Choses Dites, Entretiens et choix de textes, Louis Calaferte
Choses Dites, Entretiens et choix de textes, mai 2014, 211 pages, 16 €
Ecrivain(s): Louis Calaferte Edition: Le Cherche-Midi
« Je veux bien me livrer, et quand on a la gentillesse de me le demander, je suis très content. Cela dit, ça ne me paraît pas d’un intérêt fou. La vérité, c’est que… l’essentiel est là. Dans les livres. Voilà. Je pense que ce qu’il y a de plus… enfin, de meilleur en moi, si vous voulez, “c’est là”. Le reste… Tout ce qu’on peut dire… Les mots… Le littéraire est une chose merveilleuse. Quand on a une plume à la main… »
Ces lignes de Louis Calaferte, qui clôturent ses Entretiens avec Pierre Drachline, expriment toute la place occupée par la littérature chez cet écrivain à la fois auteur de récits, essais, carnets, poèmes, pièces de théâtre. Des Choses dites – dans des Entretiens enregistrés pour France Culture en 1988 et dans des Choix de textes – par une personnalité dont les colères, l’ironie et le regard lucide égalèrent l’envergure d’une vie guidée par les exigences de la création, entièrement vouée dans sa démarche authentique à la littérature et à son écriture.
Des contradictions transparaissent au fil de ces entretiens, fidèles aux multiples facettes de l’écrivain Calaferte, qu’une rigoureuse intégrité ne détournera cependant jamais de ses profondes convictions. « Je ne lâcherai pas. Je m’incrusterai dans la Vie », notait-il dans ses Carnets de 1993 (Dimensions, Gallimard, L’Arpenteur, 2009), poursuivant : « Je déploierai toute ma volonté. Je n’ai pas fini d’être ». Ou encore : « Je sais d’où je viens, je n’ai pas renié ma race ».
Sans concession à l’égard de l’institution littéraire et de « ses marchands », ce « dinosaure » de la littérature comme il acceptait volontiers de se qualifier, décline ici dans ces entretiens heureusement restitués sur le ton de la conversation, sa conception de la littérature – la vraie – ; parle des raisons de son choix de devenir, à l’âge de treize ans, écrivain ; évoque au passage, sans manquer d’en éreinter plus d’un, tel ou tel « confrère » ; dresse le bilan lucide (« mortimiste » pour reprendre ce néologisme créé par Calaferte lui-même pour qualifier sa position), dépourvu de toute compromission ou complaisance, d’un monde littéraire éloigné de la représentation idyllique que l’on en a parfois ou qui se donne pour telle. Calaferte égratigne, gratte les (fausses) apparences, dans une verve sarcastique, ou rend hommage, ardent travailleur passionné. L’homme rend ainsi un très bel hommage à la littérature et au travail d’écriture, vécus comme vocation, passion, avec « une mystique de l’écriture, de l’écrivain » revendiquée, et une conception très puriste de l’Artiste, entièrement assumée. Un Artiste au service de son Art, non de son Égo. Narcisse voit ici ses propres reflets de complaisance et d’autosuffisance se fracasser contre son miroir aux alouettes. La position de Calaferte fut celle d’un auteur engagé dans un acte de création constructif.
Admirateur d’Artaud, lecteur de Léautaud, « oxygéné » par l’écriture, Louis Calaferte aura jusqu’au bout de son parcours écrit à l’instinct, dans l’instant, par périodes, sans construction ni calcul, loin du tapage des baudruches médiatiques, pour le bonheur offert dans l’acte créateur, traversé des pieds à la tête par les forces « inexplicables », « mystérieuses », et presque « magiques », libérées par l’état créatif. Jusqu’au bout de sa « merveilleuse » vie il aura écrit – à l’instar de ces vieilles femmes dont le romancier Jean-Claude Pirotte disait qu’elles tricotaient parce que la mort ne pourrait pas venir les surprendre pendant un tricot – jusqu’au bout des Choses dites, Calaferte aura écrit, travaillé, contre la mort.
Les textes choisis présentés après les Entretiens sont extraits de récits, d’opus de poésie, de pièces de théâtre, des Carnets, et de Perspectives, notes autour de l’expression créatrice.
Murielle Compère-Demarcy
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