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Editions Louise Bottu

 

Une expérience d’édition associative, le goût des mots… Des mots, pas forcément de la Littérature. Aimer ces matériaux bruts, malléables et concrets, que sont les mots, ne signifie pas aimer la Littérature, ce concept fourre-tout – sauf à la prendre au sens de Cicéron et de Tacite, l’ensemble des lettres servant à écrire constituées en alphabet.

Lorsqu’on regrette ses paroles, on en impute à tort la faute aux mots qui auraient dépassé la pensée. Des mots auxquels on prête une existence autonome. Dont il faudrait se méfier. Craindre plutôt que la pensée ne dépasse les mots. Que, boursouflées, les idées ne s’en détachent au point de les parasiter. De les vider.

C’est peu et c’est beaucoup, les mots ne peuvent que ça : tourner autour du réel. Comme on dit tourner autour du pot, mais avec la grâce. Plus ou moins de grâce. Là est tout leur charme. La vérité des mots c’est l’éternel détour. Et au détour d’un mot, Louise Bottu.

 

En avant la chronique, Philippe Chauché (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 17 Août 2020. , dans Editions Louise Bottu, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Anthologie

En avant la chronique, Philippe Chauché, Éd. Louise Bottu, mai 2020, 174 pages, 16 € Edition: Editions Louise Bottu

 

Dès la lecture des premières chroniques de Philippe Chauché, initialement parues sur le site de La Cause littéraire, et que les belles Éditions Louise Bottu rassemblent ici, le lecteur sait qu’il est face à une véritable écriture. Cela pourrait paraître étrange pour qui distingue l’écriture de « l’écrivance », les écrivains et les « écrivants » – néologisme par lequel Roland Barthes désignait ceux pour qui « le langage n’est qu’un instrument » (1) et non pas une fin en soi, comme c’est le cas pour les écrivains. Pourtant, le critique que l’on lit dans ces pages fait de l’exercice auquel il se livre depuis de nombreuses années un véritable travail d’écriture. En ce sens, il illustre ce que le théoricien Florian Pennanech a démontré dans une récente étude intitulée Poétique de la critique littéraire, De la critique comme littérature : « Le métatexte a ses procédés propres, qui peuvent l’amener à se déployer de façon relativement autonome. Il n’est pas nécessairement le simple ‘prolongement’ naturel d’un texte, non plus que l’humble serviteur, caméléon ou transparent, stérile ou parasitaire. Il n’est pas nécessairement non plus un sous-texte, mais éventuellement un texte à part entière, avec ses propres modalités et, il ne me déplaît pas de finir par-là, sa propre créativité » (2).

Ville ou jouir, et autres textes navrants, Christophe Esnault (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Vendredi, 24 Avril 2020. , dans Editions Louise Bottu, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Ville ou jouir, et autres textes navrants, mars 2020, 164 pages, 14 € . Ecrivain(s): Christophe Esnault Edition: Editions Louise Bottu

 

La ville et ses fantômes

Christophe Esnault s’élève entre autres et à sa manière contre les impostures de la poésie et de son édition dans un livre où sans s’engendrer les uns les autres, les textes se complètent.

Certains diront que les hallucinations sont innombrables là où l’auteur n’a rien d’un petit soldat. Ils peuvent même penser que son Cogito est percé de trous. Mais c’est qu’une illusion de ceux qui ne connaissent pas la nuit et préfèrent la poésie qui ne fait pas de plis.

Esnault dessine ici un cheminement, une dérive. Il ne croit pas à la solidarité ni que l’amour domine le monde. D’où son « besoin vital de se retrouver seul(e) ». D’autant qu’il a une certitude : il ne vaut pas mieux que les autres. Ce qui ajoute de la valeur à ce qu’il écrit.

Ménécée, Le voluptueux inquiet : Réponse à Epicure, Frédéric Schiffter (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 24 Septembre 2019. , dans Editions Louise Bottu, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Ménécée, Le voluptueux inquiet : Réponse à Epicure, juin 2019, 46 pages, 8 € . Ecrivain(s): Frédéric Schiffter Edition: Editions Louise Bottu

 

« Prends l’habitude de penser que la mort n’est rien pour nous. Car tout bien et tout mal résident dans la sensation : or la mort est privation de toute sensibilité. Par conséquent, la connaissance de cette vérité, à savoir que la mort n’est rien pour nous, nous rend capables de jouir de cette vie mortelle, non pas en y ajoutant la perspective d’une durée infinie, mais en nous enlevant le désir de l’immortalité », Epicure, Lettre à Ménécée, traduction de Octave Hamelin revue par Frédéric Schiffter.

