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Folio (Gallimard)

Collection de poche des éditions Gallimard

 


Tango de Satan, László Krasznahorkai (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 22 Septembre 2023. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman

Tango de Satan, László Krasznahorkai, trad. hongrois, Joëlle Dufeuilly, 385 p. 9,20 € Edition: Folio (Gallimard)

Roman diaboliquement attrape-lecteur, ce Tango de Satan !

László Krasznahorkai a tissé là une angoissante toile d’araignée dans laquelle, simultanément, se débattent la plupart des personnages, et se retrouve piégé le lecteur qui s’aventure en les lieux lugubres où se développe dans un temps court une intrigue sinistre dans l’atmosphère morbide qui émane des faits, gestes, paroles, rêves, réflexions, sensations des misérables protagonistes.

Que diable faisaient-ils donc dans cette galère ?

Le décor principal est planté au centre et aux alentours immédiats d’un simulacre de village, perdu on ne sait où, à proximité des ruines déprimantes d’une fabrique désaffectée et de ses installations annexes dont ne subsistent que des ferrailles rouillées et douloureusement tordues, restes hideux d’une ancienne coopérative où travaillaient autrefois la demi-douzaine d’habitants qui, faute de savoir, de pouvoir ou de vouloir où aller, les uns chevillés là par foncière veulerie, les autres ayant gardé l’espoir d’un redémarrage de la coopérative, ne sont pas partis refaire leur vie ailleurs à l’exemple de la majorité des autres employés de la société en faillite, et passent leurs journées à guetter par leur fenêtre les agissements furtifs de leurs voisins.

Sept jours sur le fleuve, Henry David Thoreau (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 18 Septembre 2023. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Sept jours sur le fleuve, Henry David Thoreau, Folio, février 2023, trad. anglais (USA) Thierry Gillybœuf, 656 pages, 10,90 €

 

Premier ouvrage publié du vivant de Thoreau (1817-1862), A Week on the Concord and Merrimack Rivers (1849) est la narration d’un voyage effectué par l’auteur et son frère en 1839, narration resserrée en sept jours pour autant de thématiques après le décès du second ; un in memoriam orienté vers une double expérience vivante : l’aventure sur des cours d’eau bordés d’une civilisation américaine naissante et du fantôme d’une civilisation amérindienne agonisante au mieux, et l’aventure de la pensée d’un homme qui va publier bientôt en revue La Désobéissance civile, est en train de mener la vie que l’on sait à Walden (expérience mise en livre en 1854) et tient un Journal dont seront extraites d’innombrables maximes avant qu’il soit publié bien après le décès de son auteur. Cet ouvrage est donc une clé pour saisir la pensée de Thoreau, ainsi que son style, et d’aucuns le considèrent comme une œuvre majeure du dix-neuvième siècle – à commencer par l’excellent traducteur et éditeur Thierry Gillybœuf, dont la passion pour la littérature américaine se lit depuis de nombreuses années au fil de traductions éblouissantes.

Le Rire ou la vie, Anthologie de l’humour résistant 1940-1945, Alya Aglan (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 11 Septembre 2023. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie

Le Rire ou la vie, Anthologie de l’humour résistant 1940-1945, Alya Aglan, Folio, avril 2023, 304 pages, 9,20 € Edition: Folio (Gallimard)

La création autour de la Résistance, contemporaine ou postérieure à celle-ci, est la plupart du temps placée sous le signe de la tragédie, celle d’une violence subie mais à refuser, ou, plus rarement, de l’espoir. Les auteurs, poètes, romanciers ou cinéastes, plus rarement musiciens, peintres ou sculpteurs, témoignent de l’horreur de l’Occupation ou disent leur désir que persiste le Beau dans le Laid, en témoigne en particulier la magnifique anthologie La Résistance et ses poètes (France 1940/1945) publiée par Pierre Seghers pour la première fois en 1974. Espoir : Liberté, de Paul Éluard, parachuté à des milliers d’exemplaires sur la France occupée ; tragédie et pourtant désir de vivre dignement, Je trahirai demain, de Marianne Cohn :

Je trahirai demain pas aujourd’hui.

Aujourd’hui, arrachez-moi les ongles,

Je ne trahirai pas.

Sanctuaire (Sanctuary, 1931), William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 05 Septembre 2023. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, En Vitrine

Sanctuaire (Sanctuary, 1931), William Faulkner, Folio, trad. américain, R.N. Raimbault, Henri Delgove, 376 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

William Faulkner a déclaré dans une interview de 1951 qu’il avait composé ce roman violent en 1931 comme un simple gagne-pain. On pourrait, au premier abord, y croire : un mélodrame criminel glauque et brutal, loin de la veine moderniste des autres ouvrages du Faulkner de l’époque, The Sound and the Fury (1929) et As I Lay Dying (1930), Sanctuary pourrait bien n’être rien de plus qu’une tentative de best-seller, un livre bien ancré dans l’air de son temps, de l’époque « dure » de la littérature américaine. Et ça a marché : ce roman a rapporté à Faulkner plus de renommée et d’argent que toutes ses œuvres publiées jusqu’alors. Même la noirceur du tableau social du Sud pauvre et arriéré pourrait entrer dans l’intention d’offrir au public ce qu’il voulait alors, les lecteurs des villes – qui sont évidemment les plus nombreux – étaient alors friands de récits graveleux issus de ce « Tiers-Monde » des USA que constituait le Sud, avec ses viols, ses incestes et ses meurtres sauvages, tout en gardant la conscience nette, comme si leur intérêt pour ces histoires était une forme de charité.

Hildegarde, Léo Henry (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 30 Août 2023. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Hildegarde, Léo Henry, Folio, avril 2023, 608 pages, 10,90 € Edition: Folio (Gallimard)

Hildegarde est l’œuvre d’un polygraphe renommé, tant nouvelliste « classique » qu’auteur de science-fiction, tant scénariste de bandes dessinées qu’auteur de jeux de rôle ; Hildegarde est un roman au contenu magistral, issu d’une documentation aussi pointue et fouillée que pertinente au sujet traité : la biographie d’Hildegarde von Bingen, la religieuse bénédictine aussi bien versée dans le mysticisme (un rien de magie parcourt le roman, avec l’une ou l’autre vision forcenée) que dans la botanique ou dans la composition ou l’illustration. Henry parvient au tour de force de représenter une époque, surtout d’un point de vue intellectuel au sens large du mot, de la philosophie à la théologie avec passage par une politique teintée des deux premières, allant de la première Croisade à l’œuvre de Chrétien de Troyes (naissance et mort d’Hildegarde obligent) – les deux étant représentatives d’un esprit propre au XIIe siècle. C’est que Henry a eu l’intelligence de tout entremêler sans que le mélange devienne confus : les chapitres portent sur des légendes, des histoires, des vies, et sont comme autant de poupées russes, chacun comportant en son sein de mini-chapitres, qui eux-mêmes, etc. Et Hildegarde ? Elle est silencieuse, si l’on peut dire, et le chapitre qui lui est consacré est composé de regards sur elle : il l’illumine sans entrer dans sa conscience propre, ce dont s’abstient Henry avec intelligence, tout en offrant une belle… vision de la bénédictine.