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Critiques

Casanova, Histoire de ma vie, en la Pléiade

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 20 Août 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, La Pléiade Gallimard

Casanova, tomes 2 et 3, avril 2015, sous la direction de Gérard Lahouati et Marie-Françoise Luna, avec la collaboration de Furio Luccichenti et Helmut Watzlawick, 1299 pages . Ecrivain(s): Giacomo Casanova Edition: La Pléiade Gallimard

 

Histoire de ma vie, tomes 4 (1757-1760, Guerre de sept ans) à 10 (1770-1774, son retour à Venise). Deux forts volumes, suivant le premier, honorant l’esprit Pléiade – tout, organisé, éclairé ; plus quelques textes quasi inconnus émaillant ce qui peut légitimement prétendre au nom de somme, et servir à qui de droit. Edition établie d’après le manuscrit autographe. Quelque chose en cela, d’une découverte archéologique posée, incontestable et scientifique. Magnifique travail d’historiens et de chercheurs en littérature. Luminosité de lecture, facilité d’emploi, mais, aussi, plaisir immense de la découverte ou redécouverte d’écrits que chacun d’entre nous croit connaître !

Gérard Lahouati, Marie-Françoise Luna et leur équipe d’experts, tous patentés « Casanovistes », ont produit ces Pléiades avec ce qu’il fallait de rigueur, de précisions, de vérifications, de connaissances intimes de l’homme et son œuvre, et aussi d’amour, pour accompagner la folie – unique – d’une vie-voyage, vie-transgression, vie-dangers, et, bien sûr, vie-passion…

L’Infinie Comédie, David Foster Wallace

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 20 Août 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, L'Olivier (Seuil), La rentrée littéraire

L’Infinie Comédie, août 2015, traduit de l’anglais (USA) par Francis Kerline, 1488 pages, 27,50 € . Ecrivain(s): David Foster Wallace Edition: L'Olivier (Seuil)

Depuis sa publication en 1996, L’Infinie Comédie fait partie des romans nord-américains dont on entend parler avec régularité, ses lecteurs le considérant comme une œuvre essentielle, voire centrale, des trente dernières années, et allant jusqu’à l’élire dans les cent meilleurs romans écrits en anglais depuis 1923 selon l’hebdomadaire Time.

Son auteur, David Foster Wallace (1962-2008), fait quasi l’objet d’un culte, son œuvre étant même devenue un sujet d’étude universitaire per se. Bref, c’est peu dire que, en 2015, la traduction française de ce roman fait figure d’événement et qu’il convenait, pour le lecteur non anglophone, de s’intéresser à ce « roman total », selon la qualification de son auteur lui-même, et d’en lire les environ mille cinq cents pages.

Autant l’admettre de prime abord : les mille cinq cents pages, on les sent passer. Ce roman, à certains égards, est fastidieux malgré son écriture géniale. Voire : à cause de son écriture géniale. Un peu partout, ça clignote : attention, chef-d’œuvre ! attention, démonstration de savoir-écrire en cours ! Et le lecteur, même expérimenté, même habitué à d’habiles démonstrations stylistiques, ne peut qu’obtempérer : oui Wallace est un génial styliste, d’une polyvalence aussi absolue que maîtrisée…

Otages intimes, Jeanne Benameur

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 19 Août 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Actes Sud, La rentrée littéraire

Otages intimes, août 2015, 208 pages, 18,80 € . Ecrivain(s): Jeanne Benameur Edition: Actes Sud

 

Après le magnifique quintette que constituait Profanes, Jeanne Benameur nous propose une nouvelle partition, un trio rassemblé autour du piano d’Irène, auxquelles quelques voix isolées viennent apporter leur contrepoint. Le récit de ce nouvel opus, Orages intimes, est aussi l’accompagnement d’une transformation, d’un retour et d’une possible renaissance.

Etienne est ce qu’on appelle un correspondant de guerre, un photographe de guerre plus précisément, un de ces hommes qui a choisi d’aller voir pour montrer, armé de son regard et de son Leica. Sur ce qu’on nomme parfois le théâtre des opérations, pour ne pas avoir su courir – ou pour avoir su suspendre la course pour un regard direct, sans l’écran de l’objectif et du viseur – il a été pris. Pris et fait otage. Transformé en simple objet de négociation et d’échange. Le prix, pour lui, aura été un enfermement, une réclusion à durée indéterminée. Un confinement sur quelques mètres carrés de silence et de bruits inquiétants qui savent effacer l’humain de lui-même, le réduire à une marchandise « en souffrance ». En attente d’on ne sait quoi.

Les eaux troubles du mojito, Philippe Delerm

Ecrit par Victoire NGuyen , le Mercredi, 19 Août 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Nouvelles, Seuil, La rentrée littéraire

Les eaux troubles du mojito, août 2015, 110 pages, 14,50 € Edition: Seuil

 

Impressions fugaces

La prose de Philippe Delerm relève d’une volonté particulière de s’intéresser à des instants de vie. Dans cet opus d’une poésie manifeste, l’auteur offre à son lecteur un vrai plaisir de lecture. En effet, Les eaux troubles du mojito est un ouvrage qui condense quarante deux récits très brefs à la thématique surprenante et teintée de la couleur de l’été. L’approche de Philippe Delerm est originale à plus d’un titre. D’abord, il valorise les petites choses de la vie quotidienne en objets littéraires. Ainsi, la pastèque se voit le protagoniste d’un récit de deux pages dans lequel ses qualités gustatives et sa couleur « rouge-rose » à « la solide écorce vert profond » sont mises en valeur. Il y a aussi ce petit navet qu’on oublie tant de citer ! L’auteur, quant à lui, s’y intéresse et lui redonne de la noblesse. Ecoutons son chant sur le navet, le mal-aimé :

« Il est toujours le parent pauvre, réduit à quelques unités précieuses et menacées. Couronné de mauve, il avait un petit côté vieillot et rondouillard, idéalement conçu pour l’idée de la soupe. Mais passé à l’épreuve de l’épluche-légumes, il a gagné une blancheur immaculée… »

Inconnu à cette adresse, Kressmann Taylor

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 17 Août 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Autrement

Inconnu à cette adresse, juin 2015, trad. de l’anglais (E.-U.) par Michèle Lévy-Bram, 175 p. 8,50 € . Ecrivain(s): Kathrine Kressmann Taylor Edition: Autrement

 

En septembre 1938, le bimestriel américain Story Magazine publie une longue nouvelle intitulée Inconnu à cette Adresse, par un certain Kressmann Taylor ; ce sera un succès, critique et public, immédiat, et un véritable choc pour tous ses lecteurs de l’époque. Il ne faudra pas longtemps pour que le pseudonyme dévoile son secret : l’auteur est une femme, Kathrine Kressmann Taylor (1903-1996), et il s’agit d’une femme d’exception, puisqu’elle fut des rares à pointer la menace nazie dans un pays isolationniste où la German-American Bund pouvait revendiquer cent à deux cent mille membres. Car c’est de ça que parle Inconnu à cette Adresse : de la menace nazie, celle qu’elle fait peser sur les esprits, celle qui va mener à l’extermination massive des Juifs entre autres.

Cette nouvelle se présente sous la forme de dix-huit lettres, dont un « câblogramme », qui forment la correspondance échangée, de novembre 1932 à mars 1934, entre un Juif américain qui a séjourné en Allemagne, Max Eisenstein, et un Allemand parti de Californie pour habiter Munich avec sa famille, Martin Schulse. Ces deux amis tenaient une galerie d’art à San Francisco et le premier envoie des comptes au second, tandis que le second, dans un premier temps, le fournit en œuvres européennes.