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Tout ce qui fait BOUM, Kiko Amat

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 10 Septembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Asphalte éditions, Roman

Tout ce qui fait BOUM (Cosas que hacen BUM), mai 2015, traduit de l’espagnol par Margot Nguyen Béraud, 296 pages, 22 € . Ecrivain(s): Kiko Amat Edition: Asphalte éditions

Drôle de type que Pànic Orfila. S’il n’y avait que son nom pas ordinaire. Lui non-plus n’est pas ordinaire, même, surtout, s’il est en pleine recherche d’il ne sait trop quoi dans une adolescence qui n’arrive pas à finir. Devenu orphelin à 8 ans et alors élevé par la grande tante Angels, passablement allumée mais très maternelle, il a étudié dans les livres qu’elle avait à la maison. Rien que de la subversion de première bourre : anarchistes, situationnistes… La grande référence de son éducation, c’est Stirner. Max Stirner. L’unique et sa propriété. La mythique référence de l’anarchisme. Il a aussi bien retenu quelques devises que la grande tante lui rappelle à l’occasion entre deux expéditions activistes et subversives : « bouge ton esprit et tes fesses le suivront » ou « ne les laisse pas te transformer en fourmi ouvrière ».

Entre recherche de l’amour idéal (nécessaire pour atteindre le 9e niveau), éthique de la masturbation et recherche d’identité, Pànic débarque pour une nouvelle vie à Barcelone, en principe, mais vraiment en principe, pour suivre des cours de philologie à la fac. Hébergé par une « fausse tante », Lola, il va vite apprendre à vivre d’autres vies. Une autre vie surtout, où son personnage va devoir apprendre à évoluer et se transformer, en commençant par changer de look puis en apprenant à se contenter de ce qui se présente, de ce qu’on veut bien lui lâcher.

Ambulance, Suso de Toro

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 03 Septembre 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Rivages/Thriller, Espagne, Polars, Roman

Ambulance (Ambulancia), traduit de l’espagnol par Georges Tyras, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Suso de Toro Edition: Rivages/Thriller

 

 

Santiago de Compostella, vous connaissez ? Saint-Jacques de Compostelle, le terminus de tous ces chemins qui rident les cartes de l’Europe, de plus en plus. Une ville de pèlerinage que l’on n’imagine a priori pas comme un décor propice au crime et à la folie (si ce n’est celle des foules de pèlerins, que la morale et l’église contiennent, tout de même !). Une petite ville plutôt calme, au bout du compte. Sauf quand… quand ça se met à ne plus aller ! Mais alors plus du tout. Si bien des chemins mènent à Compostelle, il semblerait aussi que les choses qui s’y passent sont parfois comme écrites d’avance, inévitables dans leur enchaînement absurde et irrépressible. Tellement inévitable que l’on peut même commencer par parler de ce roman un peu fou du Galicien Suso de Toro en commençant par sa fin. Une fin qui dit tout en ne révélant rien. Rassurez-vous.

Les chemins de retour, Alfons Cervera

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 27 Août 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Essais, La Contre Allée

Les chemins de retour (Los caminos de vuelta), juin 2015, traduit de l’espagnol par Georges Tyras, 96 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Alfons Cervera Edition: La Contre Allée

 

Dans ce court livre, l’auteur de ce qu’on a désigné en Espagne comme les romans de la mémoire – cinq romans ouvrant les portes de la mémoire des vaincus oubliés du franquisme (La Couleur du crépuscule, Maquis, La Nuit immobile, L’Ombre du ciel et Cet hiver-là, dont seuls les deux premiers sont à ce jour disponibles en France) – revisite son travail, retissant les liens entre réalité et fiction, entre mémoire et littérature, entre témoins et œuvre littéraire.

