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Roman

La Trinité bantoue, Max Lobe (2ème article)

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mercredi, 26 Août 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Zoe

La Trinité bantoue, août 2014, 208 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Max Lobe Edition: Zoe

 

Mwána, jeune étudiant de culture bantoue, vit en Helvétie dans un appartement qu’il partage avec Ruedi, son jeune amant roux, et l’amant de celui-ci, Dominique, qu’ils voient tous les deux alternativement. Il vient de perdre son emploi et il angoisse à l’idée de ne pas en retrouver.

Dans une narration très oralisée ponctuée de termes empruntés à l’italien, pays frontalier, comme « cioé » par exemple et de formules héritées de sa culture, Max Lobe nous offre un récit savoureux et parfois drôle au milieu des moments « cailloux » que traverse Mwána. Difficultés qui n’entament pas son optimisme et sa détermination puisque « Nzambé n’a fait qu’ébaucher l’homme. C’est ici-là sur terre que chacun se crée lui-même ». Il convient seulement de se battre pour s’en sortir et ne jamais baisser les bras. Et comme Ruedi ne veut pas demander « le gombo » de ses parents, mais ne cherche pas vraiment à travailler (il passe son temps devant son ordi quand il n’est pas à la fac ou dans les bras de son amant), Mwána se sent responsable pour deux.

L’homme-sirène, Carl-Johan Vallgren

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 24 Août 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Jean-Claude Lattès

L’homme-sirène, février 2015, traduit du suédois par Martine Desbureaux, 310 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Carl-Johan Vallgren Edition: Jean-Claude Lattès

 

Terriblement noir, mais captivant, ce roman pourrait tout aussi bien être classé dans les romans pour ados, car il s’agit d’une histoire qui les concerne directement. L’histoire d’une collégienne, Petronella, dit Nella et son petit frère collégien lui aussi, Robert : deux enfants qui ont tout pour en baver. Un père en prison, mais c’est pire quand il en sort, une mère alcoolique qui ne s’occupe pas du tout d’eux, pas d’argent et quasi pas d’amis. Le petit frère, surnommé Robbie, lui est carrément devenu le souffre-douleur d’une bande de tortionnaires un peu plus âgés. Il cumule les tares et ces brimades quotidiennes n’arrangent rien. Sa sœur fait tout ce qu’elle peut pour le défendre, le soutenir et s’en occuper à la place des parents défectueux. Pire que défectueux, des parents qui en rajoutent dans les problèmes au lieu de les régler. Les tortionnaires en question, surtout leur chef, Gérard, ne se contentent pas de harceler Robbie, leurs petits jeux qui n’ont rien de drôle, deviennent de plus en plus cruels, cela vire à la persécution pure et dure et Nella devient victime à son tour d’humiliations et de chantage, quand d’autres exactions de la bande prennent un tournant bien plus compliqué.

Ozu, Marc Pautrel

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 22 Août 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Editions Louise Bottu

Ozu, août 2015, 136 pages, 14 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Editions Louise Bottu

 

« Ozu aime lire, s’enivrer, dormir, prendre des bains, marcher, faire l’amour avec des geishas ou bien des amies chères, écrire, encore lire, filmer, capturer le mouvement de ses acteurs et ses actrices interprétant les dialogues, regarder les fleurs, regarder la mer qui ne change jamais, seul le ciel change qui fait changer la mer… »

Marc Pautrel aime écrire. Ecrire et lire, se confier à la musique d’une phrase, aux couleurs des mots qui la grisent, à cette suspension, cette retenue, cette façon tellement singulière d’écrire à hauteur d’homme, comme celle, tout aussi singulière, qu’avait Ozu de placer sa caméra à quatre-vingt centimètres du sol. L’un privilégie le plan fixe, les plans de coupes, ses comédiens regardent l’objectif pour vivre la scène, ils sourient, prennent le temps de parler et leurs regards transpercent l’objectif. L’autre écrit dans ce même saisissement, ce même silence, la phrase est toujours juste et courte, nette et précise, elle respire. Sa phrase est baignée de la saveur de la juste description – je vois donc j’écris. Elle ne cherche jamais l’effet majeur pour se concentrer sur l’art mineur. C’est alors, que le roman d’Ozu peut, comme les cerisiers, fleurir.

En territoire Auriaba, Jérôme Lafargue

Ecrit par Cathy Garcia , le Vendredi, 21 Août 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Quidam Editeur

En territoire Auriaba, mars 2015, 196 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Jérôme Lafargue Edition: Quidam Editeur

« J’ai toujours pensé que ce monde ci est trop petit, ou plutôt que ce que l’on nous donne pour réalité ne constitue qu’une infime partie de l’infinité du monde ».

Il y a quelque chose de très séduisant dans ce roman qui oscille entre rêve et réalité, et où les rêveurs lucides permettent au rêve d’interagir avec le réel, pour lancer des passerelles au-dessus du temps. Des hommes, un enfant, un loup, une traque mystérieuse, des haines familiales ancestrales, des territoires réels et imaginaires, un passé ancien qui écrit des destinées qui nous ballotent des côtes marocaines au Charleville de Rimbaud en passant par le Honfleur de Allais et cette date récurrente, le 20 octobre 1854 et puis l’océan immense, ses vagues sur lesquelles on surfe en parfaite osmose avec une nature indomptée, extérieure comme intérieure.

C’est un roman difficile cependant à saisir, son rythme est déroutant, et c’est le genre de livre qu’il faudrait relire quand on arrive à la fin, pour rassembler le tout dans un ensemble plus palpable. Ainsi le roman semble être lui-même une sorte de rêve, l’a-t-on vraiment lu ? Un très bel imaginaire, un souffle puissant le parcourt, c’est organique, instinctif, les personnages y sont atypiques, en marge et dotés de solides personnalités. C’est aussi avec l’Histoire en filigrane, un regard critique concernant certains faits et attitudes, portant des fruits amers qui donnent encore des graines aujourd’hui.

L’Infinie Comédie, David Foster Wallace

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 20 Août 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, L'Olivier (Seuil), La rentrée littéraire

L’Infinie Comédie, août 2015, traduit de l’anglais (USA) par Francis Kerline, 1488 pages, 27,50 € . Ecrivain(s): David Foster Wallace Edition: L'Olivier (Seuil)

Depuis sa publication en 1996, L’Infinie Comédie fait partie des romans nord-américains dont on entend parler avec régularité, ses lecteurs le considérant comme une œuvre essentielle, voire centrale, des trente dernières années, et allant jusqu’à l’élire dans les cent meilleurs romans écrits en anglais depuis 1923 selon l’hebdomadaire Time.

Son auteur, David Foster Wallace (1962-2008), fait quasi l’objet d’un culte, son œuvre étant même devenue un sujet d’étude universitaire per se. Bref, c’est peu dire que, en 2015, la traduction française de ce roman fait figure d’événement et qu’il convenait, pour le lecteur non anglophone, de s’intéresser à ce « roman total », selon la qualification de son auteur lui-même, et d’en lire les environ mille cinq cents pages.

Autant l’admettre de prime abord : les mille cinq cents pages, on les sent passer. Ce roman, à certains égards, est fastidieux malgré son écriture géniale. Voire : à cause de son écriture géniale. Un peu partout, ça clignote : attention, chef-d’œuvre ! attention, démonstration de savoir-écrire en cours ! Et le lecteur, même expérimenté, même habitué à d’habiles démonstrations stylistiques, ne peut qu’obtempérer : oui Wallace est un génial styliste, d’une polyvalence aussi absolue que maîtrisée…