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Critiques

Le sermon sur la chute de Rome, Jérôme Ferrari (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 07 Novembre 2012. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Le sermon sur la chute de Rome, 22 août 2012, 208 p. 19 € . Ecrivain(s): Jérôme Ferrari Edition: Actes Sud

 

Recension 1

 

Dans un petit village corse perché loin de la côte, il est de tradition que les hommes, à la fin de la journée, se retrouvent dans le petit bar local, l’épicentre de leur univers. Parmi ces hommes, nombreux sont ceux qui ont quitté le village et leur île, mais qui ont fini par revenir pour y ruminer leurs échecs, leur existence dépourvue de gloire, leurs rêves brisés, à l’instar de Marcel Antonetti, né à la fin de la première guerre mondiale. La « malédiction » se transmet d’une génération à l’autre. Des décennies plus tard, le petit-fils de Marcel, Matthieu connaîtra une expérience similaire.

A la mort de sa femme, Marcel ne veut pas s’occuper de son fils nouveau-né, Jacques, et il le confie à sa sœur. Quelques années plus tard, Jacques tombe amoureux de sa cousine, Claudie, avec laquelle il a grandi. Ils se marient (« Pour beaucoup, ce mariage n’est pas celui de l’amour mais du vice et de la consanguinité ») et ont un fils, Matthieu, et une fille, Aurélie.

Anton Tchékhov, l'amour est une région bien intéressante

Ecrit par Lionel Bedin , le Samedi, 03 Novembre 2012. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Russie, Récits

Anton Tchékhov, L’Amour est une région bien intéressante, Correspondance et Notes de Sibérie, Trad. russe Louis Martinez, Éd. Cent pages, 2012 . Ecrivain(s): Anton Tchékhov

 

C’est entre avril et juillet 1890 qu’Anton Tchékhov effectue un voyage à travers la Sibérie vers l’Extrême-Orient russe, pour vérifier ce qu’on en dit, pour témoigner de la réalité de cette province isolée, pour voir le katorga (le bagne) situé dans l’île-prison de Sakhaline, un asile pour bannis et reclus. « Après l’Australie jadis, et Cayenne, Sakhaline est le seul endroit où il soit possible d’étudier une colonisation formée par des criminels ». Outre les tentatives pour le dissuader, il y a d’abord les questions sur l’utilité de ce voyage. « Admettons que mon voyage ne serve à rien, qu’il soit entêtement et caprice ; réfléchissez un peu et dites-moi ce que je perds en partant ? » On ne perd jamais rien en voyageant : « même si ce voyage ne m’apporte strictement rien, se peut-il malgré tout qu’il n’y ait pas sur sa durée deux ou trois jours dont je ne me souvienne toute ma vie avec enthousiasme ou amertume ? ». Il veut donc aller voir, écouter, étudier. Il en reviendra transformé.

Le voyage « aller » durera trois mois. La grand-route sibérienne – « la plus grande et apparemment la plus affreuse route du monde » – est assez sûre : on parle bien de vagabonds qui égorgent parfois « une misérable vieille pour lui prendre sa jupe et s’en faire des chaussettes », mais aussi des cochers qui ne volent pas leurs clients.

Une petite randonnée, Sonia Chiambretto

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 25 Octobre 2012. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Théâtre, Actes Sud/Papiers

Une petite randonnée (P.R.), Actes Sud-Papiers, 2012, 66 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Sonia Chiambretto Edition: Actes Sud/Papiers

 

 

Le texte de Sonia Chiambretto s’ouvre sur une carte, un itinéraire géographique et un plan du texte en quelque sorte. Les toponymies renverront aux divers « tableaux » de la pièce. Nous pouvons suivre la fable : une troupe de théâtre part en tournée suite à des difficultés concernant le projet culturel européen, à travers les Alpes de Haute Provence. Elle s’installe dans des lieux improbables dignes des expérimentations théâtrales des années 70, depuis un abattoir, jusqu’à une bergerie en passant par un centre de secours. La fable d’ailleurs tient aussi du romanesque. Le chef de la troupe se nomme Don Quichotte, chevalier de la cause théâtrale secondé par Sancho, perchman de son état. Les scènes portent des titres de romans du dix-septième siècle : où l’on raconte l’entretien que Sancho eut avec son maître…

Tombé hors du temps, David Grossman

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 22 Octobre 2012. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Poésie, Seuil, Moyen Orient

Tombé hors du temps, traduit de l’hébreu par Emmanuel Moses, 199 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): David Grossman Edition: Seuil

« Il y a

Une respiration il y a

Une respiration dans

La douleur il y a

Une respiration » (p. 196)

 

dit la voix de l’enfant du centaure, en lui.

Une respiration, peut-être quelque chose qui prend à l’extérieur, et qui rejette de l’intérieur, quelque chose qui traverse, un passage. Une respiration, en musique, c’est aussi une pause, avec tout ce qui y passe (« elle peut – la respiration – alors être indiquée par un signe en forme de virgule ou d’apostrophe placée entre deux notes » (Larousse). Pause dans la douleur ? La douleur respirant, vivant d’elle-même ? Se reconstituant autour de son cœur même ? Accommodement de tous les êtres, dans la ville de ce livre-là qui ont pour point commun, point de fuite, d’avoir perdu un enfant.

Fée d'hiver, André Bucher

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 22 Octobre 2012. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Le Mot et le Reste

Fée d’hiver, décembre 2011, 160 pages, 16 € . Ecrivain(s): André Bucher Edition: Le Mot et le Reste

 

 

Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore le talent d’André Bucher, voici une bien belle façon de le découvrir. Dans Fée d’hiver, on sent le souffle d’un Jim Harrison, dont André Bucher est grand lecteur, mais l’écriture de cet écrivain poète paysan est unique. Et justement, elle sent le vécu, le territoire arpenté, la solitude affrontée. Fée d’hiver est un roman à la fois âpre et magnifique, austère et puissamment physique, comme les lieux dans lesquels il prend place dans ce sud de la Drôme, à la limite des Hautes-Alpes. Des lieux sauvages, entourés de montagnes, désertés par les hommes partis rejoindre les villes, où la vie, croit-on, offre plus de facilités.

Le roman démarre sur un prologue, un article paru dans le journal le Dauphiné Libéré, daté du 31 août 1948. Un fait divers « Drame de jalousie dans le sud de la Drôme », qui fait écho au titre du livre, Fée d’hiver. Cette fée d’hiver qui vient comme pour rompre une malédiction, une sorte de réparation d’accrocs dans les mailles du destin.