Laurent Gaudé à travers ce roman rend hommage à Haïti et à sa population. Il en trace une cartographie emplie d’humanité, de courage, sans pour autant tomber dans le misérabilisme. Ici, ce sont encore les liens humains qui priment, malgré les manœuvres et les turpitudes politiques. Lucine, arrive de Jacmel à Port-au-Prince pour y annoncer un décès. Mais très vite, elle prend conscience qu’elle ne pourra plus repartir de cette ville où elle a vécu les révoltes estudiantines. « Elle était là, elle, au milieu de tout cela, et elle sentait qu’elle retrouvait non seulement sa ville, puante, grouillante, frénétique, mais aussi sa propre existence. » Gaudé montre aussi à travers des vies et des personnages qui se croisent les différences sociales énormes de ce pays. «La grande porte du grillage s’ouvre enfin et Saul découvre ce qu’il ne pensait pas possible à Port- au-Prince : un vaste parc en terrasse, verdoyant, où des petites allées de graviers serpentent à travers les manguiers, descendent en escalier jusqu’à une immense villa qui domine la ville (….). Le vrai luxe pense t-il à cet instant, c’est d’échapper aux regards. Dans cette ville où tout le monde vit dehors, où l’on peut assister- le temps d’une promenade- à des disputes, des parties de cartes entre amis, des bains de nourrissons, le vrai pouvoir, c’est se soustraire aux yeux des autres. »