Du Délire, Claire Von Corda (par Jean-Paul Gavard-Perret)
Du Délire, Claire Von Corda, Black Coat Press, Rivière Blanche, juin 2019, 244 pages, 20 €
Claire Von Corda a commencé sa vie littéraire avec Lorem-Ipsum, une revue d’art pluridisciplinaire dont, selon ses créateurs, « son utilité n’a pas encore été déterminée avec exactitude, ni sa durée de vie, et pas davantage sa périodicité ».
Pour autant l’auteure a trouvé une première piste d’envol et donne aujourd’hui son livre le plus abouti.
Claire Von Corda élargit une scène première, un moment zéro – ou premier – pour l’ouvrir à une scène cosmique entre le trop plein et un certain néant. La chambre de l’intime et la galaxie ne font qu’un entre « mère Electricité » et « sœur Vitesse » qui semblaient recomposer le monde. Il y eut en conséquence un soir, un matin : voire plus – une semaine pour les amants. Avant que le monde ne soit plus ce qu’il pouvait donner et que les naïfs pouvaient espérer. La faute n’est pas aux amoureux mais ils sont les victimes consentantes d’un tel advenir.
Certes tout n’est pas clos. Et l’espoir est permis. La narratrice attend telle une Pénélope d’un « nouveau » temps qui n’a de nouveau peut-être que le nom. La table des noces va jusqu’à se dresser. Mais pour combien de temps encore ? Que la terre soit celle du « rétablissement », la narratrice en doute. L’attendu devient de plus en plus une hypothèse vague comme l’est parfois la vie lorsque trop de doutes sont permis.
Reste à peupler le temps jusqu’à parfois « glapir » même si tout compte fait ça ne sert pas à grand-chose. Et celle qui s’y adonne le sait. Les jours se suivent. Et se succèdent. Puis ils ont du mal à défiler dans un maelstrom qui n’est pas seulement d’émotions. Le monde existe en a parte de l’héroïne. Et les plaies du monde se multiplient. « Le désespoir des singes » sonne à son tour le chaos. Et s’il y a eu de beaux moments cela ne présage pas forcément du bon.
Le monde devient matière opaque et friches industrielles. Et il perd ses repères. La narratrice se retrouve hors concours ou plutôt hors course. Et peu à peu tout remonte au point zéro sans qu’une boucle soit bouclée. Le whisky a beau macérer dans des coupes sacrées, il n’y a plus personne pour avoir envie de s’en abreuver. Tout devient délétère même si les envies de recommencer ne se quittent pas normalement si facilement. Mais cela suffit-il ? Au lecteur de le voir. Mais il sait déjà que les histoires d’amour finissent mal. Qu’on ait du cœur ou pas. C’est comme s’il ne nous appartenait plus, il ne nous appartenait pas.
Jean-Paul Gavard-Perret
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