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Noirs dans les camps nazis, Serge Bilé

Ecrit par Guy Donikian , le Jeudi, 09 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Les éditions du Rocher

Noirs dans les camps nazis, Le Rocher poche, mars 2016, 168 pages, 6,50 € . Ecrivain(s): Serge Bilé Edition: Les éditions du Rocher

 

L’inimaginable monstruosité des atrocités commises par les nazis ne peut se comprendre à la lumière d’une seule explication. Il faudra sans doute encore accumuler de nombreux essais pour saisir tous les mécanismes qui ont concouru pour une « solution finale » qui vit industrialiser la mort comme jamais auparavant. Serge Bilé participe avec cet essai à la compréhension de ces mécanismes, de ces logiques simplistes mais efficaces pour la mort industrialisée de tout un peuple. Il s’agit en l’occurrence de la déportation des Noirs dans les camps de concentration et d’extermination de l’Allemagne nazie. Africains, Antillais, Américains, furent aussi victimes des nazis.

C’est en Namibie que tout a commencé, un pays voisin de l’Afrique du Sud. Les premiers colons allemands y débarquent en 1870, alors que ce pays est composé d’une mosaïque de peuples, dont les Ovambo, Kavango, Nama et Herero. La désunion qui règne alors entre ces peuples va grandement faciliter l’installation des colons allemands. Le sous-sol recèle des richesses dont le cuivre et les diamants qui vont attiser les convoitises, et Bismarck va nommer un gouverneur pour administrer le territoire et ses richesses : Heinrich Goering, le père de Hermann Goering, l’un des plus hauts dignitaires nazis.

Confiteor, Jaume Cabré

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 08 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Espagne, Actes Sud

Confiteor (Jo confesso), trad. catalan Edmond Raillard, 784 pages, 26 € . Ecrivain(s): Jaume Cabré Edition: Actes Sud

 

Un monument !

Quelques lignes pour rendre compte de la lecture de Confiteor… Cela semble relever du défi tant le monument qu’a bâti Jaume Cabré est touffu, riche, plein de couloirs et de portes qui surprennent… Il serait peut-être plus raisonnable de s’en tenir là et de tout simplement conseiller au lecteur de faire le grand plongeon dans ces presque 800 pages, avec ou sans boussole. Un monument qui a pris huit années à son auteur…

Confiteor c’est l’histoire d’un violon… Non. Confiteor c’est une expérience d’écriture qui reprend et développe à l’infini l’écriture faulknérienne… Non. Confiteor c’est un roman philosophique ou de la philosophie mise en récit sur l’histoire du mal et l’impuissance de la culture contre les fanatismes obscurs qui rythment l’histoire… Non. Confiteor c’est l’histoire d’un amour impossible perpétuellement contrarié… Non. Confiteor c’est un roman qui mêle avec une diabolique habileté la réalité et la fiction… Confiteor c’est… C’est tout cela à la fois. Et d’autres choses encore. Comme une expérience de lecture exigeante, perturbante, fascinante, épuisante, réjouissante… Tout cela à la fois.

Voulez-vous partager ma maison ?, Janine Boissard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 08 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Fayard

Voulez-vous partager ma maison ?, mars 2016, 304 pages, 20 € . Ecrivain(s): Janine Boissard Edition: Fayard

 

Vous entrez doucement dans ce livre comme dans un jardin, en trois parties, ce livre est un jardin. L’auteur s’adresse à vous « directement » et la narratrice, Line, vous invite chez elle. Une voix off et la voix d’une femme entrée en cinquantaine. L’atmosphère est agréable, a priori, l’émotion est tangible. Oui c’est un peu ça, un livre confortable qui vous prend par la main et vous dit : regarde.

La narratrice enfant et son père, et son père au-dessus d’elle, son père lui tenant un doigt de la main, son père derrière elle quand il faudra ôter les roulettes du vélo, ce père militaire qui lui intimera « envole-toi ». Ensuite, le mari militaire. Augustin. Le transfert est établi, le cliché est facile. Qu’importe. Vous êtes à Angers, enfin tout près, Line se tient maintenant sur le seuil de sa maison, elle est veuve.

Ses renoncements. Les parenthèses nombreuses où elle entrepose pêle-mêle ses considérations et ses tiraillements. Raconter ce que son mari était, tout ce qu’il n’était pas. Son propos, vous le jugez amusant parfois, enjoué toujours : un ton bienveillant malgré les remontées qui se veulent acides.

Une rivière, un jardin, une maison.

Voir et entendre Critique de la perception imaginative, Santiago Espinosa

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mercredi, 08 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Voir et entendre Critique de la perception imaginative, éd. Encre Marine, présenté par Clément Rosset, avril 2016, 168 pages, 21 € . Ecrivain(s): Santiago Espinosa

 

« L’homme recherche la vérité : un monde qui ne se contredise pas, ni ne trompe, un monde vrai – un monde où l’on ne souffre pas… Il ne doute pas qu’il existe un monde tel qu’il doit être… Visiblement la volonté de vérité est ici le simple désir de se trouver dans un monde qui demeure »

Nietzsche, Fragments posthumes

 

Ce livre est une invitation au cheminement philosophique de l’être, de ce que l’on croit voir et savoir pour veiller à son secret, tout en préservant l’inviolabilité du possible. De la prédominance de la vision au détriment de l’écoute. Et pourtant : « si ce n’est pas moi, mais le Sens, que vous avez entendu, il est sage alors de dire dans le même sens : Tout est Un ».

Effacer sa trace, Malika Wagner

, le Mardi, 07 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Albin Michel

Effacer sa trace, mars 2016, 192 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Malika Wagner Edition: Albin Michel

 

Encore un ? Oui, encore un roman pour raconter la mort d’un père. Cet « invariant » de la psychanalyse continue d’irriguer la production romanesque (L’Absolue perfection du crime, de Tanguy Viel, 2001 ; La Chute de cheval, de Jérôme Garcin, 1998 ; etc.)

La littérature s’est éloignée, à force de réécritures, de l’enquête psychanalytique que constituaient au siècle dernier les récits de la mort du père, chez Samuel Beckett ou Claude Simon. Ce qui était à l’époque un thème de fiction passe maintenant l’épreuve du feu qu’écrivain-e-s, lectrices et lecteurs semblent unanimement exiger de tous les thèmes de fiction : la dissolution harmonieuse dans l’écriture autobiographique.

Le propos général est limpide : Malika Wagner parvient, à travers l’enterrement de son père en Algérie, à « effacer sa trace », à être soi-même en se délivrant du poids du passé qui la rattachait à l’histoire familiale et à cet « homme peu fréquentable » (p.8). C’est donc un roman optimiste sur la liberté individuelle, malgré l’incessant rappel de ses origines que la société française inflige à la narratrice dans la troisième partie, tant par des discriminations que quand des collègues bien intentionnés lui proposent de se trouver un pseudonyme plus « ronflant » que son propre prénom (p.172).