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Critiques

La Figure, Bertrand Belin (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Lundi, 03 Mars 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, P.O.L

La Figure, Bertrand Belin, éd. P.O.L, janvier 2025, 175 pages, 18 € Edition: P.O.L

 

Buisson iodé

Chanteur, on l’écoute. Acteur, on le voit.

Toujours avec joie. Comme on attendait Jean-François Stévenin ou qu’on guette Jacques Bonnaffé au coin d’un film, second rôle essentiel. Bertrand Belin est aussi un bel écrivain.

On le lit.

Belin est un marginal de tout y compris des marges de cahier.

Il nous donne, chez P.O.L, à lire La Figure.

C’est un petit roman dur, un roman de rêve et de glace. D’eaux tourmentées qui montent, envahissent, et de pères fous qui battent les fils et dont il ne faut se protéger d’eux qu’en le tuant ou en les fuyant.

Nos insomnies, Clothilde Salelles (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 21 Février 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Nos insomnies, Clothilde Salelles, Gallimard, Coll. L’arbalète, janvier 2025, 256 pages, 20,50 € Edition: Gallimard

 

Si chacun d’entre nous est incommunicable en proportion de sa richesse affective, il ne peut tourner cet obstacle que par la ruse d’une évocation (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955)

Agrypnie

Une petite fille, dont la famille vit au sein d’« un quartier presque désert, entouré de champs et de hameaux, avec au loin des habitants qui se fondaient dans une colline, et de l’autre côté de la colline, la ville la plus proche », parle à la première personne et soliloque. Elle utilise l’imparfait, tout comme la vie de cette famille est imparfaite, révélant au fur et à mesure de douloureux inconforts. Oui, quelque chose de cauchemardesque plane dans cet univers parental. Nos insomnies est le premier roman de Clothilde Salelles (docteure en sociologie, ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Lyon, chercheuse en Science politique au sein de l’Université d’Anvers).

Sortir du travail qui ne paie plus, Antoine Foucher (par Shaun Lévy)

Ecrit par Shaun Lévy , le Jeudi, 20 Février 2025. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, En Vitrine, Editions de l'Aube, Cette semaine

Sortir du travail qui ne paie plus, Antoine Foucher, Éditions de L’Aube, août 2024, 138 pages, 17 € Edition: Editions de l'Aube

 

Dans un contexte où le rapport au travail est profondément questionné, Antoine Foucher, ancien directeur de cabinet au Ministère du Travail, signe avec Sortir du travail qui ne paie plus un essai ambitieux et éclairant. À travers une analyse rigoureuse, l’auteur s’attaque à des problématiques majeures : pourquoi le travail semble-t-il aujourd’hui moins gratifiant sur le plan financier et symbolique ? Et comment redonner au travail une place centrale dans la société française ?

Dès les premières pages, Foucher capte l’attention par un diagnostic limpide et documenté. À ses yeux, la dévalorisation du travail trouve ses racines dans plusieurs facteurs : la désindustrialisation, qui a appauvri les territoires et détruit des emplois bien rémunérés, une polarisation croissante des métiers concentrant d’un côté des emplois très qualifiés et de l’autre des emplois peu qualifiés et un système d’aides sociales qui, bien qu’essentiel, peut parfois dissuader de reprendre un emploi. L’auteur n’hésite pas à pointer les incohérences de ces dispositifs, tout en rappelant leur importance pour les plus précaires. Ce positionnement équilibré renforce la crédibilité de son analyse.

Le Chant du prophète, Paul Lynch (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 19 Février 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Albin Michel, En Vitrine, Cette semaine

Le Chant du prophète, Paul Lynch, Albin Michel, janvier 2025, trad. anglais (Irlande), Marina Boraso, 293 pages, 22,90 € . Ecrivain(s): Paul Lynch Edition: Albin Michel

 

Souvent – à la suite d’une métaphore brechtienne – les pouvoirs totalitaires sont comparés à une bête immonde. Ce roman de Paul Lynch prend à la lettre cette incarnation et, dans une dystopie terrifiante, la Bête s’introduit, rampe, progresse, envahit, étouffe. Nulle considération idéologique, nulle référence historique, nulle analyse des processus de l’installation du totalitarisme. Paul Lynch laisse visiblement cela aux experts, politologues ou historiens. Seule l’intéresse la tête d’une femme, espace intérieur dans lequel l’ordre nouveau va balayer l’ancien, construire ses règles, inventer ses syntagmes, sans scrupules, sans le moindre égard pour ceux qui vont subir. La tête d’Eilish Stack devient le théâtre horrifique de l’événement qui frappe l’Irlande, du coup d’Etat qui prend ses citoyens en otages et les écrase lentement, comme un serpent constrictor dans ses nœuds.

Philosophie féline, Les Chats et le sens de l’existence, John Gray (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 18 Février 2025. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, USA, Rivages poche

Philosophie féline, Les Chats et le sens de l’existence, John Gray, Rivages Poche Petite Bibliothèque, mai 2024, trad. anglais USA, Fanny Quément, 128 pages, 8,80 € Edition: Rivages poche

« Les chats sont heureux en étant eux-mêmes, tandis que les humains essaient d’être heureux en s’échappant d’eux-mêmes ». À partir de ce simple constat, John Gray propose un bref essai non dénué d’humour et de légèreté qu’on pourrait qualifier de traité d’anti-philosophie. En effet, quatre des cinq chapitres de Philosophie féline, à partir d’une observation relative au chat, sa façon d’être au monde, se transforment en critiques plutôt fines des courants centraux de la pensée occidentale, quelques rares penseurs (dont Montaigne et Spinoza) semblant trouver grâce aux yeux de Gray. Ainsi, dans le chapitre intitulé Pourquoi les chats n’ont aucun mal à être heureux, dont est extraite la phrase ci-dessus, l’auteur évoque la façon dont les philosophes ont traité du bonheur, montrant la limite effective de leur réflexion, celle de Marc Aurèle par exemple :

« Pour Marc Aurèle, la raison requiert une abdication volontaire de la volonté. Il en résulte une funèbre célébration de l’endurance et de la résignation. Le philosophe-empereur rêverait d’être une statue figée dans le silence d’un mausolée romain. Mais la vie le ramène à la réalité, l’obligeant à reprendre tout le tissage de son voile philosophique ».