Sur la couverture, ces pavés sinueux noir et blanc de Lisbonne, et une poignée d’œillets rouges. Ne s’agit-il pas pour la narratrice-reporter, d’origine portugaise, de « découvrir entre les petites pierres, les restes de ces fleurs, l’unique mitraille à laquelle votre peuple a eu recours pour déboulonner ces vieux types ». Travail de mémoire ? sur ces mémorables – ceux, les encore vivants après toutes ces années, qui ont été les acteurs, l’âme aussi, peut-être, de cette Révolution du 25 Avril 1974, au Portugal. Scénario simple : préparation d’un documentaire sur le sujet destiné à une TV américaine ; son titre – l’Histoire réveillée. Les mémorables qu’on va rechercher, observer, faire parler, puis chercher encore (surtout) ce qui se cache derrière leur mémoire affichée, sont sur une photo sépia et souriante, dans un bar de Lisbonne – les « Mémories », il y a trente ans, dans le soleil de la Révolution des fleurs rouges. Enquête à sa façon. On aura compris qu’on est d’un bout à l’autre de ce très beau livre, dans le miroir, les jeux d’ombre et de lumière. Si l’on vous dit enfin, que la narratrice est la fille – partie vivre aux USA, depuis longtemps – d’un journaliste acteur lui aussi de ce pan d’histoire portugaise, qu’elle retrouve taiseux et dissimulé, vous aurez compris que dans ces mémoires, fonctionnent aussi des boucles, et des cercles imbriqués. Au bout – n’est-on pas au Portugal ! – c’est des sculptures baroques de la fenêtre manuéline de Tomar qu’il s’agit, bien plus que d’un dessin linéaire et géométrique propre à l’esprit américain.