La lecture de certains romans s’apparente, parfois, à une révélation douloureuse, une évocation puissante, grave. Celui de Julie Otsuka Certaines n’avaient jamais vu la mer est de ceux-là : c’est l’odyssée de jeunes japonaises, à qui on a promis de se marier en émigrant aux Etats-Unis pour rejoindre leurs compatriotes déjà établis en Amérique, et censés leur apporter le bonheur conjugal, l’accès à l’aisance matérielle. Hélas, ces candidates naïves sont cruellement déçues. Elles le sont dès leur traversée en bateau, accomplie dans les pires conditions, plus proche des transports d’esclaves que d’un voyage ordinaire. A leur arrivée, elles endurent des conditions de travail atroces, sont violées par leurs maris, êtres frustes, rustres, dont les métiers réels sont bien moins prestigieux qu’annoncés à leur départ du Japon.
Ce récit, c’est toute une chronique de la vie de ces immigrants japonais des années trente aux Etats-Unis, dont la cohabitation avec les Américains est difficile, parsemée d’embûches, dont l’éloignement culturel des deux civilisations n’est pas la moindre. La maîtrise de la langue anglaise par ces femmes est laborieuse, elles ne parviennent à apprendre que quelques mots durant leur séjour.