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Critiques

Sans totem ni tabou, Regards Croisés-Correspondances, Rodolphe Oppenheimer, Sophie Sendra

Ecrit par Stella Delmas , le Mardi, 27 Juin 2017. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

Sans totem ni tabou, Regards Croisés-Correspondances, Ramsay, mars 2017, 240 pages, 19 € . Ecrivain(s): Rodolphe Oppenheimer, Sophie Sendra

 

Avec Sans Totem, ni Tabou, des extrêmes on vient à bout…

Quand les plumes de Rodolphe Oppenheimer et Sophie Sendra, deux intellectuels psychanalystes, philosophes – plus qu’en herbe – et pour l’un politicien né – il est tombé dedans quand il était tout petit –, ensemble convolent, les faux-semblants s’étiolent. Sur les idéaux déchus elles s’épanchent et la tête aux idées reçues elles tranchent pour que du côté du cœur, l’attrait penche !

A travers leur échange épistolaire, leur regard visionnaire nous éclaire. A grands coups de ciseau humaniste, dans les étoffes de la politique, de la psychologie du genre humain et de la philosophie, elles taillent un costume sur mesure aux concepts flous… Alors tissé du fil clair de l’amitié, de la clairvoyance et de cette audace empreinte de leur authenticité sans Totem ni Tabou, ce complet nous sied à merveille et rehausse le teint des mouvements du monde de la psyché comme celui de la société et de ses tendances.

Algorithme éponyme, et autres textes, Babouillec

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 27 Juin 2017. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Récits, Rivages

Algorithme éponyme, et autres textes, 138 pages, 15 € . Ecrivain(s): Babouillec Edition: Rivages

 

Je viens enfin de terminer un livre de Babouillec. En fait, je ne savais pas exactement ce que j’allais lire mais je savais que ce serait une claque et puis au final c’est une formidable résonance. Je retrouve tellement de mes propres ressentis, de mes questionnements, mes révoltes même, dans ses mots, que je me dis que moi aussi je dois être autiste, camouflée derrière une apparente normalité et que nous sommes même peut-être tous des autistes plus ou moins intégrés dans la normalité, et alors la question s’impose : qu’est-ce que ça veut dire « être normal » ? La question que nous posent, parfois comme un flingue sur la tempe, tous les dits « anormaux », tous les « différents », peut-être pour nous montrer à quel point nous sommes éloignés, coupés de nous-mêmes, de notre être véritable, unique et extraordinaire dans son anormalité.

Qu’est-ce que ça veut dire « être normal » ?

C’est la question qui vient nous remettre en question justement, qui vient nous réveiller. Une question qui dérange notre sommeil, une sorte de sommeil collectif hypnotique.

Le Grand Sylvain, Pierre Bergounioux

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 26 Juin 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Verdier

Le Grand Sylvain, mars 2017, 80 pages, 25 € . Ecrivain(s): Pierre Bergounioux Edition: Verdier

 

À Gif, à Brive, ailleurs, Pierre Bergounioux s’est toujours interrogé subtilement, finement, au plus nu, sur les pertes, les « peines et profits » de l’enfance pourvoyeuse de découvertes mais aussi d’âpres chagrins.

« Tenir registre » comptable de cela : tel est le projet d’une « capture » symbolique à plus d’un sens. La Capture que propose Verdier est sous coffret cartonné, un livre, Le Grand Sylvain, et un film éponyme.

De quelles captures s’agit-il ? D’une capture psychologique où l’enfant soudain est visé comme le premier stade d’une mue irrémédiable : l’adulte qu’il sera et qui fouille déjà en soi les prolongements de sa mue.

D’une capture réelle, où l’entomologiste, à l’aune du grand Fabre, s’amuse à mesurer cet état d’enfance qui surveille, observe, perd son temps pour recueillir, sans doute, des manières de miracle : ainsi le cétoine et la mort, l’univers où il peut se révéler, le temps qu’il faut pour la « prise », « la capture ».

Maîtres du monde, Victor Cohen-Hadria

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 23 Juin 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Maîtres du monde, janvier 2017, 356 pages, 20,90 € . Ecrivain(s): Victor Cohen-Hadria Edition: Albin Michel

 

Le récit commence comme un roman de Balzac, par une description de Trieste et un abrégé de l’histoire de cette ville où se déroule la majeure partie du roman.

Le début est très précisément daté.

« Nous sommes le 31 décembre 1999, ultime jour du dernier lustre du deuxième millénaire ».

Le titre du premier chapitre, 07h 00min 00s, donne même l’heure à laquelle le narrateur situe le déclenchement de l’intrigue et l’entrée en scène du personnage principal, Elio.

Elio, amnésique, est hébergé, ainsi que Charley, le narrateur, depuis trois ans, un mois et vingt-sept jours au Palazzo Gattopardo, une clinique psychiatrique de luxe à l’allure de pension de famille, tenue par les extravagantes Gabriela et Asunta Salina, deux sœurs « duchesses déchues », et sise à Trieste, où il est soumis à la thérapie fort singulière du professeur Fortunato Zembalone et de son assistante chinoise miss Qian-Qian…

Une chance minuscule, Claudia Pineiro

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 22 Juin 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Actes Sud

Une chance minuscule, mars 2017, trad. espagnol (Argentine) Romain Magras, 261 pages, 22 € . Ecrivain(s): Claudia Piñeiro Edition: Actes Sud

 

Absolument prenant. Au croisement – subtil mélange – du récit peut-être autobiographique ou pas loin, du thriller, du drame intimiste. Plongée en apnée au fond des composantes troublantes d’un « soi » qui n’est pas celui de n’importe qui. Vraie réussite que ce Une chance minuscule, peut-être parce qu’il est composé de tout ce qui définit la littérature, dans le vaste comme le simple : d’abord une histoire racontée, des personnages et situations qu’on enfourche sans redescendre, et puis, une écriture et une architecture. Sans oublier une musique, un rythme, qu’on n’oubliera pas…

En Argentine, de nos jours – ce n’est pas sans intérêt – mais transférable partout, pour peu qu’on reste dans une bourgeoisie bienséante et catholique. Une famille, maison, école – le chic collège Saint Peter dans le grand Buenos Aires ; la femme qui parle y enseigne un peu pour s’occuper sans doute et son fils y est scolarisé. Usages précisément détaillés de riches contemporains comme il en est ailleurs. Elle s’ennuie et le mari – chirurgien – amasse. Terre et ciel, comme on dit de certains. Des familles en arrière-plan, la sienne, modeste, bercée par Piazzolla, celle de l’époux, abondante, quelque peu invasive, se voulant protectrice comme on sait l’être en Amérique Latine. Un seul enfant, un garçon, le héros-double, reflet présent/absent de l’histoire de sa mère.