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Grasset

Les Éditions Grasset ont été successivement présidées par son fondateur, Bernard Grasset, et depuis 1955 par son neveu Bernard Privat. Parmi les premiers administrateurs figure Jean Vigneau. En1959, Grasset fusionne avec les Éditions Fasquelle, que dirigeait Jean-Claude Fasquelle depuis 1954. Il devient directeur général des éditions Grasset & Fasquelle en 1959, puis Président-directeur général en 1981. En 2000, il devient Président du conseil de surveillance et Olivier Nora lui succède en tant que Président du directoire.

Parmi les auteurs importants que Grasset a contribué à faire connaitre peuvent être cités Jean Giraudoux, ou plus récemment Pascal Quignard.

 


Le Consentement, Vanessa Springora (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 01 Septembre 2020. , dans Grasset, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

Le Consentement, Vanessa Springora, janvier 2020, 216 pages, 18 € Edition: Grasset

 

Surgissement de la luciole : Vanessa Springora

Certains livres « délivrent » de certaine indécence organisée dans un temps pas si éloigné du nôtre. Celui de Vanessa Springora en fait partie et brille en sa soif de lumière jusqu’à l’abolition d’une obscurité. S’y brise une forme de terreur implicite face à une voracité que la bonne société a su cautionner.

Elevée par une mère divorcée et ignorée par son père défaillant, « V. » (l’auteure elle-même), comble par la lecture le vide qu’elle subit, jusqu’à sa rencontre avec « G. » (Gabriel Matzneff). Elle a treize ans et ignore tout de cet écrivain qui a tôt fait de la séduire. Le « bonze » la fascine en dépit de ses 50 printemps. Il lui écrit, sait la rassurer. Et le tour est joué.

V. se donne corps et âme à ce séducteur qui remplace un père, en dépit des menaces de la police eu égard à ce suborneur qui rend une telle idylle romantique par le danger qui couve – mais contrairement aux apparences plus pour elle que pour lui.

Lumière d’été, puis vient la nuit, Jón Kalman Stefánsson (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 31 Août 2020. , dans Grasset, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman

Lumière d’été, puis vient la nuit, août 2020, trad. Éric Boury, 320 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Jon Kalman Stefansson Edition: Grasset

 

Le dernier roman traduit de Stefánsson, paru en islandais en 2005, est la chronique d’une communauté villageoise des fjords de l’ouest islandais. C’est le récit de leur quotidien, mélange de faits anodins – qui ne le sont pas, ou pas seulement, puisqu’ils sont l’étoffe de leurs jours – et d’événements – qu’on ne peut qualifier de tels que par les effets inattendus et décisifs qu’ils provoquent : ainsi de certain songe en latin, qui bouleverse la vie de celui qu’il visite et change celle du village tout entier.

On retrouve dans Lumière d’été, puis vient la nuit, les thèmes des autres romans de l’Islandais : la part déterminante du hasard dans la vie humaine et l’influence des rêves ; la présence de la mort – et même des morts, en l’occurrence ; l’amour, qui est souverain mais ne peut rien contre la chair ; le désir dans toute sa puissance de bouleversement et d’abrutissement ; la quête de sens ; l’écart entre les gestes et les paroles de l’homme, et son cœur, qui « reste tapi sous la surface et n’apparaît jamais en pleine lumière » ; la violence aussi – quand une femme trompée tue une chienne et tous ses chiots.

L’officier de fortune, Xavier Houssin (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 25 Juin 2020. , dans Grasset, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

L’officier de fortune, Xavier Houssin, février 2020, 141 pages, 15 € Edition: Grasset

« J’ai toujours cru au destin. Pour elle, j’ai été le premier. Et elle m’a dit, bien après, que j’étais resté le seul. Je ne lui avais rien caché de ma vie en France. De mon triste mariage. De mes drôles d’enfants. Avec elle, le présent devenait un temps précieux, inestimable ».

