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Roman

Mauvais sang ne saurait mentir, Walter Kirn

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Jeudi, 05 Février 2015. , dans Roman, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, USA, Christian Bourgois

Mauvais sang ne saurait mentir, janvier 2015, traduit de l’anglais (USA) par Éric Chédaille, 227 pages, 21 € . Ecrivain(s): Walter Kirn Edition: Christian Bourgois

 

L’écrivain Walter Kirn eut un ami au nom prestigieux, Clark Rockefeller, un « banquier central free-lance », et un collectionneur d’art moderne. Ils firent connaissance en 1998 dans des circonstances ubuesques, Kirn ayant accepté de convoyer du Montana jusqu’à New-York une chienne setter Gordon, paralysée, incontinente, que l’excentrique et richissime Clark avait décidé d’adopter. Mais que ne ferait-on pour un nom prestigieux lorsque l’on est un jeune auteur désargenté, bientôt père de famille et que l’on espère en côtoyant un membre d’une si illustre famille renflouer son compte en banque, grâce à une « gratification substantielle » en témoignage d’une « infinie gratitude » avec en toile de fond l’idée que cette relation donnera matière à un papier dans une revue, ou deviendra peut-être le prétexte d’un roman ?

Mauvais sang ne saurait mentir décrit une dizaine d’années de rencontres épisodiques, d’échanges téléphoniques, suivies d’une prise de distance de la part de Kirn, devenu un écrivain reconnu, enfin lassé d’une relation à sens unique, Clark faisant preuve d’un égotisme illimité.

Paysages après la bataille, Juan Goytisolo

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 04 Février 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne, Fayard

Paysages après la bataille (Paysajes después de la batalla) 1985, traduit de l’espagnol par Aline Schulman . Ecrivain(s): Juan Goytisolo Edition: Fayard

Le dernier prix Cervantès, le prix le plus prestigieux de la littérature hispanique, a été décerné en novembre dernier à Juan Goytisolo, couronnant l’œuvre d’un octogénaire (il a eu 84 ans le 6 janvier dernier) qui compte pas moins d’une vingtaine de romans et d’une douzaine d’essais.

Un écrivain espagnol très français puisqu’il a vécu de nombreuses années à Paris et a fait du quartier du Sentier un lieu hautement littéraire, y implantant et y développant plusieurs de ses fictions et récits.

Paysages après la bataille nous propose un récit éclaté, morcelé en une multitude de récits brefs, qui se suivent parfois, se font écho à distance, dressant petit à petit le portrait d’un individu pas tout à fait recommandable selon les normes du politiquement et socialement correct. Celui-ci a en effet quelques penchants que d’aucuns pourraient trouver suspects, au même titre que l’était le révérend Charles Lutwidge Dodgson, plus connu comme Lewis Carroll, séduit par Alice et ses exquis modèles du monde réel. Un exilé qui aime le mélange des cultures, des mots, des couleurs et des odeurs. Un être de fragments, rassemblant page après page les éclats d’une identité dispersés dans le temps et l’espace, tissant au fil des phrases le récit, les récits d’une vie plurielle, démultipliée dans les ruelles du quartier du Sentier qui sont autant de reflets d’autres villes, perdues mais jamais oubliées.

Le Meilleur, Bernard Malamud

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 03 Février 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Rivages

Le Meilleur (The Natural), traduit de l’américain par Josée Kamoun, février 2015, 300 p. 21,50 € . Ecrivain(s): Bernard Malamud Edition: Rivages

 

Retrouver Malamud sur un versant ensoleillé est à la fois surprenant et formidable. Loin du « Shtetl » et de Kiev*, il nous place cette fois au cœur de l’Amérique. Et même mieux encore, au cœur du cœur des mythologies américaines modernes : le baseball ! C’est tellement le cœur du mythe yankee que l’éditeur nous propose un lexique du baseball en fin d’ouvrage. Louable initiative, mais on peut craindre que ce soit peine perdue tant ce jeu, le plus populaire aux USA, est illisible pour un esprit européen normalement constitué. Le chroniqueur peut témoigner que malgré sa bonne volonté depuis des décennies, il n’a jamais réussi à y comprendre quoi que ce soit.

Qu’importe, il n’est nul besoin de comprendre le baseball pour adorer ce livre !

Et loin de la terreur et de la souffrance, nous voici dans un roman de la jeunesse, de l’amour, de la lumière. Bien sûr – les lecteurs de Malamud s’en doutent déjà – cela ne va pas sans ombres, sans peine, sans misères. Mais elles sont ordinaires, relèvent de ce qu’il en est d’une vie humaine.

Le septième jour, Yu Hua

Ecrit par Cathy Garcia , le Samedi, 31 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Actes Sud

Le septième jour, octobre 2014, traduit du chinois par Isabelle Rabut et Angel Pino, 272 pages, 22 € . Ecrivain(s): Yu Hua Edition: Actes Sud

 

Le septième jour est un récit étrange, envoûtant, d’un humour délicat qui joue avec l’absurde et d’une grande tristesse, qui fait le va et vient entre les souvenirs d’une vie dans l’ici-bas et la douceur et la fantaisie poétique d’un au-delà. Sous cette apparence inoffensive, c’est surtout une façon de pointer les inégalités et les problématiques de la société chinoise contemporaine. Un récit découpé en sept chapitres, du premier au septième jour après la mort du narrateur, ce qui rappelle forcément les sept étapes de la création du monde dans le mythe biblique, mais s’inspire aussi de croyances traditionnelles chinoises à propos des sept jours pendant lesquels, après sa mort, l’âme du défunt erre autour de sa maison avant de rejoindre sa sépulture.

Yang Fei, le narrateur, meurt à la suite d’une explosion accidentelle dans un restaurant. C’est alors que la morgue l’appelle pour lui dire qu’il est en retard pour son incinération et qu’il doit se dépêcher d’arriver. Ainsi débute son errance dans cette nouvelle dimension, de l’autre côté de la très fine membrane qui sépare le monde des morts de celui des vivants.

Les cahiers d’un tueur, Gérald Grühn

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 30 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Les cahiers d’un tueur, TDO Editions, format Poche 2014 . Ecrivain(s): Gérald Grühn

 

Au départ, il y a une rencontre, celle de Thomas et de Thomas. Le premier (ou le deuxième) est un enfant avec des lunettes avec des verres comme des hublots, tenues par un gros élastique. Il partage sa vie entre son père et ses grands-parents. Le grand-père l’accompagne au bord du canal, le laissant pêcher alors que lui-même somnole sur un banc. Le deuxième (à moins que ce ne soit le premier) est un adulte à l’allure un peu bizarre : le crâne soigneusement rasé, ainsi que les bras, outre une réelle connaissance de la pêche, qui rapprochera les deux thomas, il a un métier caché, et pour cause : tueur à gages.

Thomas (le grand) a appris son métier dans les quartiers de Marseille, dont il a été amené à se retirer pour des raisons très professionnelles. Dans son genre, il est cependant parfait, ne laissant jamais derrière lui la moindre trace, variant consciencieusement les techniques employées, avec une méticulosité et une attention aux détails, mais aussi avec un détachement et une objectivité dépassionnée qui, malgré l’horreur qui peut exister dans ses actes, finit par susciter une certaine sympathie, pour ne pas dire l’inverse, une sympathie certaine, pour l’artisan soigneux qui conçoit ses contrats et exécutions avec l’humilité, la minutie et la maîtrise d’un ébéniste ou d’un joailler.