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Récits

Pucelles à vendre, Londres 1885, William Thomas Stead

Ecrit par Guy Donikian , le Mardi, 04 Mars 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Alma Editeur

Pucelles à vendre, Londres 1885, 294 pages, octobre 2013, 22 € . Ecrivain(s): William Thomas Stead Edition: Alma Editeur

 

Pucelles à vendre est un livre singulier. Le titre tout d’abord, un titre accrocheur qui laisserait supposer que le texte est consacré à des scènes plus ou moins érotiques pour des lecteurs en mal de sensations ou en déficit amoureux… Il n’en est rien et les contempteurs d’une sexualité débridée ou les adeptes de la « moraline » seront déçus. Ce livre voulait justement aller contre une immoralité qui, à Londres, fit des ravages chez les jeunes filles, ou pire, chez les adolescentes. Qu’on en juge…

Si la prostitution a toujours existé, certains ont semble-t-il affiné leurs désirs en matière sexuelle, la prostitution « classique » ne parvenant plus à les satisfaire. On se tourne donc vers les femmes les plus jeunes, autrement dit les adolescentes, qu’on exige vierges. Et c’est là tout le scandale, puisqu’à une demande il faut répondre, on allait donc fournir des vierges à ces hommes exigeants et dotés d’un réel « pouvoir d’achat ».

Usage des cendres, Jean-Paul Bota

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 14 Février 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Usage des cendres, précédé de Feuillets du Midi (Chartres Lisbonne Venise), Jean-Paul Bota, Le préau des collines, 2010, 107 pages, 12 €

 

Le voyage, un « pèlerinage vers l’éclat »

 

Peut-on dire le voyage ?

Et le dire tel qu’il se révèle être, lorsque, loin de voyager seul, l’on fait de sa route l’irruption d’un moment d’infini partagé avec un autre, une autre ?

Pour Jean-Paul Bota, le voyage ne peut être séparé de cette façon, propre à l’amour, de cheminer à deux. L’être proche, si proche (être pudiquement nommé par la lettre « H. » ; ses paroles réveillées), devient ce qui est non-séparé-de-soi.

Eaux-fortes de Buenos Aires, Roberto Arlt

Ecrit par Lionel Bedin , le Mardi, 21 Janvier 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Asphalte éditions

Eaux-fortes de Buenos Aires, Chroniques (Argentine), traduit de l’espagnol (Argentine) par Antonia Garcia Castro, 224 pages, 18 € . Ecrivain(s): Roberto Arlt Edition: Asphalte éditions

 

En Argentine au début des années 30, et notamment à Buenos Aires, il fait chaud. L’être humain a bien du mal à travailler. Surtout l’homme. Alors c’est souvent la femme qui dirige l’atelier de repassage pendant que l’homme, dont le travail essentiel consiste à chercher du travail, et le mari – le même – qui a flairé la bonne affaire, le bon mariage, monte la garde sur le seuil « l’aile du chapeau ombrant le visage, le torse convenablement ventilé par les trous de son marcel ».

Dans cette ville, les voleurs ne sont pas tous des voleurs, mais les boiteux sont tous « mauvais, incapables d’une bonne action », le mot fourbe est bien d’origine italienne et « la corporation des épiciers se compose en grande partie de commerçants ibériques ».

Plus loin est expliqué comment trouver dix centimes, ces dix centimes qu’il manque toujours quand vous voulez payer un billet de théâtre à votre belle, ou quand une dame, qui s’est complu à vous jeter trois œillades, monte dans le tramway… que vous n’avez pas les moyens de prendre.

Souvenirs (et) Le chemin du serpent, Torgny Lindgren

Ecrit par Ivanne Rialland , le Jeudi, 16 Janvier 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Biographie, Roman, Actes Sud

. Ecrivain(s): Torgny Lindgren Edition: Actes Sud

Souvenirs, récit traduit du suédois par Lena Grumbach, Actes Sud, novembre 2013, 235 pages

 

Le serpent, chemin faisant

Livre arraché à Torgny Lindgren par un éditeur, comme il l’explique dans une scène burlesque au seuil de ce volume, c’est à une drôle d’expérience de lecture que nous confrontent les mémoires de l’écrivain suédois, qui ne cesse d’insister sur son indifférence à la vérité tout en égrenant des scènes de son enfance puis de sa vie d’écrivain auxquelles nous ne pouvons nous empêcher de prêter foi. D’un côté, donc, l’ouvrage paraît éclairer le lecteur français sur les mœurs et l’atmosphère du Västerbotten, province natale de l’écrivain qui est notamment le cadre du Chemin du serpent et l’une des sources de son univers et de sa langue poétique. De l’autre, l’autobiographie, qui s’affirme irriguée de fiction, pourrait bien ne proposer là qu’un trompe-l’œil, en offrant au lecteur naïf en quête de sources et de clés le tableau d’une province toute romanesque et intime.

Caravansérail, Francis Picabia

Ecrit par Frédéric Aribit , le Jeudi, 16 Janvier 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Belfond

Caravansérail, Edition établie par Luc-Henri Mercier, octobre 2013, 200 pages, 18 € . Ecrivain(s): Francis Picabia Edition: Belfond

Dada se fait dans la bouche. On imagine sans doute mal aujourd’hui ce que pouvaient être ces soirées joyeusement foutraques, véritables happenings avant l’heure, où l’on frappait à tue-tête sur des caisses jusqu’à ce que le public proteste, où Tristan Tzara hurlait son poème orgasmique Vaseline symphonique en imitant les ours, où Louis Aragon miaulait à quatre pattes pendant qu’André Breton croquait des allumettes. Dans ce gang du suprême décervelage façon Jarry, Francis Picabia n’est pas en reste. Avec les confortables revenus que lui a laissés son héritage maternel, Picabia s’est tôt fait un nom dans la peinture, sous l’influence première des maîtres de l’impressionnisme. Mais alerté par Marcel Duchamp, il devient l’un des électrons les plus actifs de l’avant-garde picturale, l’un des plus libres aussi, et c’est naturellement chez lui que s’installe Tzara lorsqu’il débarque à Paris en 1920, sa grenade Dada dégoupillée dans la main. Picabia jongle alors entre une femme, plusieurs maîtresses, une poignée d’enfants, et cent vingt-sept voitures qu’il collectionne comme les conquêtes, et qui le lancent dans cette trépidante vie mondaine où il côtoie le Tout-Paris, Cocteau y compris – c’est dire. Il y a là bien assez pour que son anticonformisme n’achoppe forcément avec ce que Tzara a en tête sous le nom de Dada, ou ce que Breton fomente déjà de son côté. De sorte que lorsque paraît en 1924 le Manifeste du surréalisme, Picabia a pris le large, ce dont témoigne Caravansérail, le roman à clefs qu’il écrit la même année (il ne sera publié qu’à titre posthume, en 1974).