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Roman

Le ravissement des innocents, Taiye Selasi

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 13 Novembre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Gallimard

Le ravissement des innocents, traduction de l'anglais de Sylvie Schneider, septembre 2014, 366 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Taiye Selasi Edition: Gallimard

 

Ce roman est un avènement. Et il est simplement logique que cela soit produit par un anglophone – une (et jeune – 35 ans), en l’occurrence.

 

« Le mari de la sœur, dont le prénom échappe toujours à Olu (aussi banal que Brian ou Tim, un Californien, cheveux, teint et pantalon clairs), s’esclaffa et demanda : “De quelle origine ?

– L’Empire, répondit Folá, sans cesser de glousser. Le Britannique”.

Brian/Tim rit, Ling et Lee-Ann aussi. Le docteur Wei et Mme Wei se crispèrent, Olu aussi. Il scruta le ciel. Début juin. “Quelle chaleur !” ».

Aimer et ne pas l’écrire, Montaigne et Marie, Claire Tencin

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 12 Novembre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Aimer et ne pas l’écrire, Montaigne et Marie, Editions Tituli, mai 2014, 101 p. 16 € . Ecrivain(s): Claire Tencin

« C’est alors que… – et là est le pouvoir du récit, ou le destin d’un Grand Homme – c’est alors qu’il découvre sur le guéridon la lettre de Marie Le Jars de Gournay. A 16 heures précisément, son cœur se met à battre à la volée. La lettre d’une jeune femme : Cher Maître, Michel est flatté, j’ai vingt-trois ans et j’ai tout lu de vous (Il y a une légère confusion orthographique entre “lu” et “bu”, Michel préfère y lire “bu”) ».

C’est alors que… c’est alors que la foudre frappe le moraliste. Un nouveau coup de foudre, d’une toute autre nature que celui provoqué par la rencontre avec Etienne de La Boétie, d’une nature plus charnelle. Marie de Gournay a lu et ne cesse de lire les Essais, Andréa Marot, projection romanesque de Claire Tencin, en sait beaucoup sur Montaigne, mais très peu de Marie, cette femme savante. Au hasard des rencontres, elle est saisie par l’histoire de cette fille par alliance et son Proumenoir de Monsieur de Montaigne, miroir où se déploie l’arc électrique de la passion amoureuse. Les Essais électrisent Marie de Gournay. Elle ne cessera de vouloir vérifier si le corps de Montaigne peut s’accorder à cette admiration, comme celui de l’amant de Bordeaux d’Andréa. Il y a de l’électricité romanesque dans l’air, et Claire Tencin va en quelques éclairs saisir ce qui s’est joué entre le Maître et son élève et ce qui se joue entre Andréa et son professeur. Quand j’admire, j’admire, quand j’écris, j’écris, quand j’aime, j’aime, le réel est toujours à prendre à la lettre et au sérieux.

Des voleurs comme nous, Edward Anderson

Ecrit par Zoe Tisset , le Lundi, 10 Novembre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, USA, Points

Des voleurs comme nous, traduit de l’anglais (USA) par Emmanuèle de Lesseps, septembre 2014, 240 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Edward Anderson Edition: Points

 

C’est l’histoire d’une cavale de trois hommes, des hors-la-loi, des mécréants, des malfaiteurs. Ils braquent des banques comme le bon citoyen va faire des courses. Ils ne sont pas méchants, juste hors système, hors tout. « Les flics m’ont jamais inquiété, dit T. Doub. C’est les mecs qu’on prenait pour des amis qui vous dépassent. Et une femme qui t’en veut. C’est ça qui te dépasse ». Bowie va pourtant s’amouracher d’une « donzelle », d’une fille à part, sauvage et tendre.

« – J’ai l’impression que toutes les femmes font ça.

– Je ne sais pas ce que font les autres femmes (…)

– Je suppose qu’une femme est un peu comme un chien, Bowie. Tu prends un bon chien, si son maître meurt, il refusera qu’un autre le nourrisse et il mordra tous ceux qui veulent le caresser, et s’il continue, il cherchera tout seul sa nourriture et souvent il mourra ».

Pas pleurer, Lydie Salvayre

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 06 Novembre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil

Pas pleurer, août 2014, Prix Goncourt 2014, 288 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Lydie Salvayre Edition: Seuil

 

Comment une histoire singulière croise « l’Histoire avec sa grande Hache » ?

Lorsque vous, lecteur inconnu, ouvrez le dernier roman de Lydie Salvayre, Pas pleurer, édité en août 2014 aux éditions du Seuil, vous devez en accepter l’originalité.

Alors, imaginez-vous au théâtre. Les trois coups sont frappés. Le rideau rouge s’écarte. Le décor est planté. Un salon. Le bruit du monde extérieur est aboli et nous sommes emportés dans un huis clos.

Une mère âgée de « quatre-vingt dix ans », à la mémoire qui flanche, est assise dans le fauteuil où elle passe ses jours, souvent près de la fenêtre. Ce jour-là, face à elle, sa fille, grande lectrice et écrivain, fervente adepte du terme juste, de la belle langue, l’écoute attentivement, pas tout à fait en silence. En effet, parfois, elle interrompt le déroulé des souvenirs maternels pour corriger certaines erreurs de langue. Mais pas à chaque fois. Ce serait fastidieux et mal venu. Alors elle laisse sa mère égrainer son récit à sa façon. Ce récit que la fille attend depuis bien longtemps.

La marque des détours, Yveline Stéphan

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Mardi, 04 Novembre 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

La marque des détours, Éditions Infimes, 2014 . Ecrivain(s): Yveline Stéphan

 

Le roman d’Yveline Stephan La marque des détours, paru en 2014 aux éditions Infimes, est un long monologue où Léna, l’héroïne, se retourne sur son passé et entame un bilan sans concession de ce qu’elle a fait de son existence. Enfermée pendant de longs mois dans un lieu clos entouré de blancheur, elle « ne cesse d’écrire des mots retenus en elle depuis si longtemps ». Elle déroule son histoire « dans un cahier de moleskine noir » qu’elle emportera dans sa valise au moment où elle décidera de se confronter à nouveau avec l’extérieur, lorsqu’elle se sentira assez forte pour « se regarder sans terreur » dans un miroir et se retrouver « Elle, Léna. Elle, Hélène Robin ».

Nous, lecteurs, devenons partie prenante de l’exploration des dédales du monde intérieur d’une femme dont la vie serait enviée par beaucoup. Pourquoi l’héroïne nous apparait-elle comme « une femme gelée » ? C’est ce que le récit va tenter d’éclaircir. Enfant, Léna se rêvait un avenir. Adulte, elle s’est inventé un passé.