À trois poèmes près, publiés en revues, l’œuvre laissée volontairement par Arthur Rimbaud se résume à un petit volume publié à Bruxelles en 1873, alors qu’il a dix-neuf ans (« Aller mes vingt ans, si les autres vont vingt ans… ») : Une Saison en enfer. De ce mince et unique volume, de cette première publication qu’on a pu croire perdue, Grégoire Beurier dresse une exégèse intelligente et pertinente en postface de la présente édition, soulignant entre autres la présence, rare chez l’imprimeur bruxellois, de pages blanches dans l’édition de 1873 – pages blanches auxquelles le postfacier désirerait qu’on alloue un sens, ce en quoi on le suit tout à fait. Ce sont comme autant de respirations, de pauses, de temps d’arrêt avant le bond poétique suivant dans cette lutte métaphysique et poétique à la fois que livre un tout jeune homme peut-être déjà conscient de son silence à venir (« Je quitte l’Europe. L’air marin brûlera mes poumons, les climats perdus me tanneront », écho au « Si je veux une eau d’Europe, c’est la flache » du Bateau ivre). Ces pages blanches se retrouvent dans la présente édition, qui n’est pas un fac-similé de celle de 1873, mais en reprend la numérotation des pages ainsi que la mise en page approximative, permettant, un siècle et demi plus tard, de lire ou relire au plus près Une Saison en enfer.