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Classiques Garnier

 

Les Éditions Classiques Garnier sont une maison d'édition française fondée en 1833 sous le nom de Garnier Frères, est un éditeur d'œuvres de référence en littérature et sciences humaines.

Les Rêveries du promeneur solitaire, Cartes à jouer, Jean-Jacques Rousseau (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 07 Juillet 2020. , dans Classiques Garnier, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Les Rêveries du promeneur solitaire, Cartes à jouer, édition d’Alain Grosrichard et François Jacob, 1156 pages, 32 € . Ecrivain(s): Jean-Jacques Rousseau Edition: Classiques Garnier

 

Même si les Rêveries ne font point partie de ces œuvres qu’on estime devoir relire tous les ans, ceux – encore nombreux, on l’espère – qui les ont lues conservent le souvenir d’un petit volume. Aussi n’est-ce pas sans surprise qu’on se retrouve en possession d’un livre dépassant le millier de pages, épais de cinq centimètres. Ce n’est certes pas une édition grâce à laquelle on prendra contact pour la première fois avec le texte de Rousseau. Bien que cet ouvrage ait été imprimé au format des éditions dites « de poche », nous sommes en présence d’un monument d’érudition haut de gamme. Qualifier une édition savante de « définitive » a un arrière-goût prétentieux de publicité mal faite ; mais peut-être est-ce ici le cas. Une telle entreprise exige évidemment une introduction : celle-ci, longue de 90 pages, a été ficelée de façon bizarre, en forme de dialogue imaginaire. On doit y regretter la présence d’anglicismes à la mode (ne sait-on plus écrire sans eux ?).

Utopisme et idées politiques, Sergey Zanin (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 06 Mai 2020. , dans Classiques Garnier, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Utopisme et idées politiques, Visite de Pierre-Paul Joachim Henri Lemercier de La Rivière à Saint-Pétersbourg (avec la publication des inédits), Sergey Zanin, 2018, 498 pages, 46 € Edition: Classiques Garnier

 

Il en est des idées utopiques comme de certaines innovations techniques, telle l’extraction de pétrole à partir des schistes : mieux vaut, si l’on souhaite s’y livrer, le faire dans des pays étendus et à peu près vides. C’était bien ainsi que Lemercier de La Rivière (1719-1801) concevait la Russie : un terrain neuf et grandeur nature pour ses expériences politiques. Cet économiste ne s’est pas rendu en Russie (où il séjourna un semestre, de septembre 1767 à mars 1768) de sa propre initiative, mais sur invitation. À la suite de Pierre le Grand, Catherine II – fortement influencée par les physiocrates – avait poursuivi la modernisation (en fait l’occidentalisation) à marche forcée de son empire. Elle s’attacha notamment à réformer le corpus des lois et réunit à cette fin une « Commission législative ». Francophone et francophile, Catherine II n’avait pas écrit sa grande Instruction aux députés pour la rédaction du nouveau corps des lois (1767 – on désigne également ce texte par le premier mot de son titre, le Nakaz) en russe, mais en français. Elle proposait notamment d’abolir le servage, mesure à laquelle la gentilhommerie russe s’opposa. Diderot lui-même fit part de ses Observations sur le Nakaz.

Les Mystères de Marseille Œuvres complètes, Émile Zola (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 17 Octobre 2019. , dans Classiques Garnier, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Les Mystères de Marseille Œuvres complètes, Émile Zola, 506 pages, 47 € Edition: Classiques Garnier

 

Serait-il mort ou eût-il arrêté d’écrire sitôt Les Mystères de Marseille publiés (en 1867), Émile Zola croupirait dans l’oubli le plus noir, et il n’est même pas sûr qu’une entreprise comme le Dictionnaire des Lettres Françaises, pourtant accueillant aux écrivains mineurs, lui eût accordé plus de quelques lignes.

