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Classiques Garnier

 

Les Éditions Classiques Garnier sont une maison d'édition française fondée en 1833 sous le nom de Garnier Frères, est un éditeur d'œuvres de référence en littérature et sciences humaines.

Sur les Cahiers Lautréamont N°4 (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 08 Décembre 2022. , dans Classiques Garnier, Les Chroniques, La Une CED, Revues

Cahiers Lautréamont, n°4, sous la direction de Kevin Saliou, Classiques Garnier, septembre 2022, 364 pages, 42 euros

 

La mousson est passée sur la côte occidentale de l’Inde mais, en ce mois de novembre, de fortes pluies, de hautes vagues battent encore les digues et les pontons de Fort Kochi et de Vypeen. Nous nous promenons malgré le vent et les embruns. Et nous songeons, face à la mer agitée, à des apostrophes célèbres, cérémonieuses, chargées de littérature : « O vieil Océan… » (etc. : chacun connaît la suite). Cela tombe bien car, justement, rentré dans notre chambre, nous découvrons la quatrième livraison des Cahiers Lautréamont, sous la direction de Kevin Saliou, que viennent de publier les Classiques Garnier ; et nous les trouvons, comme les précédents, malgré la grisaille uniforme de la langue propre à ce genre de travaux, passionnants – pour les ducassiens et, nous l’espérons, pour les non-ducassiens.

Nous en retenons dix précisions ou clarifications capitales – à nos yeux en tout cas capitales :

Sur Le Réseau de Lautréamont de Kevin Saliou (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 20 Janvier 2022. , dans Classiques Garnier, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le Réseau de Lautréamont, Kevin Saliou, Classiques Garnier

 

Le Réseau de Lautréamont qu’ont publié les Classiques Garnier cet automne est le deuxième volume de la thèse que Kevin Saliou a consacrée à l’auteur longtemps mystérieux des Chants de Maldoror. Autant le dire tout de suite, la lecture en est passionnante : il est rare qu’un essai érudit, rigoureux, qui semblerait réservé aux spécialistes, procure le même plaisir qu’un roman policier – et il y a bien en effet comme une démarche d’enquêteur scrupuleux dans ce livre puisque Saliou, comme l’avait fait Étiemble pour Rimbaud en 1952, s’applique à délégitimer certains mythes construits depuis sa mort autour d’Isidore Ducasse et à éclaircir plusieurs énigmes, tout en admettant que les zones d’ombre demeurent importantes.

Les concepts sociologiques de réseau, de champ et de stratégie littéraires, convoqués par Saliou, sont remarquablement opérants en l’occurrence. Saliou commence par résumer ce que l’on connaît de la biographie de Ducasse avant de réunir les informations fournies par les témoins directs de son existence (camarades de lycée, etc.).

Écrits guerriers, 1914-1915, Remy de Gourmont (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 17 Août 2021. , dans Classiques Garnier, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Histoire

Écrits guerriers, 1914-1915, mars 2021, 634 pages, 49 € . Ecrivain(s): Rémy de Gourmont Edition: Classiques Garnier

Dira-t-on que le titre de cette anthologie, par ailleurs remarquable, est mal choisi et qu’en lui réside le seul défaut de l’entreprise ? Car jamais homme, jamais écrivain, ne fut moins guerrier, mieux disposé à goûter les délices de la paix, que Remy de Gourmont (1858-1915), congédié en 1891 de son emploi à la Bibliothèque nationale pour avoir publié un pamphlet, Le joujou patriotisme, où il exprimait sa profonde lassitude devant la propagande déployée au sujet des « provinces perdues », l’Alsace et la Moselle annexées par l’Allemagne.