Un texte un peu paradoxal qui peut sembler aussi un drôle de pari éditorial, l’œuvre d’Alfons Cervera n’étant pas encore complètement traduite et le livre en question n’étant pas à ce jour publié dans sa langue d’origine. Cela pourrait du coup sembler ne s’adresser qu’aux « afficionados » (mais le mot résonne bizarrement concernant cette œuvre unique, exigeante dans sa simplicité et sa poésie), aux connaisseurs qui ont lu les éditions françaises, voire plus en se plongeant dans le texte original. Complété par des photos qui n’ont rien de spectaculaire, qui sont comme le quotidien dont on parle peu, comme la mémoire que l’on oublie et que l’auteur traque de livre en livre, ces chemins reviennent sur l’œuvre autant que sur les pas de l’écrivain.

Otages intimes, Jeanne Benameur

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 19 Août 2015. , dans La Une Livres, Actes Sud, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Roman

Otages intimes, août 2015, 208 pages, 18,80 € . Ecrivain(s): Jeanne Benameur Edition: Actes Sud

 

Après le magnifique quintette que constituait Profanes, Jeanne Benameur nous propose une nouvelle partition, un trio rassemblé autour du piano d’Irène, auxquelles quelques voix isolées viennent apporter leur contrepoint. Le récit de ce nouvel opus, Orages intimes, est aussi l’accompagnement d’une transformation, d’un retour et d’une possible renaissance.

Etienne est ce qu’on appelle un correspondant de guerre, un photographe de guerre plus précisément, un de ces hommes qui a choisi d’aller voir pour montrer, armé de son regard et de son Leica. Sur ce qu’on nomme parfois le théâtre des opérations, pour ne pas avoir su courir – ou pour avoir su suspendre la course pour un regard direct, sans l’écran de l’objectif et du viseur – il a été pris. Pris et fait otage. Transformé en simple objet de négociation et d’échange. Le prix, pour lui, aura été un enfermement, une réclusion à durée indéterminée. Un confinement sur quelques mètres carrés de silence et de bruits inquiétants qui savent effacer l’humain de lui-même, le réduire à une marchandise « en souffrance ». En attente d’on ne sait quoi.

Le Puits, Iván Repila

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 10 Juillet 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Roman, Denoël

Le Puits (El niño que robó el caballo de Atila) octobre 2014, traduit de l’espagnol par Margot Nguyen Béraud, 112 pages, 11 € . Ecrivain(s): Iván Repila Edition: Denoël

Avec cet Enfant qui vola le cheval d’Atila (titre original), Iván Repila nous propose un premier roman dont le moins que l’on puisse dire est qu’il est à la fois atypique, énigmatique et fort. Personnellement, sans doute l’un des livres les plus étranges et puissants qu’il m’ait été donné de lire depuis des années.

Deux frères se retrouvent prisonniers d’un puits, tout ce que l’on sait d’eux c’est qu’il y a le grand et le petit. Poussés dans le puits, dans un lieu où personne ne passe, il n’ont aucun moyen d’en sortir. La nourriture qu’ils ont avec eux, le grand se refuse d’y toucher car il doivent la rapporter à la maison, à leur mère. Cela ressemble bien à un conte, une version sombre et réaliste d’un conte que l’on aurait pu lire ou entendre il y a fort longtemps, que l’on a oublié et qui nous revient par bribes.

Le grand et le petit survivent dans le puits, jour après jour, se nourrissant de ce qu’il peuvent y trouver, de ce qui peut y tomber. En haut, quelques regards se penchent parfois vers eux, curieux mais impuissants. Regards de loups et peut-être d’hommes aussi, curieux mais certainement pas bienveillants. Les jours se succèdent et les deux frères survivent au delà de l’imaginable. Le grand se souciant de sa forme physique pour pouvoir, le moment venu, faire sortir le petit, le propulser hors du puits vers la lumière et la vie. En attendant, leur monde se réduit à quelques souvenirs du monde et surtout à un univers humide et sombre, impropre à la vie, mais où ils survivent malgré tout.