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Critiques

Frog, Jerome Charyn (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 20 Avril 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Frog (Paradise Man, 1987), trad. américain, Marc Chénetier, 413 pages, 10,30 € . Ecrivain(s): Jerome Charyn Edition: Folio (Gallimard)

 

Les fictions de Jerome Charyn sont hantées, habitées par des personnages tout droit sortis d’un enfer imaginaire et sertis dans un monde taillé à la serpe, dans une écriture baroque flamboyante. Il est difficile de ne pas évoquer immédiatement Tarantino, tant ce roman semble ouvrir la voie au Reservoir Dogs et autre Pulp Fiction avec rien moins que 20 ans d’avance. Le héros de l’histoire, Holden, est un tueur déjanté, capable de tout, surtout du pire, mais qui avance dans son « métier » comme le ferait un chevalier médiéval, avec un code de l’honneur, des valeurs morales, des vertus privées, bref un personnage ahurissant. C’est la geste d’un tueur glacial, sans trace de haine ou d’affect, Holden, qui réserve sa sensibilité aux amis fidèles, aux femmes et à une petite fille découverte lors d’un « contrat » et pour laquelle il mettra toute son énergie à la protéger des dangers multiples qui la menacent, quoi qu’il en coûte. Holden est le héros sombre d’un New York fantasmé, le super héros meurtrier professionnel.

Lettres à l’inconnue, suivi de Choix de lettres dessinées, Antoine de Saint-Exupéry (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 19 Avril 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Folio (Gallimard), Correspondance

Lettres à l’inconnue, suivi de Choix de lettres dessinées, Antoine de Saint-Exupéry, 136 pages, 7,60 € . Ecrivain(s): Antoine de Saint-Exupéry Edition: Folio (Gallimard)

 

C’est le problème de l’époque : on en sait trop sur les artistes, on possède trop d’archives, et tout va au feu du commerce pourvu que ça brûle. Y compris des brindilles insignifiantes. Et le problème se pose de l’aveuglement critique, redoublé d’une manie de la collection d’artefacts qui tient de la thésaurisation voire de la spéculation, qu’il s’agisse de s’extasier sur des nouvelles non achevées retrouvées parmi des manuscrits en vrac, des croquis préparatoires qui n’apportent que peu au sens du tableau fini, des bandes contenant des versions alternatives d’enregistrements divers, bref, tout ce qui s’est accumulé depuis le début de l’ère moderne – et dont l’absence est un délice pour les œuvres d’antan. À cela s’ajoute la lourdeur biographique, redoublée d’une psychanalyse hasardeuse, qui explique l’œuvre ou lui devient quasi un substitut.

Le procès de la chair, Essai contre les nouveaux puritains, David Haziza (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 19 Avril 2022. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Grasset

Le procès de la chair, Essai contre les nouveaux puritains, David Haziza, janvier 2022, 256 pages, 20 € Edition: Grasset

Le sous-titre dit clairement la volonté de l’auteur : ce texte veut démonter les mécanismes qui ont abouti à un nouveau puritanisme dans le contexte actuel de la cancel culture, où paradoxalement tout semble aller de soi, où le permissif serait la règle, dans un monde soumis à l’image qui « offre » aux plus jeunes les images les plus dégradantes et les plus violentes.

C’est pourtant bien un puritanisme qui s’est mis en place sous le couvert d’un rapport « sain » au monde. « Cinq siècles ont passé, et chacun croit plus que jamais, procureur et juré, échapper à sa propre chair par son zèle à la condamner. La chair dont on jouit, et celle que l’on mange, celle que l’on tient de ses aïeux et que l’on transmet à ses enfants, est en effet à nouveau au banc des accusés. Nos sens sont bridés et l’animal que nous sommes soumis à un dressage dont la fin n’est plus de dompter le désir mais de l’annuler ». Ce sont là les phrases introductives de David Haziza qui ajoute que « le monde confiné dans lequel nous vivons désormais n’est pas seulement triste et claustrophobique : il est surtout insipide ».

L’initié suivi de La Libre étendue et L’incandescence, Thibault Biscarrat (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 14 Avril 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

L’initié suivi de La Libre étendue et L’incandescence, éditions Ars Poetica, février 2022, 90 pages, 18 € . Ecrivain(s): Thibault Biscarrat 

 

« Viens et vois : je parle de plus loin que mon nom. Je parle d’une autre contrée, d’un nouveau domaine et la grâce indivise nous sera faveur du temps ».

« Voici : je suis présent au monde mais à distance. Viens et vois : ingurgite ces rouleaux qui me sont doux comme la manne, comme le miel ».

« Les livres sont plus vivants que les vivants. Ils deviennent leur propre destinée. Les livres se lisent eux-mêmes dans la gloire du dieu révélé ».

Thibault Biscarrat appartient à cette société secrète d’écrivains, de poètes, qui écrivent sous de belles influences, celle du Livre, des écrits gnostiques, des textes fondateurs traversés par une lumière divine, mais aussi celle du corps, et de la voix. Et il donne de la voix à chaque page. Écrire est chez lui une incantation, incarnation, une résurrection, une inspiration et une expiration. Savoir écrire, c’est savoir respirer.

Une arche de lumière, Dermot Bolger (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 13 Avril 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Joelle Losfeld

Une arche de lumière, Dermot Bolger, janvier 2022, trad. anglais (Irlande) Marie-Hélène Dumas, 460 pages, 23 € Edition: Joelle Losfeld

 

Eva Goold Verschoyle est née dans le comté de Donegal, l’un des trois comtés d’Ulster qui ont été intégrés dans la République d’Irlande lors de la proclamation d’indépendance. Elle épouse en 1927 Freddie Fitzgerald, héritier d’une dynastie de hobereaux locaux dont la perte de puissance et de richesse matérielle est symbolisée par la décrépitude de ce qui subsiste du domaine et de la grande demeure ancestrale, et par la claudication de son propriétaire.

Ayant dû renoncer à sa vocation de devenir une artiste peintre, elle s’oblige à mener pendant vingt-deux ans une existence de femme au foyer que seul l’amour qui la lie à ses deux enfants, Francis et Hazel, l’aide à supporter. Dès qu’ils partent de la maison pour aller vivre leur vie, elle quitte son mari pour ouvrir en ville une modeste école d’art pour enfants. C’est cette scène de rupture, sans cris, sans larmes, sans violence, qui constitue le premier chapitre proprement intitulé Le départ.