« Quand tu écris cela, je me demande si tu le penses vraiment tant la réalité est tout autre. C’est nous qui ne sommes rien pour la mort car même notre corps une fois sous terre ne s’appellera plus cadavre. Il deviendra un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue. C’est parce que nous savons que la mort nous anéantira un jour tandis que nous nous laissons aux séductions de la vie, qu’elle nous obsède tant. Nous la voyons œuvrer sans relâche en temps de guerre comme en temps de paix », Ménécée à Epicure, traduction de Frédéric Schiffter.

Suites, Roman fleuve, Bruno Fern (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 07 Septembre 2018. , dans Editions Louise Bottu, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Suites, Roman fleuve, mai 2018, 162 pages, 14 € . Ecrivain(s): Bruno Fern Edition: Editions Louise Bottu

 

« Et c’est parti : à la guêtre comme à la grêle, à la guigne comme à la gloire, à la glu comme à la gagne, à l’agrippe comme à la garde, à la gale comme à la glaise, à la glace comme à la gerce, à l’aggrave comme à la grise et à la gueule comme à la gorge où il est pris ».

Suites s’ouvre sur un départ à la guerre, départ pour le front des bords de l’Adour, entre Gascogne et Pays Basque. Départ pour la canonnade – la respiration de l’océan (Cendrars) – la cendre, la boue, la peur, les rats et la pisse dans le falzar (rouge garance) et les copains plombés à 2-3 mètres, et en un rien de temps, il s’incorpore à la chair de poule & à canon. Il lance ses mots en basque, comme une pelote de cuir, pour se souvenir qu’il est encore vivant, ou qu’il est en colère, puis il revient au pays, mais il n’est plus le même, il ne chante plus pour ses espadrilles. Suites n’est pas un énième roman sur la Grande Guerre, mais tout autre chose, une esquisse, une fugue qui se joue de la géographie et de la langue qui virevolte comme La Nive à sa source, un cahier romanesque où l’on croise Apollinaire, autre trafiquant de mots et de résonnances, Cendrars, et l’Odyssée. Bruno Fern sait que la mémoire est fragile, qu’elle se dissout facilement et que pour la saisir, il faut la romancer, la transformer, la provoquer, la faire bondir, et la laisser s’envoler.

Rhapsodie curieuse (diospyros kaki), Alexander Dickow

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 12 Avril 2017. , dans Editions Louise Bottu, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Rhapsodie curieuse (diospyros kaki), janvier 2017, 64 page, 8 € . Ecrivain(s): Alexander Dickow Edition: Editions Louise Bottu

 

« Vers la fin novembre apparaît sur les étals un genre de tomate d’un orangé irritant et maladif, un orangé aux splendeurs fictives, aux fièvres acides. Le présentoir de ces fruits moulé comme un carton d’œufs empêche que des chairs ne s’entrechoquent ou s’éclatent ».

Rhapsodie curieuse est un livre de chants, de contes d’éclats, d’envolées, et de pirouettes dans et avec la langue. Au tout début était le kaki – un mot grec (diospyros), japonais (kaki), algonquin (piakimina) –, ce fruit rare qui se livre à nos yeux et à nos papilles vers la fin novembre, un fruit qui, comme l’auteur, en sait plus qu’il ne veut bien en montrer, et qui s’épanouit dans cette rhapsodie. Comme le petit livre d’Alexander Dickow, il faut ouvrir un kaki pour le voir, comme pour le croire d’ailleurs. L’écrivain, tel un rhapsode, porte sur la place littéraire ses contes – Vivaient en Chine un père avec un fils, Yang Wu et Yang Mo, apiculteurs l’un et l’autre… Dans un lointain tout au fond d’ici vivait un grand roi nommé Lev, généreux, sensible et tyrannique… – et notations, ses aventures où les phrases et les mots se décousent, se retournent, s’aiguisent, dans un livre singulier, qui comme le fruit dont il porte le nom, aiguise lui aussi l’appétit, avec une vive envie de langue et de langues.