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Poésie

Désordre avec vue, suivi de Sidérations, Coralie Akiyama (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 17 Août 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Désordre avec vue, suivi de Sidérations, Coralie Akiyama, éditions Douro, novembre 2021, 96 pages, 16 €


Des questions jaillissent d’emblée puis, comme à bribes décousues, dans ce Désordre avec vue suivi de Sidérations de Coralie Akiyama qui, après deux romans fantastiques (Féérie pour de vrai aux Éditions Moires en 2019 et Dévorée aux Éditions Vibrations en 2021), signe ici son premier recueil de poésie aux Éditions Douro. Le premier vers sous sa forme interrogative lance le dé d’une partition chaotique au sens où un « désordre » de sentiments, de ressentis, de faits, d’impressions, semble se poser spontanément sur les pages, ne laissant pas au lecteur le temps de s’arrêter mais au contraire l’emportant davantage vers l’instant d’après. Ceci dit rien de confus ici (« Bien mieux qu’une confusion/Un climat insatiable »), les mots étincellent dans les corolles d’une spirale temporelle incalculable, comme une concision à fleur d’une sensibilité aiguë qui affûte et affine ses prises au fur et à mesure qu’elle les hume et les lâche, offerte à la brûlure enivrante et captivante, envoûtante et incessante, du Vivre.

Par la vaste mer, Andrés Sanchez Robayna (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 13 Juillet 2022. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne

Par la vaste mer, Andrés Sanchez Robayna, éditions Le Taillis Pré, décembre 2021, trad. espagnol, Claude Le Bigot, 113 pages, 15 €

 

 

Qu’est-ce qu’un poète ? Une sorte de sonneur de la présence : quelqu’un qui garde dans l’oreille les sons mêmes qui, une première fois, lui ont donné envie d’entendre ; et un poète lucide et généreux est celui qui, même athée, soigne et diffuse le son religieux – un carillon lointain dans le ciel familial – qui fut son premier chant de monde. C’est que la « vaste mer » qu’évoque le titre du recueil semble bien plutôt renvoyer à un océan d’air et d’échos, tant ce qui, tout jeune, a sorti d’enfance ce poète presque septuagénaire, est – écrit-il dès les premières pages – une volée de cloches, un jour, inattendue, immense et ineffaçable, dans le ciel bas de la contrée familiale (les Îles Canaries). Comme c’est sa vocation lyrique même qui s’est jouée là, voici son récit fondateur :

Conspiration du réel, Grégory Rateau (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 13 Juillet 2022. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Unicité

Conspiration du réel, Grégory Rateau, mars 2022, Préface, Catherine Dutigny, 82 pages, 13 € Edition: Unicité

« Des vies alignées

Verticalité de bâtons de chaise

Sentir cette petite solitude de groupe

cette fraternité de pourboires

sur le chemin rancunier du retour à soi » (Solitudes groupées).

 

Le réel saute aux yeux de l’auteur dans ce recueil, un réel qui frappe comme un boxeur, des directs de la gauche et de la droite, un réel qui ne s’esquive pas, qui s’agrippe aux phrases et ne les lâche pas. Il s’agit de visages – Les mêmes gueules d’échoués dans le miroir éventré –, un éclat gris de nature – La campagne éteinte / La pluie claque / souffrent les arbres tordus et suppliants –, un cimetière – les gamins courent entre les pierres tombales / indifférents aux inscriptions carbonisées / aux supplications des veuves éplorées – saisis par une plume noire et blanche, granuleuse, comme échappée d’un film muet, où rôdent des fantômes et des ombres.

Antinoüs, Fernando Pessoa (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mardi, 12 Juillet 2022. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Langue portugaise

Antinoüs, Fernando Pessoa, ErosOnyx éditions, Coll. Classiques, mars 2022, édition bilingue, trad. anglais (alexandrins), Yvan Quintin, 88 pages, 14 €

Nous sommes en 130 apr. J.-C. L’empereur romain Hadrien veille son amant et favori Antinoüs qui vient de se noyer dans le Nil à l’âge de vingt ans. C’est un fait historique, repris notamment par Marguerite Yourcenar dans ses célèbres Mémoires d’Hadrien, et par d’autres auteurs et poètes comme Oscar Wilde, Yukio Mishima, Rainer Maria Rilke, Federico García Lorca ou Mutsuo Takahashi. L’un des plus grands poètes portugais de l’époque moderne, Fernando Pessoa, a lui aussi repris cette figure dans un long poème écrit en anglais, intitulé « Antinoüs ».

Les éditions ErosOnyx nous en proposent aujourd’hui une version bilingue accompagnée d’une note et d’une postface, dans une présentation soignée comme elles en ont l’habitude. Il en existait jusqu’à présent trois traductions en français, assurées respectivement par Armand Guibert, Patrick Quillier et Georges Thinès. Celle que nous lisons ici, œuvre d’Yvan Quintin, s’en démarque par le choix d’une traduction en vers, passant de l’original anglais (le vers anglais le plus fréquent étant le pentamètre iambique de cinq pieds) aux douze pieds français de l’alexandrin. Sans aller cependant jusqu’à la recherche de la rime, il s’agit, pour le traducteur, de mieux rendre la dimension poétique du texte de Pessoa, écrit, difficulté supplémentaire, dans un anglais élisabéthain, en usant de l’équivalent métrique le plus courant en français.

Travers du temps, Gérard Titus-Carmel (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 11 Juillet 2022. , dans Poésie, Les Livres, Chroniques Ecritures Dossiers, La Une CED, Editions Tarabuste

Travers du temps, Gérard Titus-Carmel, éd. Tarabuste, avril 2022, 148 pages, 16 €

 

Valeurs

Je n’ai pas pu me détacher, à la lecture du dernier recueil de Gérard Titus-Carmel, de l’idée que le poète est aussi peintre. De ce fait j’ai analysé son écriture selon une grille plastique. Cela m’a été rendu possible par l’utilisation des couleurs par exemple. Ici, l’écrivain se concentre sur des cercles chromatiques schématiques (ce qui pousse cette poésie vers un temps à la fois nouveau, universel et archétypal) : le blanc, le noir, le gris, l’argenté, un peu de vert, du rouge et du mauve. L’auteur n’hésite pas à créer son poème grâce à des impressions lactescentes, du nacré, décrivant l’effet moutonnant des nuages, des lumières bleues et cotonneuses sur le métier du texte.

Deuxième entrée dans le recueil où encore l’on suppute que la relation peinture/langage est relation langage/peinture, une fusion. Cette ligne forte se retrouve çà et là. Donc, des images construites selon des points de fuite, des perspectives cavalières, des biseaux, des lignes, des angles, des parallèles, de la lumière et de l’ombre, du gras et du maigre, des arrêts sur image.