Parus en feuilleton dans Le Messager de Provence, puis édités en volume, Les Mystères de Marseille sont une œuvre alimentaire, ce que Zola n’a jamais dissimulé. Mais la liste est longue des romans, des pièces de théâtre, des poèmes parfois, qui permirent à leur auteur de faire bouillir la marmite et qui (malgré cela ou à cause de cela) sont des chefs-d’œuvre. Ce qui frappe le lecteur des Mystères de Paris, c’est l’absolue disjonction entre ce roman – que Zola n’a jamais renié – et les Rougon-Macquart. Dans la préface, Daniel Compère, l’éditeur scientifique du volume, a beau relever quelques points communs entre le grand cycle romanesque et cette œuvre oubliée (la critique sociale, le travail sur documents), on n’en a pas moins l’impression que ces œuvres sont dues à deux individus différents et, ajoutera-t-on, aussi différents que peuvent l’être un écrivain génial et un humble feuilletoniste.

De la santé des gens de lettres, Samuel-Auguste Tissot (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 23 Septembre 2019. , dans Classiques Garnier, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Histoire

De la santé des gens de lettres, avril 2018, 212 pages, 24 € . Ecrivain(s): Samuel-Auguste Tissot Edition: Classiques Garnier

Le traité du médecin suisse Samuel-Auguste Tissot (1728-1797) constitue, dans le meilleur sens du terme, une curiosité littéraire. Il n’est pas de ces œuvres médiocres que l’on arrache à leur sommeil séculaire dans les bibliothèques où elles eussent mieux fait de rester. De la Santé des gens de lettres connut plusieurs rééditions au XVIIIe siècle, une traduction en anglais (1762), quatre réimpressions aux XIXe et XXe siècles. L’ouvrage est représentatif d’un triple mouvement. D’abord, la vulgarisation du discours médical par le recours à la langue française, prolongeant ce qu’avait accompli Ambroise Paré : si les médecins, pour conquérir leurs grades, soutenaient toujours leurs thèses en latin, ils diffusaient ensuite leurs idées dans des ouvrages français, qui rejoignaient les bibliothèques des non-spécialistes (« Pas de livres que je lise plus volontiers, que les livres de médecine, pas d’hommes dont la conversation soit plus intéressante pour moi, que celle des médecins ; mais c’est quand je me porte bien », écrivait non sans humour Diderot, cité p.42). Tissot avait dans un premier temps publié un Sermo academicus de valetudine litteratorum (1766), qu’il traduisit et amplifia. Ensuite, le livre de Tissot apparaît représentatif de l’avènement d’une nouvelle cléricature, les « gens de lettres » laïcs (qu’on n’appelait pas encore les « intellectuels ») doublant d’abord, puis remplaçant l’ancienne, les religieux lettrés.

Tolérance, liberté de conscience, laïcité, Quelle place pour l’athéisme ?, Louise Ferté, Lucie Rey (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 26 Juin 2019. , dans Classiques Garnier, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Tolérance, liberté de conscience, laïcité, Quelle place pour l’athéisme ?, Louise Ferté, Lucie Rey, avril 2018, 252 pages, 34 € Edition: Classiques Garnier

 

Grand historien de la philosophie, Étienne Gilson définissait ainsi l’athéisme : « doctrine qui, après mûre réflexion, conclut comme une certitude rationnelle que rien qui réponde au mot “dieu” nexiste en réalité » (cité p.9). La phrase mérite d’être examinée de près. « Après mûre réflexion » exclut la négation de Dieu sous le coup du désespoir ou de la colère. « Certitude rationnelle » va dans le même sens : il ne s’agit pas de proclamer l’inexistence de Dieu après une catastrophe collective (comme le séisme de Lisbonne) ou un deuil privé. « Rien qui réponde au mot “dieu” » correspond au nœud du problème. Que convient-il de mettre sous ce vocable ? Le créateur d’un univers infini, fait de milliards de galaxies contenant chacune des milliards d’étoiles ? L’entité qui accompagne le destin individuel de tous les êtres humains ayant jamais vécu (et qui veille sur eux) ? L’intelligence qui sait tout de tout et de tous à chaque seconde ? Le mot « Dieu » recoupe-t-il la même chose dans le judaïsme que dans l’islam ou chez les Aztèques ?