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La fin d’une imposture, Kate O’Riordan

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 31 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Iles britanniques, Roman

La fin d’une imposture, Kate O’Riordan, Traduit de l'anglais par Laetitia Devaux Ed. Joelle Losfeld janvier 2016, 377 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Kate O’Riordan Edition: Joelle Losfeld

 

Si le très anglo-saxon concept de « Page-turner » a un sens, il est superbement représenté par ce roman, dont la particularité majeure est de vous accrocher très vite et de ne plus jamais vous lâcher jusqu’au dernier mot de la dernière page. Haletante, telle est la narration de ce livre, dont on n’attend pas forcément, au départ, que ce soit un thriller et pourtant qui en est un, terrifiant. Si un « page-turner » n’est pas forcément de la haute littérature, c’est, quand il est emmené avec le brio de ce roman, un excellent bouquin, à n’en pas douter.

La topologie de cette histoire est une affaire de dedans/dehors, dans le style bande de Moebius. La famille Douglas devrait être le dedans. Mais tout est tellement dehors chez elle : Le couple cassé, le fils mort pendant un séjour de vacances en Thaïlande, la fille dévastée et en rébellion. Et Jed – le beau et jeune Jed – il devrait être l’autre, le dehors donc. Mais voilà, il entre dans un cercle familial branlant et il met en œuvre sa destruction totale. L’auteure a bien compris que son histoire a affaire à la topologie. Dès les premières pages, à l’annonce affreuse de la mort du fils une veille de Noël, elle met en place sa structure dominante, le trou.

Tous les Vivants, Le crime de Quiet Dell, Jayne Anne Phillips

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 17 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, L'Olivier (Seuil), Roman, USA

Tous les Vivants, Le crime de Quiet Dell (Quiet Dell), janvier 2016, trad. américain Marc Amfreville, 533 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Jayne Anne Phillips Edition: L'Olivier (Seuil)

 

 

Reconstitution minutieuse et complète d’un fait-divers aussi célèbre que terrifiant, néanmoins roman, voire romance, ce livre captive de bout en bout tant son auteur tricote habilement le réel recomposé et l’imaginaire. On ne s’attend pas à cela pendant les 65 premières pages, consacrées à la malheureuse « héroïne » de l’histoire, la très fleur-bleue et assez sotte mère de famille. Cette assertion vise à avertir le futur lecteur qu’il ne doit en aucun cas se décourager de continuer la lecture, car quand le mal survient, c’est une violente irruption d’une figure somme toute satanique, dans l’univers feutré d’une petite bourgeoisie provinciale très « bovaryenne ». Le fait-divers en soi est assez sordide, pour que Jayne Anne Phillips n’ait eu besoin d’en remettre sur la noirceur. Et le résultat est étonnant et séduisant : le mariage de la bluette et de l’horreur.

Né au bon moment, David Lodge

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 08 Mars 2016. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Biographie

Né au bon moment (Quite a Good Time to Be Born, A Memoir, 1935-1975) traduit de l’anglais par Maurice Couturier, février 2016. 561 p. 24 € . Ecrivain(s): David Lodge Edition: Rivages

 

Pour tous ceux qui connaissent essentiellement David Lodge à travers ses œuvres hilarantes (et elles sont nombreuses*1), il faut dire d’emblée que cette première partie de son autobiographie est largement dominée par un sentiment durable de mélancolie. Lodge raconte ici son enfance, ses parents, les années de guerre, sa jeunesse, ses débuts dans la carrière d’écrivain. Est-il besoin de dire qu’il s’agit là de l’essentiel, des mémoires de l’auteur (il annonce en préface un second volet à venir « si j’en ai le temps »), les fondements d’une vie et d’une œuvre.

Sans cesse, David Lodge établit le lien entre les deux. Il tisse les passerelles entre les émotions, les blessures, les peurs de l’enfance et les traces qu’elles laisseront en lui et dans l’écriture d’une œuvre désormais immense, romans (25 !), biographies, nouvelles, pièces de théâtre. Il écrit, à propos de ses souvenirs de « pension » (qui ne dura qu’une petite semaine !) :

« A présent, je n’arrive plus à distinguer de façon certaine les détails empruntés à ma propre vie, ceux dictés par d’autres œuvres qui ont traité du sujet, comme « Portrait de l’artiste en jeune homme » de Joyce et « Frost in May » d’Antonia White, et ceux de mon invention ».

A propos de "L'Esprit du Judaïsme" de Bernard-Henri Lévy, par Léon-Marc Levy

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 03 Mars 2016. , dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques

 

Bernard-Henri Lévy est en fin de compte peu philosophe. Ce qui n’enlève rien à la valeur de l’homme, ni à ses œuvres, ni même à… son agrégation de philosophie. Ses modes de pensée, ses interventions médiatiques, son implication sur le théâtre de quelques tragédies mondiales, font de lui – et encore une fois cela est un grand mérite – un témoin, un journaliste, un écrivain, un militant. Jamais un philosophe. En fait le débat philosophique visiblement l’ennuie. Le dernier exemple en date est la manière dont il exclut de ce livre le grand Spinoza – qui pourtant est central dans la construction de la figure du Juif d’Europe. Nous y reviendrons mais, Spinoza sort de son champ de pensée parce qu’il est « trop » philosophe : il néglige la synagogue (la « communauté ») pour ne s’intéresser qu’à la quête de la vérité de Dieu – sa liberté. Or BHL, comme l’homme de conviction qu’il est, mène combat contre ce qu’il appelle « le nouvel antisémitisme », et doit, par conséquent, plonger son propos dans la réalité culturelle et cultuelle de la communauté juive de France. Dans la synagogue, quand Spinoza est (par lui-même et contre lui-même) hors la synagogue. Spinoza se situe « sub species aeternitatis ». BHL regarde « Hic et Nunc ». Spinoza est un philosophe. BHL un homme de pensée tendu vers l’action immédiate. Il est donc un peu tout (et souvent de façon valeureuse) sauf philosophe.

Plateau, Franck Bouysse

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Février 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La Manufacture de livres

Plateau, janvier 2016, 301 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Franck Bouysse Edition: La Manufacture de livres

La Cause Littéraire avait aimé Vagabond, adoré Grossir le ciel de Franck Bouysse. Néanmoins, Plateau marque un basculement dans l’œuvre en construction de cet auteur. Franck Bouysse atteint ici une maturité, une puissance, une économie d’écriture qui en font désormais un des tout meilleurs écrivains français.

Si le cadre de son roman n’a pas vraiment changé, on est en Corrèze sur le plateau de Millevaches, il perd désormais sa fonction de décor pour devenir un personnage à part entière, écho tellurique permanent à la solitude et la douleur de vivre des personnages, nourrissant leur détresse, distillant à coups de ciels noirs, de vents mauvais, de pluies agressives, l’infini malheur de vivre des quelques êtres désespérés qui peuplent cette histoire. Le Plateau est vivant, déroutant, mais il porte la mort en lui – éventuellement sous la forme incarnée d’un mystérieux Chasseur rôdant dans les bois, élément même des forces en œuvre dans cette partie du monde.

« Il est une ombre sur le Plateau, un germe sous un tégument, un murmure porté par le vent qui courbe à peine l’échine des herbes.

Imago prêt à toutes les mues ».