Les derniers mots, Tom Piccirilli (par Jean-Jacques Bretou)
Les derniers mots, juin 2019, trad. Étienne Menanteau, 480 pages, 9 €
À Long Island, comme il y a eu une famille Crumb réputée pour son originalité et le talent de dessinateur de ses membres, Robert en tête, à l’origine du « pulp underground » américain, on peut rencontrer, toute comparaison mise à part, en dehors de l’anticonformisme et de l’esprit de clan, les Rand. Au jeu des sept familles, on peut demander le grand-père, son fils ou sa belle-fille (papy souffrant d’Alzheimer est soigné par ces derniers) ; l’un de leurs trois enfants, Collie, Terrier, ou la petite dernière, Dale ; l’un des deux tontons, Male ou Grey, ou encore le chien Kennedy. Ils portent tous des noms de race de chiens et ils sont tous voleurs de père en fils depuis des générations, mais ils ont une règle, comme notre Arsène Lupin, ils sont « voleurs mais pas assassins ». Les affaires ne se portent pas trop mal, leur grande maison, pleine de cachettes secrètes déborde des fruits de leurs larcins ; il y a même le flic du coin, un peu ripou mais abandonné par sa femme et ses enfants qui vient chercher un peu de réconfort et de chaleur auprès de cette famille aux membres si soudés.
Mais un jour, un des fils, Collie, pète les plombs : au grand désarroi de sa famille, il abat huit personnes. De peur de partir en vrille, Terry s’enfuit loin des siens, dans un ranch. Cinq ans plus tard, à quelques jours de son exécution Collie contacte son frère, il a un secret à lui confier : il ne reconnaît avoir exécuté que sept meurtres sur huit. Terry va devoir enquêter.
Le nœud de ce polar se trouve là, entre raison et folie, entre amour et haine. Terrier va devoir avancer sans perdre l’équilibre pour découvrir si ce que dit son frère est vrai. L’enjeu n’est pas la libération de Collie mais juste d’essayer de comprendre ce qui a pu se passer dans l’esprit du tueur.
C’est un livre dont l’écriture très fluide, sans artifice ni action inutile, nous conduit insensiblement à travers les méandres du cerveau de Terrier et de quelques-uns de ses protagonistes. On est happé par le texte et l’on passe sans vraiment s’en rendre compte à travers toute la palette émotionnelle que l’auteur imprime à ses personnages. Nous subissons une succession de pics sans vraiment connaître de longues phases horizontales de répit. C’est ce qu’on appelle une écriture psychologique haletante.
Peu à peu on va connaître ce que l’auteur réserve à cette famille bien originale mais que l’on se surprend à aimer peu à peu.
C’est du grand art que nous sert Piccirilli. Un livre à lire sans réserve.
Jean-Jacques Bretou
- Vu : 1739