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The History of Miami Hip Hop, John Cordero (par Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard le 27.02.24 dans La Une CED, Les Chroniques

The History of Miami Hip Hop, John Cordero, éd. Microcosm Publishing, février 2023, 160 pages, langue anglaise, 9,50 €

The History of Miami Hip Hop, John Cordero (par Jeanne Ferron-Veillard)

 

Me so horny

Amis Français d’ici ou d’ailleurs, good morning ! 1400 heures, c’est le nombre d’heures que j’ai passées sur mon vélo, en 2023. Avec le projet de photographier les plaques d’immatriculation des véhicules et ainsi prouver que l’ensemble des États-Unis vient, pour une raison ou pour une autre, à Miami.

Bilan carbone 2023 plutôt positif, et quarante et une plaques répertoriées. Quarante et une fois, j’ai posé mon vélo où je pouvais, j’ai adopté une attitude naturelle pour m’accroupir au niveau du pare-chocs et photographier, le plus vite possible, la carte d’identité personnalisée dudit véhicule. Oui, je rappelle que les plaques d’immatriculation sont majoritairement situées à l’arrière, aux États-Unis.

Tout fonctionnait à merveille jusqu’au jour où un type charmant, le propriétaire donc, a braqué un objet sur moi. Expliquer en dix secondes, au-delà c’est trop tard, qui je suis, le pourquoi du projet, j’ai employé le mot épitome et ça lui a plu. Ouf. Je venais de photographier la plaque d’immatriculation de John Cordero, un auteur qui transforme les jouets en plastique de son fils et qui a publié un livre pour l’anniversaire des 50 ans du Hip Hop. L’histoire du Hip Hop à Miami. Bien sûr ! ça a commencé à New-York, dans les années 70 mais Miami a sa part aussi. Années 90.

Miami condense, agglomère, digère. Les substances, les influences, les nationalités. Des gueules sur les murs et des histoires dans les murs. Graffiti, stations radio pirates, concerts clandestins entre deux food trucks, garage DJ, beat DJ mais pas que. Ça part du sol, ça parle de mort et de folie, ça t’explose dans les tripes, ça découpe l’Est et l’Ouest et ça tue tes potes. L’unicité du Hip Hop ? c’est le battement organique des mots et des corps, en simultané. La répétition endémique des rythmes jusqu’à saturation.

Je n’avais pas tout compris mais ça m’a plu. John a proposé qu’on marche un peu, j’ai dit bien sûr, j’ai dit merci. John et le Cipher magazine, de 1998 à 2000, c’était la voix du Hip Hop, des photos que tu ne verras jamais ailleurs, le Golden Age à South Beach, là où tu mates les culs des véhicules, bien avant les mannequins, le botox, les hôtels de luxe, les labels, internet et la gentrification, ici c’était le ghetto by the beach. Les cocaïne cow-boys, du hippie au hip hop, DJ Craze tous les jeudis soir, et des clubs à ne plus savoir si les portes, tu les tires ou tu les pousses et peu importe si t’avais moins de 21 bougies sur ton gâteau d’anniversaire. Come in peace or leave in pieces. Le Hip Hop, ce n’est pas une musique que tu joues, c’est de l’écriture, c’est du vernaculaire, c’est du feu qui te brûle la langue, c’est de la vie entaillée sur les murs, c’est du souffle sur ta face, c’est du soul dans tes entrailles, c’est le sol qui tangue, c’est toi qui bouscule et les autres qui basculent, c’est la fringue que je choisis et la façon dont je la porte, ce sont toutes les musiques en même temps sur ta peau et c’est ça, qu’on vient chercher, à Miami. Un épitome.

The dark side. La violence. La provoc. L’obscénité. Le manque de respect vis-à-vis des nanas, bull shit Man, les b-girls du Hip Hop, elles envoient et elles t’envoient bouler. Crois-moi.

Crois-moi, il en fallait pour prendre le risque de tatouer un mur, t’allais en tôle pour ça. Uncle Luke et son groupe 2 Live Crew, tu te souviens, l’ennemi public numéro 1. Ou comment un mec qui a du coffre peut faire toute la différence. C’est ça, le Hip Hop. Ce mec, il a gagné tous ses procès parce que le premier amendement défend la liberté d’expression. Le gosse de Liberty City (quartier où tu ne fais pas de vélo), il est multimillionnaire et il vient de souffler ses soixante-trois bougies. Les mecs maintenant, ils sont tranquilles, ils sont chez eux, en famille, entrepreneurs ou sculpteurs. Et ça les fait marrer, les selfies devant des graffitis vendus des millions de dollars, la légalité comme label de garantie. Fin de l’histoire. Fin de la balade. Et c’est sa caisse qui s’est fait la malle. Emportée par la fourrière. Quatre cents dollars, la promenade. Et apprends par cœur les deux chiffres et les quatre lettres de ta plaque d’immatriculation, tu perdras moins de temps. Quatre cents dollars et tu dois payer cash.

C’est ça l’obscénité.

John, je lui ai prêté mon vélo pour aller récupérer sa voiture, j’ai loué un Miami city bike et je l’ai écouté me raconter la suite du Miami Bass Sound. La philosophie du Hip Hop. La mesure et la composition. Les sons et les poses. L’incarnation du Hip Hop. L’histoire aussi des plaques d’immatriculation aux États-Unis. Et toutes ces représentations que l’on découvre, à défaut de les inventer, pour s’agrafer une part du réel dans le corps.

 

Sandrine-Jeanne Ferron

 

John Cordero est né à Caracas, au Venezuela, en 1977. Il arrive aux États-Unis avec sa famille en 1989, s’installe en 1995 à Miami où il vit toujours. Il est le co-fondateur du magazine indépendant consacré au Hip Hop, The Cipher. Il est vétéran de l’US Navy.



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A propos du rédacteur

Jeanne Ferron-Veillard

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Jeanne Ferron-Veillard naît le 16 septembre 1975, à Lorient. Grandit en Bretagne puis à Albi. A l’âge des grandes mutations, part sur Paris : pensionnaire à l’école de La Légion d’Honneur. Les études ? Niveau licence, quelques souvenirs en Lettres Modernes. Puis ce sera l’Angleterre où elle restera quatre années. Retour en France, entre autres responsable d’une très jolie librairie à Paris. Petit tour de France puis du monde, lit, écrit et vit depuis au même endroit incognito.