L’officier de fortune est le roman du destin d’un militaire engagé sur tous les fronts de l’ancien Empire français. Il est au Maroc, au Tonquin, en Indochine et en Algérie, on le suit, au cœur de ses missions et de son engagement dans la France Libre, il ne perdra pas de temps à soutenir le Général. C’est une guerre totale où il se donne sans compter. Il ne compte d’ailleurs jamais, il agit, c’est un homme de l’action permanente, au verbe vif et aux décisions sans appel.

Tout va très vite dans ce roman aux phrases vives et brèves, au style racé. Ce roman est celui d’un destin français, d’un destin de mari, de père et d’amoureux. L’officier raconte sa vie qui défile comme les images d’un travelling que filme une caméra embarquée dans une voiture qui roule à vive allure. L’officier de fortune fait corps avec son histoire, avec l’Histoire, avec ses combats, ses principes, ses certitudes, la perte d’une très jeune fille, mais aussi le silence de ses enfants, ses fidélités, ses infidélités guerrières, et sa passion absolue, inestimable : Jeanne, aimée, perdue de vue, puis retrouvée, quand les armes se sont tues.

La Paix avec les morts, Rithy Panh, Christophe Bataille (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 08 Juin 2020. , dans Grasset, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

La Paix avec les morts, Rithy Panh, Christophe Bataille, Grasset, janvier 2020, 178 pages, 17,50 € Edition: Grasset

 

 

On entend souvent qu’il faut « comprendre » les génocides, les « expliquer », afin qu’ils ne se reproduisent pas. Soit. Mais on se rend vite compte que, dans le processus génocidaire, l’essentiel échappe à la compréhension et à l’explication. La Shoah est profondément irrationnelle et semble ne pouvoir s’éclairer qu’à l’aide de catégories métaphysiques ou théologiques. Elle a brisé la foi de l’espèce humaine en elle-même. À Auschwitz s’est arrêtée la route de l’humanité. Celle-ci fait depuis mine de continuer son chemin, mais le ressort est brisé. Que s’est-il fait de grand depuis 1945 ? Nous n’inventons plus que des jouets pour enfants, qui plongent leurs utilisateurs dans un bienheureux abrutissement numérique. Un poulet décapité fait encore preuve de vigueur et les ongles continuent à pousser dans la nuit de la tombe.

La Maison de papier, Françoise Mallet-Joris (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 25 Mai 2020. , dans Grasset, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Maison de papier, Françoise Mallet-Joris, 276 pages, 19 € Edition: Grasset

 

« La maison est en carton », écrit Françoise Mallet-Joris. « Tout s’y brise, s’y empoussière, y disparaît, sauf le plus éphémère. Il n’y a pas d’ordre, pas d’heure, pas de menus […] ». Hommes et bêtes entrent et sortent, invités ou non ; ils restent un peu, beaucoup, pas tout. Cette maison, c’est la sienne, où elle vit avec son époux, le peintre Jacques Delfau, ses quatre enfants, une femme de ménage – Dolorès le plus souvent – et l’une ou l’autre bestiole plus ou moins bienvenue.

C’est une maison où règnent, en sus du désordre, la joie et l’insouciance, et c’est le premier agrément de ce récit que cette atmosphère allègre et bohème que l’auteure y installe. Ce logis fait un peu figure de paradis perdu et instille une nostalgie douce ou amère, selon que l’on a ou non connu un foyer si chaleureux, si gai. On s’y sent comme invité, convié à une sorte de festin sans façon où il manquera sans doute des couverts ou des assiettes – mais rien d’essentiel. Car la maison de papier n’est pas close, elle ne serre pas jalousement son bonheur, bardée d’œillères : elle a le sens de l’accueil, elle est ouverte aux autres et au monde, aux peines de ceux qui sont en butte à l’adversité, aux problèmes de la société française des années 1970.