Un historien c’est déjà un sacré client pour nous raconter quelque chose. Un écrivain (sachant écrire, évidemment) c’est une autre entrée dans une histoire ; alors, si l’écrivain – qui sait écrire, c’est sûr – utilise aussi sa casquette d’historien de belle valeur, ça donne ce livre-là : on s’y croirait, on s’y plaît, et – comme on dit d’un beau produit – c’est du solide, monsieur ! du vrai bois dont on sent le fil de page en page – pas de la camelote de bazar…
On plonge avec notre imaginaire mais aussi notre appétit d’une « vraie histoire » dans un Marseille plus réaliste que la meilleure collection de cartes postales anciennes, juste sépia – ce qu’il faut ; on s’embarque et cela, jusqu’à la dernière page à regret avalée…
Rien que le titre chante comme une de ces chansons réalistes de l’entre-deux guerres : une « Goualante du pauvre Jean » – ici, de toutes ces Yvonne, Yves, l’égaré de Bretagne et ce Cyprien, « nègre du Dahomey » passé souteneur de petites femmes, comme d’autres deviennent maçons… « Le bonheur, pauvre rengaine » dans une France sortie tout fraîchement de la boue des tranchées, cul par-dessus tête – on dirait de nos jours, avec une mimique de psy, « pantelante du trauma de la Grande Guerre ».