Anthologie du théâtre français du 20ème siècle, Écrire le théâtre de son temps (par Olivier Verdun)
Anthologie du théâtre français du 20ème siècle, Écrire le théâtre de son temps, anthologie et dossier réalisés par Cécile Backès, lecture d’image par Henri Scepi, 383 pages, 8,90 €
Edition: Folio (Gallimard)L’anthologie qui nous est ici offerte par Cécile Backès regroupe une trentaine d’extraits présentant un panorama historique du théâtre français du 20ème siècle. D’Émile Zola à Yasmina Reza, de Roger Vitrac à Marie N’Diaye, en passant par une pléiade d’auteurs connus et reconnus – Albert Camus, Samuel Beckett, Bernard-Marie Koltès, etc. –, cet ouvrage condense en 383 pages des pièces qui ont fait événement, qui sont synonymes de ruptures esthétiques, qui ont créé la surprise ou le rejet parfois. Le décor est campé dès la première page : « On trouvera ici des premières pièces, des chefs-d’œuvre, des naissances et des apogées. Des pièces à “message”, des pièces à “thèse”, des langues qu’on dirait étrangères, des langages inouïs, des formes inconnues. Toutes sont des actes poétiques ».
Le choix proposé, pour subjectif qu’il soit de la part de Cécile Backès, n’en demeure pas moins représentatif de l’histoire théâtrale du siècle, limitée aux auteurs français, faisant la part belle à la diversité des conditions de création, à Paris, souvent, mais aussi en province, puisque, nous rappelle Cécile Backès, « décentralisation dramatique et démocratisation culturelle ont bien eu lieu ». On aimerait bien sûr la croire sur parole pour ce qui est de la démocratisation culturelle aujourd’hui. Elle n’est du reste pas dupe : « On peut juger que la démocratisation culturelle est un échec, mais cela ne représentera jamais un argument suffisant pour remettre en cause le bien-fondé d’une politique culturelle publique de création attentive aux bruissements nouveaux de son époque ». Dont acte.
De ce point de vue, le livre offre un accès commode et peu onéreux à quelques unes des grandes œuvres du répertoire théâtral contemporain, ce qui ne peut que desservir la cause démocratique en matière culturelle, souvent malmenée par le relativisme esthétique ambiant et par la médiocrité navrante des grands médias. Le mélange des genres et des styles permet au lecteur de relire des pièces du patrimoine (Jean Giraudoux, Eugène Ionesco, Jean Genet, Marguerite Duras…), mais aussi, plus populaires, du théâtre de boulevard – l’ancien vaudeville (André Roussin, Jean Poiret…) –, au temps où l’expression « culture populaire » n’était pas un gros mot.
On regrettera évidemment que n’aient pas voix au chapitre François Billetdoux, initiateur du nouveau théâtre, Jacques Audiberti ou encore René de Obaldia. Mais il faut se résoudre à ce qu’une anthologie soit inexhaustible. Le lecteur averti ou autodidacte fera son miel des citations des metteurs en scène qui ont révélé les œuvres (Claude Péguy pour L’amante anglaise de Duras, par exemple), des notes d’intention des auteurs et, bien sûr, des critiques sans lesquelles une œuvre d’art quelle qu’elle soit ne saurait exister.
Cette anthologie participe d’une intention explicitement pédagogique, s’agissant d’une collection (Folioplus Classiques) destinée, entre autres, aux classes de lycée. Le recueil est accompagné, à partir de la page 319, de la traditionnelle et remarquable rubrique « Dossier », qui nous présente une analyse du tableau de Paul Delvaux, L’Incendie (1935), une minutieuse mise en perspective des textes (« Qu’est-ce que la mise en scène ? », « L’écrivain confronté à la scène : Un théâtre d’essais et de création »), un groupement de textes autour des « enjeux esthétiques et politiques de l’écriture dramatique », ainsi qu’une chronologie fort utile sur les grandes dates du théâtre du 20ème siècle.
Olivier Verdun
Comédienne et metteure en scène, ancienne élève d’Antoine Vitez à l’École du Théâtre national de Chaillot, Cécile Backès est directrice artistique des Piétons de la place des Fêtes et artiste associée au Carreau, Scène internationale de Forbach. Elle est l’auteure de La boîte à outils du théâtre en classe (La bibliothèque Gallimard, série « en perspective »). Elle a notamment adapté et mis en scène Quoi de neuf sur la guerre ? de Robert Bober et King Kong Théorie de Virginie Despentes.
Henri Scepi est professeur de littérature française du XIXe siècle à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris-3. Spécialiste de la poésie, il a publié plusieurs essais sur Gérard de Nerval, Jules Laforgue et Stéphane Mallarmé.
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