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Les Livres

Le cocher, Selma Lagerlöf

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 07 Décembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Fantastique, Récits, Babel (Actes Sud)

Le cocher (Körkalen, 1912), trad. suédois Marc de Gouvenain, Lena Grumbach, 152 pages . Ecrivain(s): Selma Lagerlöf Edition: Babel (Actes Sud)

 

 

Ce récit publié peu avant la « grande guerre » est sans doute de ceux qui témoignent des derniers éclats du romantisme et du post-romantisme avant la grande bascule. Il peut aujourd’hui nous sembler vraiment appartenir à un autre temps qui serait si révolu qu’il en deviendrait pour nous exotique, quasiment incompréhensible. C’est qu’il y a quelque chose dans ce récit des danses macabres, celles mises en images par nombres de peintres au cours des siècles (de Jérôme Bosch à Holbein, pour n’en citer que deux), par des musiciens au cours des grandes années du romantisme (Saint-Saëns ou Franz Liszt, par exemple). S’y ajoute la touche moraliste propre à cette époque, que l’on peut aussi trouver désuète et bien mélodramatique, et qui n’est pas sans rappeler le ton d’une autre grande plume scandinave, celle d’Andersen.

Le silence de mon père, Doan Bui

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 06 Décembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, L'Iconoclaste

Le silence de mon père, mars 2016, 254 pages, 19 € . Ecrivain(s): Doan Bui Edition: L'Iconoclaste

 

Restituer dans un livre toute une part du récit familial, beaucoup l’ont tenté ; certain(e)s l’ont réussi. C’est ici le cas de la journaliste Doan Bui, d’origine vietnamienne. C’était le cas des récits de Pancrazi, du beau livre de Frain (Sorti de rien), et des archives de Yourcenar.

L’ethnographie familiale suppose une matière féconde et un regard qui soit d’une sagacité à toute épreuve : rendre vie et parole à l’histoire d’un père, exilé dans son propre corps depuis l’AVC qui le rendit muet, exilé originaire d’un pays quitté dans le flot des départs, demandait à l’auteur une écriture qui puisse, sans pathos, décrire un parcours, aller aux sources d’une vie voyageuse qui aboutira finalement au Mans, prendre le temps de « fouiller » comme une « fourmi » les annales de l’histoire proche.

Que savons-nous des gens que l’on aime ? Que sauvera-t-on d’eux ? Doan Bui a senti la nécessité de raconter ce qui risque de s’éventer et de tomber dans le pur oubli. Elle le fait pour ses filles, pour ses sœurs, pour ses frères. Il a fallu même creuser jusqu’à dépecer les secrets – toute famille en porte. Son récit est passionnant de bout en bout : il livre avec émotion un travail de quête précis, argumenté, un retour au pays pour savoir et pouvoir raconter.

Malraux face aux jeunes, Mai 68, avant, après. Entretiens inédits

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 06 Décembre 2016. , dans Les Livres, Essais, La Une Livres, Folio (Gallimard), Histoire

Malraux face aux jeunes, Mai 68, avant, après. Entretiens inédits, novembre 2016, 102 pages, 2 € . Ecrivain(s): André Malraux Edition: Folio (Gallimard)

 

Quoique historiquement codés dans une période précise, ces entretiens inédits la dépassent largement. Plus que de parler uniquement aux jeunes et plus que de s’installer dans son statut de ministre, Malraux prolonge son soliloque avec lui-même sans chercher de pose et de rôle de magister dans ce contexte particulier.

De fait sa réflexion reste toujours la même : accorder le sens qu’il convient à l’histoire, à la révolution, au jeu de pouvoir qu’entretiennent les maîtres du monde avec leur propre idéologie et leur peuple et bien sûr à la religion et son – dit Malraux – « inépuisable » question.

Au passage l’auteur lance quelques discrètes flèches à un intellectualisme germanopratin qui préfère Le Flore à l’action en oubliant que « le catéchisme est cinq cent fois plus sérieux que les professeurs » lorsqu’on parle de révélation. Et ce même si l’auteur relit les Evangiles « avec une certaine déception ».

Œuvres complètes 1. Premiers écrits. Règles pour la direction de l’esprit, René Descartes

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Lundi, 05 Décembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

Œuvres complètes 1. octobre 2016, sous la direction de Jean-Marie Beyssade et Denis Kambouchner, 760 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): René Descartes Edition: Gallimard

 

Une publication « complète » à plusieurs titres

Ce tome 1 propose les premiers travaux du philosophe dont on ait gardé la trace, ceux antérieurs à 1629, avant que Descartes n’atteigne les 33 ans. Il retrace l’histoire passionnante de la postérité des écrits cartésiens, histoire parfois rocambolesque.

Descartes consigne ses premières réflexions sur un « petit registre en parchemin » conservé sa vie durant. Recensé dans l’inventaire de Stockholm où il meurt en 1650, ce document est rapatrié à Paris avec d’autres papiers pour restitution à son frère. Mais le bateau transportant la malle les contenant coule dans la Seine ; la malle est repêchée, les précieux feuillets qu’elle contient séchés avant que Leibniz, admirateur tout autant que critique de Descartes, ne copie de larges extraits du registre aujourd’hui perdu, tout comme les copies du philosophe allemand après qu’elles ont été copiées et ainsi de suite.

Démêler la nuit Quatre traductions de l’affaire Armin Meiwes, Grégory Pluym

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 05 Décembre 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre

Démêler la nuit Quatre traductions de l’affaire Armin Meiwes, éd. Quartett, octobre 2016, 110 pages, 12 € . Ecrivain(s): Grégory Pluym

« Dionysiac »

Juste un petit volume que l’on peut cacher dans la poche de son manteau. Une photo mystérieuse, inquiétante peut-être, sur la première de couverture : un homme, les bras croisés sur son torse nu, de profil et le visage entier casqué du métal de couteaux et de fourchettes. Un titre, un sous-titre à la police rouge et un avant-propos signé d’un jeune auteur canadien, Marc-Antoine Cyr.

Le premier texte édité de Grégory Pluym. Une lecture découverte, le franchissement d’un seuil comme les premiers mots le disent, comme celui que passe Bernd, puis se plonger dans le livre et se plonger dans ce que le théâtre a toujours, depuis les Grecs, proféré : la violence tragique, viscérale dont sont capables les hommes ; violence qui démembre, qui met à mort la chair humaine. Dionysos devenu homme dans les Bacchantes d’Euripide (vers 114-1143) pousse Agavé à tuer son propre fils, Penthée, lui arrachant l’épaule, aidée par la foule des Bacchantes, le déchirant tout entier. C’est ainsi que triomphent le dieu et le Théâtre. De cela, Gregory Pluym se souvient en écrivant sur un extraordinaire fait divers allemand, « l’affaire Armin Meiwes » évoquée dans le sous-titre…