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Critiques

Voyage du côté de chez moi, Jean-Luc Muscat (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 16 Septembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Le Mot et le Reste

Voyage du côté de chez moi, février 2019, 88 pages, 10 € . Ecrivain(s): Jean-Luc Muscat Edition: Le Mot et le Reste

 

Au milieu d’une production littéraire, quoi qu’on en dise, de plus en plus calibrée et obéissant à un cahier des charges imposé par on ne sait exactement qui, il arrive que des éditeurs discrets (l’expression « petits éditeurs » ne rend pas compte de leur rôle important : après tout, eux seuls prennent des risques en sortant des sentiers battus) fassent paraître des titres dignes de retenir l’attention. C’est le cas de la maison marseillaise, Le Mot et le Reste, avec ce Voyage du côté de chez moi. Dans l’esprit du lecteur lettré, qui connaît ses classiques, ce titre évoque le Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre, admirable texte mineur, si l’on veut, mais qu’on peut relire chaque année sans se lasser. En ce qui le concerne, Jean-Luc Muscat est sorti de sa chambre et même de sa maison. À une époque où les compagnies aériennes à bas prix emmènent leur clientèle à l’autre bout du monde pour un tarif minimal et un inconfort maximal, Muscat s’est satisfait d’utiliser le plus vieux moyen de locomotion qui existe. Si l’on admet qu’après leur apparition en Afrique, les ancêtres des êtres humains ont progressivement colonisé les zones les moins inhospitalières de la planète, ils ne l’ont fait qu’en marchant.

Les derniers mots, Tom Piccirilli (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 16 Septembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Les derniers mots, juin 2019, trad. Étienne Menanteau, 480 pages, 9 €

 

À Long Island, comme il y a eu une famille Crumb réputée pour son originalité et le talent de dessinateur de ses membres, Robert en tête, à l’origine du « pulp underground » américain, on peut rencontrer, toute comparaison mise à part, en dehors de l’anticonformisme et de l’esprit de clan, les Rand. Au jeu des sept familles, on peut demander le grand-père, son fils ou sa belle-fille (papy souffrant d’Alzheimer est soigné par ces derniers) ; l’un de leurs trois enfants, Collie, Terrier, ou la petite dernière, Dale ; l’un des deux tontons, Male ou Grey, ou encore le chien Kennedy. Ils portent tous des noms de race de chiens et ils sont tous voleurs de père en fils depuis des générations, mais ils ont une règle, comme notre Arsène Lupin, ils sont « voleurs mais pas assassins ». Les affaires ne se portent pas trop mal, leur grande maison, pleine de cachettes secrètes déborde des fruits de leurs larcins ; il y a même le flic du coin, un peu ripou mais abandonné par sa femme et ses enfants qui vient chercher un peu de réconfort et de chaleur auprès de cette famille aux membres si soudés.

Du Délire, Claire Von Corda (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Dimanche, 15 Septembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Du Délire, Claire Von Corda, Black Coat Press, Rivière Blanche, juin 2019, 244 pages, 20 €

 

Claire Von Corda a commencé sa vie littéraire avec Lorem-Ipsum, une revue d’art pluridisciplinaire dont, selon ses créateurs, « son utilité n’a pas encore été déterminée avec exactitude, ni sa durée de vie, et pas davantage sa périodicité ».

Pour autant l’auteure a trouvé une première piste d’envol et donne aujourd’hui son livre le plus abouti.

Claire Von Corda élargit une scène première, un moment zéro – ou premier – pour l’ouvrir à une scène cosmique entre le trop plein et un certain néant. La chambre de l’intime et la galaxie ne font qu’un entre « mère Electricité » et « sœur Vitesse » qui semblaient recomposer le monde. Il y eut en conséquence un soir, un matin : voire plus – une semaine pour les amants. Avant que le monde ne soit plus ce qu’il pouvait donner et que les naïfs pouvaient espérer. La faute n’est pas aux amoureux mais ils sont les victimes consentantes d’un tel advenir.

Dictionnaire des mots parfaits, Belinda Cannone, Christian Doumet (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 13 Septembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Anthologie, Thierry Marchaisse

Dictionnaire des mots parfaits, Belinda Cannone, Christian Doumet, mai 2019, 216 pages, 16,90 € Edition: Thierry Marchaisse

 

Après le Dictionnaire des mots manquants (2016) et le Dictionnaire des mots en trop (2017), voici le Dictionnaire des mots parfaits, troisième (et dernier ?) volume de la série. De même que le Robert ou le Larousse pourraient être qualifiés de « dictionnaires des mots parfaits objectifs », reflets de l’usage de la langue, de même cet ouvrage est un « dictionnaire des mots parfaits subjectifs », mots chéris ou préférés, choix personnel de chacun des 51 écrivains qui en forment le collectif d’auteurs.

Comment recenser un ensemble de courts articles de dictionnaire, dont les entrées sont si singulièrement propres à chaque écrivain ? Certains de ces mots offrent une résonance particulière à l’oreille du lecteur, de même que certains articles font précisément sens à la lecture : mots cratyliens, respectant l’harmonie imitative, mots sémantiques, choisis pour leur polysémie lexicale, mots syntaxiques, dépendant du contexte d’emploi, ou encore mots morphologiques, néologismes ou mots-valises, à objectif ouvertement ludique.

Mary Ventura et le neuvième royaume, Sylvia Plath (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 13 Septembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Nouvelles, La Table Ronde

Mary Ventura et le neuvième royaume, mai 2019, trad. anglais Anouk Neuhoff, 48 pages, 5 € . Ecrivain(s): Sylvia PLATH Edition: La Table Ronde

 

En 1952, Sylvia Plath, vingt ans, écrivait une nouvelle que publie enfin La Table Ronde, dans sa version d’origine (refusée pour noirceur alors). C’est une nouvelle terrifiante. Mary Ventura et le neuvième royaume nous plonge dans un voyage ferroviaire de pure terreur. Le train serait-il celui de la vie, et le trajet sans retour ? Mary, quoique réticente, prend, à l’invite de ses parents, le train. « Un voyage de formalité » dira la mère. Mary se dit « non prête pour le voyage ».

Le lecteur comprendra très vite que son personnage est mal embarqué, et les situations décrites, les dialogues, l’enjoignent à prêter une attention vive à ce qui se déroule, selon le rythme d’une machinerie infernale. L’air de rien, l’auteure, jeune, instille un malaise qui ne fera que croître, station après station, « royaume après royaume ». On évoque la noirceur des tunnels, l’improbable retour, les fenêtres du train s’émaillent de drôles de figures.

La surprise sera-t-elle au bout de la route ? Ou la méprise ? L’art de la jeune romancière est d’inscrire une réflexion philosophique sur la trame du voyage : la vie, la mort, l’autre, le destin sont autant de stations que tout esprit rameute.