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Dans la tanière du tigre, Nicolas Idier (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 04 Mars 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Stock

Dans la tanière du tigre, janvier 2022, 300 pages, 20 € . Ecrivain(s): Nicolas Idier Edition: Stock

 

« Reclus dans ma chambre de luxe, avec son ventilateur au plafond digne d’India Song de Marguerite Duras, je sens cette vibration permanente que rien n’arrête. Immobile, séquestré dans un palace, à l’agonie, j’intègre Delhi à mon système nerveux. Le virus de la ville est inoculé. Je me sens capable de sortir d’ici ».

Depuis le premier février, nous sommes entrés dans le Nouvel An Chinois et dans l’année du Tigre d’Eau. Un Tigre plus sage que les autres Tigres de l’astrologie chinoise, mais tout aussi fort, associé à l’eau, il annonce une année de transformations, de maturité et de profondes émotions. Le nouveau roman de Nicolas Idier est à sa manière un Tigre d’eau. La tanière où se glisse cet impressionnant roman d’émotions profondes, n’est pas chinoise mais indienne, mais les Tigres y règnent. C’est une Inde en feu que découvre le diplomate, il y marche sur les traces des grands écrivains voyageurs, qui s’éprennent de la vie qu’ils découvrent, tout en témoignant des horreurs qui assombrissent leur ciel. Un feu alimenté par le nationalisme électrisant de Narendra Modi, qualifié de « boucher de Gujarat » où des indouistes fondamentalistes ont massacré plusieurs centaines de musulmans en représailles à l’incendie criminel d’un train de pèlerins hindous.

Météores, Stéphane Barsacq (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 10 Février 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Météores, Editions de Corlevour, Revue Nunc, 2020, 196 pages, 15 € . Ecrivain(s): Stéphane Barsacq

 

« Ce n’est encore rien d’être né ; ce qu’il faut, c’est renaître ; renaître à soi et au monde ; renaître à la divinité qui nous importe et qui nous inspire » (Défi).

« Proust baroque, d’une intégrité sans faille, n’a-t-il pas publié lui-même de nombreuses versions des mêmes œuvres, pour se corriger toujours et continuer plus avant (c’est-à-dire en aval) sa recherche, que l’on pourrait qualifier d’optimiste, du temps perdu ? » (Leonhardt).

Souvent ici même les grands classiques et les grands modernes, les livres fondateurs, nécessaires et essentiels sont revisités, preuve s’il en était, que l’actualité des romans, des recueils et des essais, s’appuie sur leur force, leur originalité, leur style, leur savoir et leur saveur et non uniquement sur l’actualité de leur parution. Certains livres sont éternels, ils se transmettent, s’offrent, se classent, et attendent avec patience et sérénité qu’une main s’en saisisse et qu’un regard nouveau s’y glisse, pour ne plus s’en détacher.

La Nuit comme le jour est lumière, François Huguenin (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 27 Janvier 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Essais

La Nuit comme le jour est lumière, François Huguenin, Les éditons du Cerf, janvier 2022, 176 pages, 18 €

 

« Green m’a révélé la violence des sentiments qui campaient en moi et auxquels je ne comprenais rien. Il m’a parlé du silence de Dieu en mettant en lumière un désir inassouvi et que je ne savais nommer.

Green m’a sauvé ».

Il faut toujours prendre au sérieux les noms que donnent les écrivains à leurs livres, La Nuit comme le jour est lumière en est l’exemple parfait. Il donne la note à laquelle va s’accorder le livre, comme le fait un chef de chœur. Les romans et les Journaux de Julien Green sont des pièces musicales (1) qui se répondent, sombres ou lumineuses, souvent tremblantes, certaines brillent plus que d’autres par leur force littéraire, mais toutes révèlent les tourments et les inspirations de l’écrivain qui s’attache toujours à la langue française, sa langue, celle de ses confessions et de sa consécration à l’Académie française.

Une Sorcellerie, Valentin Retz (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 21 Janvier 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Une Sorcellerie, octobre 2021, 240 pages, 19 € . Ecrivain(s): Valentin Retz Edition: Gallimard

« Certains gouffres ne sont pas faits pour être mesurés ; ni certains yeux, pour scruter l’innommable. En tout cas, moi, j’aurais voulu ne jamais voir le visage des démons qui nous haïssent et nous abusent, depuis que l’homme est appelé à se trouver et à se perdre ».

Une Sorcellerie est un roman divin, qui comme le fit Dante dans la Comédie, traverse l’Enfer et ses sorcelleries, pour ensuite laisser le Paradis l’illuminer. L’écrivain poursuit cette immersion dans l’Enfer, déjà à l’œuvre dans Noir parfait. Le narrateur de ce roman inspiré et troublant se voit littéralement projeté, il sort de son corps, dans l’esprit d’un sorcier, le maléfique Daxull, un personnage aux mille ressorts et perversions, et qui jette mille sorts mortifères sur ses disciples dans des messes noires dont il est le grand ordonnateur. Le narrateur se retrouve immergé dans ce théâtre orgiaque de la destruction radicale de l’Être, par les yeux d’un démon qui manipule les âmes, les corps, et la science. Cet écart, ce basculement, ce bouleversement, que subit le narrateur, se déroule en 2015, quelque temps avant les attentats islamistes visant le Stade de France, les cafés et restaurants de Paris, et le Bataclan, probablement, comme si le Diable y rodait. De cette immersion dans la tête d’un autre, d’un ange déchu, de cette fantaisie diabolique et échevelée, le narrateur reviendra transformé et avide de lumière et de Lettres. L’obscurité, les forces du mal, les terreurs et les humiliations ne peuvent longtemps l’habiter et le contaminer.

Colonne, Adrien Bosc (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 13 Janvier 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Stock

Colonne, janvier 2022, 120 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Adrien Bosc Edition: Stock

 

« Ils traversaient les villages déserts, d’autres en liesse. Ils roulaient à bord d’une Ford noire, le toit ouvert. Elle interrogeait les paysans, et Ridel et Carpentier jouaient les interprètes. Ils riaient beaucoup. C’était un trio libre qui traçait la campagne ».

« Elle contemplait les feuilles des arbres, le ciel bleu, les avions qui allaient et venaient, piquaient net puis mitraillaient le sol. D’énormes obus labouraient les terrains, là une meule explosait et s’éparpillait comme une boule de pissenlit, ici un cabanon de pierres s’effondrait ».

Colonne est le dernier tableau d’un triptyque littéraire qui a vu naître et paraître Constellation (1), puis Capitaine (2). Pour ce roman, Adrien Bosc, s’est attaché à la présence de la philosophe Simone Weil à Barcelone et sur le front, durant les premiers temps de la Guerre d’Espagne. Présence dont on ne sait que très peu de choses, quelques feuillets de son Journal d’Espagne. Présence au sein de la Colonne Durruti (3) qui regroupe des anarchistes de la CNT et de la FAI, et compte dans ses rangs de nombreux étrangers, une collision de destins rassemblés en une communauté provisoire. Présence au temps de l’action, et à celui de la pensée : Écrire, penser, agir sont une seule et même chose.