Identification

Langue portugaise

La farce des Damnés (Auto dos Danados), Antonio Lobo Antunes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Décembre 2024. , dans Langue portugaise, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points, En Vitrine, Cette semaine

La farce des Damnés (Auto dos Danados, 1985), Antonio Lobo Antunes, Éditions Points, 1998, trad. portugais, Violante Do Canto, Yves Coleman, 330 pages, 7 € . Ecrivain(s): Antonio Lobo Antunes Edition: Points

 

Roman de la décadence – celle des suppôts de la dictature abattue – La farce des Damnés est en effet une farce burlesque, celle que joue une bourgeoisie lisboète terrorisée par la Révolution des Œillets dans laquelle ils voient le déferlement létal du communisme. La scansion « dentaire » du début du livre – des bouches truffées de dents cariées, de molaires déchaussées, d’abcès gingivaux – est métaphore du pourrissement d’une classe sociale qui a participé à l’oppression salazariste au Portugal et – on connaît le tropisme d’Antonio Lobo Antunes pour cette période – dans ses colonies. Le dentiste blasé qui explore encore et encore les cavités buccales de ses patients est au-delà de tout intérêt pour son métier, son monde, sa vie : il est l’expression ultime d’une caste à l’agonie.

Je nettoyai la cavité que le plastique avait laissée, soignai au mercurochrome les écorchures, les miasmes repoussants de cuisine campagnarde, les caries que la résine et le métal faisaient pourrir entre les dents.

Chanson pour bercer de grands garçons, Conceição Evaristo (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 11 Juillet 2024. , dans Langue portugaise, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Chanson pour bercer de grands garçons, Conceição Evaristo, éditions Des femmes Antoinette Fouque, juin 2024, trad. portugais (Brésil) Izabella Borges, 140 pages, 14 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Saudade

Pour son « écrit-vie », Chanson pour bercer de grands garçons, Conceição Evaristo convoque la réalité des conditions d’existence du peuple noir du Brésil, des femmes multipliant les grossesses –, épouses légitimes ou maîtresses attitrées ou encore compagnes de passage. Fio Jasmin, à l’origine d’une nombreuse descendance, est le fruit de l’invention de l’écrivaine. Elle le met au monde, sur papier, lui et ses nombreuses liaisons, comme autant de masques du moi, du ça et du surmoi – la conscience des siens qui l’habite, la réserve pulsionnelle de l’amour passion, et le ça, le « prince noir », l’acteur de prédilection adulé par la gent féminine. Or, Fio Jasmin est né sur un continent, le Brésil, où la racialisation par la couleur de peau discrimine les individus, les ghettoïsant dans une société eugéniste.

L’autre rive de la mer, António Lobo Antunes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Mai 2024. , dans Langue portugaise, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Christian Bourgois, En Vitrine, Cette semaine

L’autre rive de la mer, António Lobo Antunes, Christian Bourgois Éditeur, avril 2024, trad. portugais, Dominique Nédellec, 450 pages, 24 € . Ecrivain(s): Antonio Lobo Antunes Edition: Christian Bourgois

Le vieux lion (ou plutôt loup – Lobo) rugit encore et, même si les pontes décérébrés du Prix Nobel ne semblent pas le savoir, il est le plus grand monstre littéraire encore vivant en ce monde. L’autre rive de la mer, dernier ouvrage de Lobo Antunes – et l’on espère que ce ne sera pas le dernier – est à la fois un retour aux sources brûlantes de l’inspiration du romancier lisboète et un regard sombre vers son passé. L’Angola, enfer vécu par le jeune António entre 1971 et 1973, et cadre ténébreux de ses 3 premiers romans, Mémoire d’éléphant, Le cul de Judas et Connaissance de l’enfer.

« et le nègre avec son fusil à côté d’eux manœuvrant la culasse avec le fracas de qui ferme la dernière des portes, restent les crabes qui approchent dans leur boiterie oblique, refermant sur nous leurs pinces rouillées, reste mon passé s’enfonçant dans le sable si bien que je ne sais pas si je l’exhume ou si je l’invente, si ça se trouve il n’y a jamais eu de coton dans ma vie, il n’y a jamais eu de villages de nègres, je n’ai jamais vu de sipaios enterrer vivante une femme devant son quimbo, la femme les bras et les jambes brisés, enroulés autour de son tronc, et les yeux ouverts tandis qu’ils balançaient les pelletées de terre […] ».

De natura florum, Clarice Lispector (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 22 Décembre 2023. , dans Langue portugaise, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Arts, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

De natura florum, Clarice Lispector, éd. Des femmes-Antoinette Fouque, novembre 2023, trad. portugais (Brésil), Jacques & Teresa Thiériot, Claudia Poncioni, Didier Lamaison, ill. Elena Odriozola Belastegui, 50 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Clarice Lispector Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Les Jeux floraux, également appelés Floralies ou Floralia, étaient des fêtes célébrées dans la Rome antique en l’honneur de Flore, déesse des fleurs, des jardins et du printemps, d’origine sabine.

Le culte de celle-ci fut établi à Rome par Titus Tatius, roi légendaire de Cures Sabini, puis roi de Rome en même temps que Romulus.

Institués de façon annuelle en 173 av. J.-C. par les édiles curules, les Jeux floraux faisaient partie des plus anciens célébrés à Rome même. Ils se déroulaient du 27 avril au 2 mai.

Ils furent introduits dans tout l’Empire au fur et à mesure des conquêtes romaines, et fort appréciés des peuples conquis en raison de leur caractère licencieux (Source, Wikipédia).

Mort et vie sévérine, João Cabral de Melo Neto (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 13 Décembre 2023. , dans Langue portugaise, Les Chroniques, La Une CED, Amérique Latine, Poésie

João CABRAL de MELO NETO - Mort et vie sévérine - Édition bilingue. Traduction et présentation de Mathieu Dosse - Chandeigne, 2023, 136 p.,18€

 

Un poème (en fait, une "scène de Noël" écrite en 1955, un jeu théâtral versifié répondant à une commande, et refusé comme injouable - qui n'a eu que dix ans plus tard un étonnant succès, dans une version politico-musicale que Chico Buarque impose à la fois à la dictature d'alors, à Cabral lui-même, d'abord réticent, et au public européen, subjugué) formidable, virtuose et simple, dont on se surprend, un oeil sur les pages de gauche, à scander l'irrésistible et opaque portugais. L'histoire monologuée d'un migrant ("um retirante") du Nordeste, Sévérino, qui gagne, à pied, Recife, pour, fuyant sécheresse et misère, y trouver à vivre ; en une quinzaine d'étapes alertes, familières, denses - le long du fleuve Capibaribe, qui mène du haut-Pernambouc à la métropole côtière - pendant lesquelles le désespoir grandit, les objections au suicide s'essoufflent, la tentation de "prendre une autre sortie; celle qui fait sauter, de nuit, du pont et de la vie" s'installe, jusqu'à ce qu'une naissance - comme on va voir - change l'issue, et redirige ailleurs l'échec.