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Les Chroniques

Fille du chemin, Jean Pierre Vidal (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Février 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Fille du chemin, Jean Pierre Vidal, éd. Le Silence qui roule, janvier 2024, 95 pages, 12 €

 

Côte à côte

Le dernier livre de Jean Pierre Vidal ne se comprend que duel, en relation, dans un rapport à autrui. Un lien avec autrui, une autre, fût-elle inconnue. Pour paraphraser Paul Ricœur, ce livre aurait pu s’intituler « Soi-même comme un autre ». Grâce à cette intersection de deux parallèles (et l’on sait qu’elles se rejoignent à l’infini) on devine quelque chose de l’amour, sans doute profane mais qui semble, au-delà, un amour sacré, comme s’il fallait une forme à celle qui est absente, un accueil, une présence, la présence du poète.

Ce livre est aussi un texte sur l’abandon, sur la perte, là où le poète doit abandonner l’aimée, ou plutôt, la confiant au poème, lui donner une forme d’éternité. Une absente éternelle dans le poème, quittant son statut physique pour devenir une allégorie, un ensemble de métaphores de la femme. Du reste, on reconnaît parfois Sylvie, fille du feu de Nerval, apparaissant comme en palimpseste.

Mon sous-marin Jaune, Jon Kalman Stefansson (par Patrick Le Henaff)

Ecrit par Patrick Le Henaff , le Vendredi, 09 Février 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Mon sous-marin Jaune, Jon Kalman Stefansson, éd. Christian Bourgois, janvier 2024, trad. islandais, Éric Boury, 408 pages, 22 €

 

Il y a les livres… et il y a des livres.

Jon Kalman Stefansson est un des plus grands écrivains Islandais, vivant. Et même grand écrivain tout court. Lu et publié dans le monde entier, il est en train de devenir, si ce n’est pas déjà fait, ce que l’on peut appeler, d’une formule ambiguë et peut-être pas très heureuse le concernant, un écrivain culte. 60 ans, une imposante œuvre romanesque et poétique derrière lui, un public averti qui le suit, l’écoute et le lit, c’est le dernier Stefansson, entend-on ! Son précédent opus, Ton absence n’est que ténèbres, en a touché plus d’un, et si ce n’est pas déjà fait, je vous encourage à le lire. Pardon à le relire. Pardon encore, à le dévorer.

Une littérature âpre et exigeante, puissante, terrestre, humaine, qui nous vrille le cœur.

Coups de griffes 5 (par Alain Faurieux)

Ecrit par Alain Faurieux , le Jeudi, 08 Février 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Avec les Fées, Sylvain Tesson, Éditions des Équateurs, janvier 2024, 224 pages, 21 €

Pas de mensonge chez Tesson. La posture de l’homme, de l’œuvre, est tout entière dans la couverture. Focus sur le gars qui lit, perché face à la mer déchaînée. On peut lire Tesson et penser à Hegel et Chateaubriand, bien sûr, et aussi à Hugo, ou encore à la prochaine lessive. Nous voilà avec le pendant masculin des Ernaux, Coulon & Co. Je peux enfin dire qu’un livre m’a gonflé sans être accusé de sexisme. Nombrilisme forcené, joli sens de l’esbroufe, du marketing soft et de comment caresser dans le sens du poil. Tesson est, se veut, un enfant du siècle. Duquel est une autre histoire. Que reprocher à notre super-héros gaulois ? Dans une construction globalement classique (Invention de l’esprit Celte > voyage (semi-)initiatique > résolution), l’écriture ne rechigne devant rien. Tesson entasse majuscules, citations, notions, italiques, guillemets et références (littéraires, philosophiques, mystiques, historiques et géographiques).

Les Terrains, Écrits sur le sport, Pier Paolo Pasolini (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 07 Février 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

Les Terrains, Écrits sur le sport, Pier Paolo Pasolini, Le Temps des Cerises, Cahiers Roger-Vailland, 2004, trad. italien, Flaviano Pisanelli, 142 pages, 8 €

 

Quelle bonne idée ont eue les éditions Le Temps de Cerises, en 2004, dans les Cahiers Roger-Vailland, de réunir, traduits et préfacés par Flaviano Pisanelli, un certain nombre d’écrits sur le sport de Pasolini, parus dans la presse italienne de 1956 à 1971, auxquels s’ajoute une interview publiée en 1975 au lendemain de son assassinat !

Quatre domaines suscitent la réflexion de l’auteur des Cendres de Gramsci : les Jeux Olympiques de Rome de 1960, le football, la boxe et le cyclisme (il assiste avec enthousiasme en 1969 à l’éclosion d’Eddy Merckx). Je me limiterai ici à ses analyses sur le ballon rond (pages 63 à 104) dont il était à la fois un spectateur passionné, tifoso de la Bologna, même après son installation à Rome, et un pratiquant assidu.

Innombrable en ta lumière, Nathalie Swan (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 05 Février 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Innombrable en ta lumière, Nathalie Swan, éd. de Corlevour, janvier 2024, 128 pages, 16 €

 

Corps

L’exercice du poème est tendu par la matière qu’il recouvre, dont il fait un sujet de chair, comme si la totalité du poème avait la nécessité d’une enveloppe physique. Ici, le recueil de Nathalie Swan ressemble à ce carrefour. Le corps/le poème, le corps au sens strict : main, voix, souffle, regard, souffle, bras, peau, bouche, yeux, artères, seins, reins, sang, salive, par exemple. Vertèbre, ossature du poème. Celui-ci peut se comprendre grâce à cette tension, ce long feu syntaxique, et sa souplesse descriptive, sans épopée, ni histoires simples ou compliquées. Juste le langage du corps aimant. De ce fait, si l’on considère le peu de qualificatif, nous sommes en présence d’une littérature maigre. Je m’explique : je crois que le poème doit être un lieu hivernal, devoir se comparer au blanc de la neige, à l’ossature de la forêt l’hiver. Moins il y en a, mieux c’est. Rien de superfétatoire, tout est affaire d’équilibre, équilibre des corps abouchés. Et pourquoi dès lors nous interdirions-nous les images de fluides, de passions, d’amour, presque d’effets glandulaires ?