La croyance à la révolution est-elle risible et naturellement hors de propos ? Chloé Thomas, dans son premier roman, s’attache à radiographier l’histoire de Bernard et Marie, étudiants dans les années soixante-dix, partis rejoindre les ouvriers en usine. Leur fils, Pierre, élevé solitairement par Bernard que sa compagne a quitté, tente avec l’aide de Jeanne, son amie, de reconstituer l’itinéraire de ce couple, mal placé dans l’histoire, arrivant toujours après les grandes batailles déjà livrées par d’autres générations ou perdues d’avance. Il faut constater que l’auteur n’éprouve guère d’empathie à l’égard des engagements politiques et convictions de ses personnages. Ils sont dépeints comme des êtres inauthentiques, dont les choix tombent, forcément, à plat :
« Au moins, avec le temps, avaient-ils donc appris, les autres, à ne pas s’émouvoir de la beauté supposée du geste ouvrier, des grandes mains puissantes et couturées. Leur propos n’est plus esthétique. Peut-être est-ce cela, la recherche du beau et ce goût du lyrique, qui les avait perdus, eux. C’était pourtant de leur âge ».
On attend tout au long du récit un soupçon de sympathie, de tendresse, pour ce couple d’adolescents en retard d’une époque, en recherche d’une révolution introuvable. Il ne vient jamais, et c’est un véritable réquisitoire qui s’abat sur eux :