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Claude Nougaro, le parcours du cœur battant, Christian Laborde

Ecrit par Frédéric Aribit 28.03.14 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Récits

Claude Nougaro, le parcours du cœur battant, Editions Hors-Collection, février 2014, 192 pages, 29,90 €

Ecrivain(s): Christian Laborde

Claude Nougaro, le parcours du cœur battant, Christian Laborde

 

« Que la vie soit feu d’artifice

Et la mort feu de paille… »


Dix ans déjà. Au Casino du sang, le roi de la plaquette, c’était lui, disait-il dans le souffle malicieux d’un ultime texte aux jeux de mots poignants. Mais c’est raté, Claude. Quoi ? La mort, à la fin de ce satané « concert du pancréateur » – triomphe à guichets fermés – ne vous a pas laissé coi. Oui, dix ans après, cette voix de mousses et d’entrailles, cette voix des galets bleus de l’âme, chante encore dans nos mémoires, où elle s’est installée à demeure, parmi les grands convoyeurs d’infini que sont Brel, Brassens, Ferré ou celle qu’il aimait tant et qui l’aimait tant, Edith Piaf.

La drague douce est une drogue dure. Et Christian Laborde sait de quoi il parle. Sait de qui il parle : lui, son « frère de race mentale » dixit Nougaro himself, nous offre un splendide album-hommage pour saluer « l’homme aux semelles de swing », le « gascon d’Honolulu », le « Yasser Arafat du blues ». Ecrire sur Nougaro, c’est être condamné sans doute à l’épique, tant il y a du héros dans cet immense petit homme, qui malaxe dans la rocaille toulousaine de sa langue unique, le jazz et la java, les tambours du Brésil et les jolies cymbales des femmes, Dave Brubeck, Mohammed Ali, Jacques Audiberti…

Truffé d’anecdotes savoureuses, le livre lève avec lui toute l’effervescence d’une époque, où la chanson, la littérature, l’art, prenaient aux tripes et tenaient au corps. Définitivement. C’était celle du Lapin agile, celle des « patrouilles » interlopes dans les nuits parisiennes depuis son atelier de l’avenue Junot, celle des tournées générales où l’on chante comme on boit… Christian Laborde restitue ce « parcours du cœur battant » avec l’inventivité qu’on lui connaît depuis L’Os de Dionysos. Pas de temps mort, ici ça fonce à tempo ouvert, comme dans ses précédents livres consacrés à son ami, comme dans les tours de pédaliers des coureurs cyclistes qu’il vénère. L’écriture sonne, résonne, bastonne, vise dans le lard pour redonner aux mots leur propre viande « façon jambon d’York ». Faire mieux qu’une simple évocation de papier : redonner chair, redonner corps, redonner voix à l’ami magnifique qui entre alors en scène, et les poursuites s’allument, il va chanter encore sa « ballade occitane ».

De superbes photos agrémentent le texte, clichés d’amis, de voyage, de concerts, portraits d’artistes ou instantanés personnels, ainsi que des dessins de Claude Nougaro, avec leur tracé proche de ceux d’un Cocteau qu’il aimait tant. Ce sont aussi de nombreux documents de première main, des lettres de proches (Cécile, sa fille…), des témoignages poétiques (voir le long acrostiche que le poète toulousain Serge Pey lui consacre), musicaux (Maurice Vander, Bernard Lubat, André Minvielle, Art Mengo, Richard Galliano, Francis Lassus…) ou amicaux (Catherine Deneuve…). L’ensemble compose un splendide volume où le cœur bat, le sien, le nôtre, comme un coq devant une pendule.

Alors, oui, dansons sur lui, dansons sur lui le soir de nos fiançailles.

Dansons sur lui, jusqu’au jour de nos funérailles.

 

Frédéric Aribit

 


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A propos de l'écrivain

Christian Laborde

 

Poète, romancier, pamphlétaire, Christian Laborde est l’auteur de plusieurs ouvrages dont L’Os de Dionysos, le Dictionnaire amoureux du Tour de France, Corrida basta ou encore Diane et autres stories en short. Son Tour de France nostalgie a obtenu le Prix Louis Nucéra 2013.

 

A propos du rédacteur

Frédéric Aribit

 

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Rédacteur

Né en 1972 à Bayonne, partage son temps entre Itxassou, au Pays basque, et Paris, où il enseigne les Lettres à l’École Jeannine Manuel.

Bibliographie :

- Comprendre Breton, essai graphique, avec Eva Niollet, Éditions Max Milo, 2015.

- Trois langues dans ma bouche, roman, Belfond, 2015.

- « Les Fées », in Leurs Contes de Perrault, collectif, collection Remake, Belfond, 2015.

- André Breton, Georges Bataille, le vif du sujet, L’écarlate, L’Harmattan, 2012.

- « La dernière nouvelle » ; « Urbi et Orbi », Prix de la nouvelle de l’Œil Sauvage, Éditions de l’Œil Sauvage, Bayonne, 2000.

- « Noctambulation », La Ville dans tous ses états, Prix des Gouverneurs (Prix de la nouvelle de la ville de Bayonne), Éditions Izpegi, 1997.

Auteur de nombreux articles publiés en revues en France (Patchwork, Loxias, Les Cahiers Bataille, Chiendents, Recours au poème…) ou à l’étranger (Roumanie, Grèce).