La fin d’une imposture, Kate O’Riordan
La fin d’une imposture, Kate O’Riordan, Traduit de l'anglais par Laetitia Devaux Ed. Joelle Losfeld janvier 2016, 377 p. 22,50 €
Ecrivain(s): Kate O’Riordan Edition: Joelle Losfeld
Si le très anglo-saxon concept de « Page-turner » a un sens, il est superbement représenté par ce roman, dont la particularité majeure est de vous accrocher très vite et de ne plus jamais vous lâcher jusqu’au dernier mot de la dernière page. Haletante, telle est la narration de ce livre, dont on n’attend pas forcément, au départ, que ce soit un thriller et pourtant qui en est un, terrifiant. Si un « page-turner » n’est pas forcément de la haute littérature, c’est, quand il est emmené avec le brio de ce roman, un excellent bouquin, à n’en pas douter.
La topologie de cette histoire est une affaire de dedans/dehors, dans le style bande de Moebius. La famille Douglas devrait être le dedans. Mais tout est tellement dehors chez elle : Le couple cassé, le fils mort pendant un séjour de vacances en Thaïlande, la fille dévastée et en rébellion. Et Jed – le beau et jeune Jed – il devrait être l’autre, le dehors donc. Mais voilà, il entre dans un cercle familial branlant et il met en œuvre sa destruction totale. L’auteure a bien compris que son histoire a affaire à la topologie. Dès les premières pages, à l’annonce affreuse de la mort du fils une veille de Noël, elle met en place sa structure dominante, le trou.
« Quelques coups à la porte, et une obscurité insondable avait pénétré chez eux. En observant en silence son mari sous le choc et sa fille hébétée, Rosalie sut avec une clarté limpide qu’ils étaient désormais tous trois au bord d’un trou noir : ils en connaîtraient le cœur avant que la noirceur en ait fini avec eux. »
Kate O’Riordan joue avec nos nerfs avec une science narrative consommée. Elle nous oblige à des soupçons – dont on a vite honte tant ce serait immoral – à des hypothèses, à des fictions qui font la nique à sa fiction. Ce livre est un dédale de miroirs qui, en fin de compte, nous renvoie sans cesse au pire. Le pire est incarné en un visage d’ange au charme vénéneux.
« Rosalie était déjà sous le charme. Jed avait une peau aussi lisse que celle d’une poupée. Des étincelles noires pétillaient dans ses yeux mordorés, formant un halo chocolat autour de chaque pupille. Il était beau comme un dieu. Le jeune homme parfait. »
Une véritable terreur s’installe peu à peu chez le lecteur, à mesure qu’il anticipe une histoire cauchemardesque. Et cette terreur est accentuée par la faiblesse insigne des figures féminines de l’affaire : la mère, Rosalie, l’une de ces femmes travaillées par le vieillissement, qui cherchent à se rassurer sur leur pouvoir de séduction. La fille, Maddie, adolescente fragile, crédule, sentimentale, vaguement révoltée. Des proies enfin, pour prédateurs prêts à tout pour arriver à leur fin. Et le prédateur rôde.
Plongez-vous dans ce roman. Ça ne durera que quelques heures, mais d’une intensité qui vous hantera longtemps.
Léon-Marc Levy
VL2
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
Notre cotation :
VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)
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