Ceux, de moins en moins nombreux, qui savent encore que Gourmont a existé se le représentent en général comme un esthète reclus au milieu de ses livres, loin du tapage et du tumulte. C’est bien ainsi qu’il faut l’envisager durant la première année du conflit mondial, ne quittant son appartement du 71 rue des Saints-Pères que pour aller flâner chez les bouquinistes des bords de Seine. Il serait cependant faux d’imaginer un individu ayant choisi de vivre exclusivement dans le passé. L’actualité le rattrapait à son domicile, sous la forme de multiples journaux et d’une abondante correspondance. Et le mouvement s’exerçait également en sens inverse, car Gourmont contribuait à alimenter certains quotidiens en leur confiant des articles, comme ceux réunis dans ce volume.

La Pensée de la décadence de Baudelaire à Nietzsche, Andrea Schellino (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 03 Mai 2021. , dans Classiques Garnier, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

La Pensée de la décadence de Baudelaire à Nietzsche, Andrea Schellino, 656 pages, 59 € Edition: Classiques Garnier

 

« Littérature de décadence ! – Paroles vides de sens que nous entendons souvent tomber, avec la sonorité d’un bâillement emphatique, de la bouche de ces sphinx sans énigme qui veillent devant les portes saintes de l’Esthétique classique. À chaque fois que l’irréfutable oracle retentit, on peut affirmer qu’il s’agit d’un ouvrage plus amusant que l’Iliade ». Ainsi Baudelaire commençait-il ses Notes nouvelles sur Edgar Poe. La décadence occupe, chez l’écrivain français, une place cardinale (au sens étymologique) à la fois en tant que sujet de réflexion et critère de réception. Que Les Fleurs du mal aient pu être jugées comme une œuvre décadente, alors qu’à nos yeux elles incarnent une forme de classicisme, est un paradoxe qui nous en apprend plus sur l’époque où vécut Baudelaire (l’adjectif décadent finissant par fonctionner comme une sorte d’insulte ou d’anathème qu’écrivains et critiques se jetaient au visage) que sur le recueil lui-même. Mais Baudelaire ne fut pas seulement considéré comme un exemple de décadence : il médita ce concept et son envers, la notion de progrès. En cela, il fut de son temps, car plus que toute autre époque et pour des raisons qui n’ont été qu’imparfaitement élucidées, le XIXe siècle fut hanté par la perspective du déclin.

Œuvres complètes, tome IX, 1905-1907, Joris-Karl Huysmans, Classiques Garnier (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 01 Mars 2021. , dans Classiques Garnier, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Œuvres complètes, tome IX, 1905-1907, édition Jean-Marie Seillan, août 2020, 592 pages, 29 € . Ecrivain(s): Joris-Karl Huysmans Edition: Classiques Garnier

 

Quoi de neuf ? Huysmans. Celui que l’on considérait comme un épigone doué quoique bizarre de Zola connaît un regain de faveur qui, comme toujours, en dit plus sur notre époque que sur l’écrivain lui-même (considérer le succès de Jane Austen, à qui les manuels de littérature ne consacraient que quelques lignes voici cinquante ans). En 2015, Michel Houellebecq avait fait du héros (peut-être le terme n’est-il pas bien choisi) de Soumission un universitaire, spécialiste de Huysmans. Suivirent un beau volume à la Bibliothèque de la Pléiade (2019) et, à présent, un ensemble d’Œuvres complètes (la précédente édition unitaire des textes de Huysmans avait paru il y a près d’un siècle).

Malraux disait que la mort transforme la vie en destin. Qu’en est-il de l’œuvre ? Car nous commençons par la fin, le tome IX, qui rassemble les deux derniers titres de l’écrivain parus de son vivant : Trois églises, et Les Foules de Lourdes. L’espoir n’est jamais tout à fait interdit, mais Huysmans, dévoré par le cancer, avait de bonnes raisons de penser que ces livres seraient les derniers qu’il écrirait. Il s’éloigne du roman, genre qui l’avait fait connaître, même si Les Foules de Lourdes sont en grande partie écrites contre un roman de Zola, son ancien maître.