou ce que les autres disent que je suis ?

BRIGAND GANDIN

Ou celui qui se glisse derrière celui que je « suis » ?

BRIGANTIN comme un navire qui vogue sur les sous-entendus de l’aventure ?

Ai-je écrit mes livres ?

Je ne sais pas ; ou à peine. Je les ai vus avant, peut-être ; je les ai lus peut-être.