A propos d’Eclat du fragment de Bai Chuan (L’Amourier, 2002, 13 €)
Quelle peau d’écriture se fabrique un écorché ? Comment une effraction physique s’inscrit-elle dans la chair des mots ? Quel contenant donner à des lambeaux ? Des écrivains aussi divers qu’Antonin Artaud, Primo Levi, Paul Celan, et plus récemment Philippe Lançon apportent chacun à ces questions leur réponse particulière. L’originalité d’Eclat du fragment tient à ce que son auteur, Bai Chuan, s’efforce d’enduire soigneusement son texte d’une laque qu’il s’emploie simultanément à faire sauter.
Victime dans son adolescence d’un viol, Bai Chuan ne nous l’apprend que dans le dernier quart de ce livre qui, disons-le tout de suite, n’appartient en rien à la littérature de témoignage. Bai Chuan est le pseudonyme dont s’enveloppe un auteur qui écrit en français, vit à Taiwan, et tient à donner à ce petit livre de 72 pages un contenant solide en l’inscrivant dans un genre littéraire chinois, le « sanwen », ensemble de proses brèves d’une composition très libre et à la croisée des genres : essais « à sauts et gambades », souvenirs de famille, portraits, impressions, récits de voyages. L’éclat du fragment, c’est donc d’abord la mise en valeur de la beauté rayonnante des formes brèves chinoises.