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La Une Livres

Mouvement, Philippe Sollers

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 02 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Gallimard

Mouvement, mars 2016, 240 pages, 19 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Formé, tissé, façonné, brodé, inscrit, tracé, coup d’archet dans les profondeurs, étoffe, squelette, musique. Ce Dieu me convient, il voulait que je naisse. Je veux bien l’appeler Iahvé, mais il ne me commande rien, il me protège, il me sauve, c’est un roc, un rocher, un rempart, il détruit mes ennemis au dernier moment, il me tire du bourbier et de la fosse commune, il me ressuscite, il m’aime ».

Quel est ce mouvement toujours surprenant qui anime les grands romans ? Quelle est cette source, ces sources qui les nourrissent ? D’où viennent ces livres de grâce qui étonnent par leur foisonnement, leurs éclats, leurs parfums ? Tant de questions que l’on se pose parfois en lisant ces romans qui tranchent avec ce qui s’écrit ici et là, ces livres qui traversent le siècle, nourris de tous les siècles passés. Point de nostalgie dans Mouvement, mais une fidélité au passé mis au présent, au présent plus-que-parfait, au mouvement du futur-antérieur. Pas étonnant alors que l’écrivain bordelais ait un œil en Dordogne, l’autre en Chine, une oreille chez Rimbaud, l’autre chez Hegel, la troisième chez Bataille, une autre dans la Bible (on ne compte plus les oreilles dont est doté l’écrivain). Comme il sait lire, écouter, entendre ce qui s’écrivait, et qui s’écrit, ce qui se peignait et se peint, son roman est un puissant aimant qui tourne dans la nuit, et évite d’être consumé par les flammes de l’Enfer.

Nouvelles Animalières, Guy de Maupassant

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 02 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Nouvelles Animalières, janvier 2016, textes choisis et dossier par François Kerlouégan, 192 pages, 4,80 € . Ecrivain(s): Guy de Maupassant Edition: Folio (Gallimard)

 

Guy de Maupassant (1850-1893), le scandaleux, l’homme du canotage et de La Feuille de Rose, aurait probablement bien ri si on lui avait dit que son œuvre, en particulier ses nouvelles, deviendrait une manne inépuisable pour l’institution scolaire, en particulier les éditeurs en mal d’idées pour suggérer des leçons aux professeurs et donc vendre leurs livres. Va donc pour ces Nouvelles Animalières, choisies par François Kerlouégan, qui a aussi réalisé le dossier les accompagnant.

Les nouvelles sont choisies parmi le corpus classique de Maupassant, chacune bénéficiant, c’est parfois précieux, des précisions temporelles sur sa publication originale, tant dans la presse qu’en volume. Selon que l’on a plus ou moins fréquenté l’œuvre de Maupassant, ces onze Nouvelles animalières seront des découvertes ou des redécouvertes – quoi qu’il en soit, un véritable plaisir de lecture, où se retrouve la perfection stylistique d’un auteur à la fois « élève » de Flaubert et habitué à faire rentrer une histoire dans un carcan précis, celui de la place laissée à la littérature dans la presse de l’époque (1880-1890), qui ne laissait plus aux nouvellistes la place autrefois octroyée aux feuilletonistes. Ce sont donc onze fulgurances narratives qui sont ici réunies, avec pour thématique commune la présence d’un animal.

La fin d’une imposture, Kate O’Riordan

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 31 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Joelle Losfeld

La fin d’une imposture, Kate O’Riordan, Traduit de l'anglais par Laetitia Devaux Ed. Joelle Losfeld janvier 2016, 377 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Kate O’Riordan Edition: Joelle Losfeld

 

Si le très anglo-saxon concept de « Page-turner » a un sens, il est superbement représenté par ce roman, dont la particularité majeure est de vous accrocher très vite et de ne plus jamais vous lâcher jusqu’au dernier mot de la dernière page. Haletante, telle est la narration de ce livre, dont on n’attend pas forcément, au départ, que ce soit un thriller et pourtant qui en est un, terrifiant. Si un « page-turner » n’est pas forcément de la haute littérature, c’est, quand il est emmené avec le brio de ce roman, un excellent bouquin, à n’en pas douter.

La topologie de cette histoire est une affaire de dedans/dehors, dans le style bande de Moebius. La famille Douglas devrait être le dedans. Mais tout est tellement dehors chez elle : Le couple cassé, le fils mort pendant un séjour de vacances en Thaïlande, la fille dévastée et en rébellion. Et Jed – le beau et jeune Jed – il devrait être l’autre, le dehors donc. Mais voilà, il entre dans un cercle familial branlant et il met en œuvre sa destruction totale. L’auteure a bien compris que son histoire a affaire à la topologie. Dès les premières pages, à l’annonce affreuse de la mort du fils une veille de Noël, elle met en place sa structure dominante, le trou.

L’arbre à poèmes, Abdellatif Laâbi

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 31 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Gallimard

L’arbre à poèmes, janvier 2016, Préface de Françoise Ascal, 260 pages, 8,10 € . Ecrivain(s): Abdellatif Laâbi Edition: Gallimard

 

Dans sa collection Poésie, Gallimard vient de publier ce florilège de vingt années (1992-2012) des écrits d’Abdellatif Laâbi, les morceaux choisis étant présentés par l’éditeur comme « une anthologie personnelle » de l’auteur.

Ce qui frappe immédiatement le lecteur qui découvre Laâbi est le parti-pris d’une expression directe, loin de toute volonté d’ésotérisme poétique, loin également de toute allégeance à un quelconque formalisme académique.

Laâbi ne « compose » pas, il dit, il exprime, il crie.

Laâbi ne cherche pas à « faire beau », il rage, il extériorise, il envoie, il percute, sans se soucier de rimes, de pieds, de césure…

C’est un choix.

Flannery O’Connor, Dieu et les gallinacés, Cécilia Dutter

Ecrit par Laurent Bettoni , le Mercredi, 30 Mars 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie

Flannery O’Connor, Dieu et les gallinacés, éd. du Cerf, mars 2016, 208 pages, 19 € . Ecrivain(s): Cécilia Dutter

 

Grande romancière et nouvelliste américaine du vieux Sud des États-Unis, Flannery O’Connor, malgré une vie brève et marquée par la maladie, a laissé une œuvre puissante, encore trop méconnue du public français, bien qu’elle ait fait l’objet d’une édition intégrale en Quarto chez Gallimard.

Cécilia Dutter se fait ici l’écho de cette voix singulière. Elle retrace avec talent et admiration l’itinéraire de la femme et de l’écrivain, dans une biographie aussi littéraire qu’intime. L’auteur s’y dévoile de temps à autre, par petites touches, derrière cette « maîtresse en littérature » qu’elle fut.

Atteinte d’un lupus érythémateux, maladie auto-immune grave qui lui valut de nombreux séjours à l’hôpital et dont elle mourut à l’âge de 39 ans, Flannery O’Connor passa l’essentiel de son existence dans son domaine de Milledgeville, en Géorgie où, entourée de ses paons et autres gallinacés, elle consacra le peu d’énergie qu’il lui restait à l’écriture.