Le sniper, le président et la triade, Chang Kuo-Li (par Jean-Jacques Bretou)
Le sniper, le président et la triade, Chang Kuo-Li, Folio policier, août 2023, trad. chinois, Alexis Brossollet, 446 pages, 9,20 €
Edition: Folio (Gallimard)
La République de Chine, Taïwan ou Taïpei, est séparée de la République Populaire de Chine par le détroit de Formose d’une largeur de 180 km. La république de Chine est composée de 168 îles dont la plus grande est Taïwan, c’est là que se sont réfugiés Tchang Kaï-Chek et ses troupes du Kuomintang après leur défaite contre Mao. D’abord régime sévère, l’île s’est démocratisée. Si l’état est en partie corrompu, Taïwan reste convoitée par la République Populaire de Chine. C’est sur ces 35.980 km² que ce déroule le roman de Chang. En République de Chine les élections ont lieu tous les quatre ans par suffrage démocratique direct. Le Président et le vice-Président sont élus en même temps. Le Président peut être élu deux fois.
Le livre commence alors que le Président sortant Hsü Huo-sheng mène sa campagne électorale. Il est victime d’un attentat rue Huayin à 9h17. Un tueur non identifié serait à l’origine du drame. Blessé, l’homme politique a été emmené à l’hôpital Xing’an où ses jours sont comptés.
Le contrôleur de 3e classe, Lu, directeur adjoint de la police de Taipei, surnommé Crâne d’œuf, fait sécuriser avec célérité les scènes de crime : la rue Huayin et la Jeep customisée présidentielle. Les services techniques de la police se mettent rapidement au travail. On trouve un projectile de fabrication artisanale grossièrement moulé à l’arrière de la plateforme de la Jeep et deux étuis de cartouche à l’hôtel du Bonheur rue Huayin. Les journaux pourront titrer : « On a bien tiré avec une arme à feu sur le Président ». Alors que Hu Yen-po, le rival du Président, le devançait de peu, cette affaire rebat les cartes : Hsü Huo-sheng repasse en tête dans les sondages, et les soupçons se tournent vers Hu et son équipe.
On cherche des projectiles et des traces de sang. Ai Li, dit Alex, ancien légionnaire, personnage récurrent de la pègre dans les romans de Chang, désormais cuisinier clandestin, est dans le viseur des forces de l’ordre à cause du matériel artisanal. Wu, policier à la retraite maintenant détective en assurance, va se mettre à la recherche des véritables auteurs du complot.
C’est une intrigue policière pleine de rebonds où l’on perd presque son mandarin, il est parfois difficile de se repérer de savoir de quel côté se trouve tel protagoniste. Mais l’ensemble est vivant, plein d’ironie (l’argument est tiré d’un fait réel : l’assassinat manqué du Président taïwanais, Chen Shui-bian, en 2004). On parle aussi beaucoup cuisine, l’auteur semble être un fin gastronome. Chang Kuo-Li utilise un vocabulaire très fleuri et lorsque l’occasion se présente il nous donne à voir des jeux de mots à la chinoise à partir des pictogrammes, c’est aussi un fin lettré. Il faut se laisser porter par le livre pour en goûter tout le suc.
Jean-Jacques Bretou
Chang Kuo-Li, romancier, historien, poète et dramaturge primé, a publié plus de trente livres au cours de sa carrière, dont beaucoup ont été adaptés pour le cinéma et la télévision. Linguiste, historien, poète et dramaturge, il est également critique. Le sniper, le président et la triade est le deuxième titre d’une série à paraître en Série noire. Il vit à Taïwan.
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