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Critiques

Les rêveuses, Frédéric Verger

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 06 Septembre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard, La rentrée littéraire

Les rêveuses, août 2017, 448 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Frédéric Verger Edition: Gallimard

 

En mai 1940, les armées de Hitler écrasent la France. Et le lecteur se demande comment va pouvoir s’en tirer le héros du livre. Ayant déserté son pays, il a emprunté l’identité d’un mort et est devenu soldat dans l’armée française. Fait prisonnier, il est néanmoins libéré et reconduit dans sa famille supposée… Dès lors la vérité du récit va devoir composer avec une suite de recommencements et de ruptures là où les rêveuses vont prendre tout leur sens ?

Sortant le lecteur de ses pressentiments, Verger crée une imagerie où le psychologisme devient secondaire. Le roman s’anime entre conscience attentive et forte vigilance mobile à une firme de roman d’éducation pour celui qui pensait être protégé par sa personnalité d’emprunt. L’existence qu’il a prise lui est restituée selon des lignes qui n’ont rien de directrices. Preuve que l’identité première reprend place parfois face à celle qui a sauvé le héros. Deux mouvements s’inscrivent dans l’espace livresque dans un jeu de double disparition qui aurait fasciné Blanchot.

La Ferme de Cousine Judith, Stella Gibbons

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 05 Septembre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Belfond

La Ferme de Cousine Judith, trad. anglais Iris Catella, 352 pages, 15 € . Ecrivain(s): Stella Gibbons Edition: Belfond

 

 

L’œuvre de Stella Gibbons (1902-1989) n’est pas enseignée à l’université, et c’est dommage : on y rirait plus souvent. En tout cas, on rirait en lisant le premier roman de cet auteur anglais, La Ferme de Cousine Judith (1932), rencontre improbable entre les romans campagnards à la mode en Angleterre à l’époque, un rien misérabilistes, et la causticité de Jane Austen. Le ressort narratif est très simple : une jeune femme, Londonienne et orpheline depuis peu, décide de tenter de vivre aux crochets de sa famille, en apportant ses cent livres de rente, plutôt que chercher du travail. Après avoir envoyé quelques lettres et reçu des réponses peu encourageantes, elle décide de s’établir chez sa cousine Judith, dans le Sussex.

Les mots du peintre, Emmanuel Merle, peintures de Georges Badin

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mardi, 05 Septembre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arts

Les mots du peintre, Emmanuel Merle, peintures de Georges Badin, éd. Encre et lumière, 2016, 100 pages, 23 €

 

L’élégance simple des mots, voilà ce qui frappe le lecteur d’Emmanuel Merle dès les premiers vers du recueil où s’impose la prégnance de la finitude dans la présence consolante de la couleur (« l’infini du bleu ») qui « apprivoise » la mort. Avec le vert qui tient son identité de l’herbe naît alors la lumière et un feuillage qui couvre le néant, celui du « blanc du papier ».

Mais se pose, malgré tout, la question du lieu du fait que « la toile refuse les couleurs » et que prédomine le rouge, teinte du sang et de la violence. Aussi pour le frère synesthésique du peintre-démiurge, Georges Badin, dont quatre peintures illustrent les textes, viennent les questions et les injonctions qui leur font suite. Au sujet, entre autres, du mystère des mots – jusque dans les derniers vers du livre le poète parle de les « déshabiller » – et du travail orphique du peintre qui donne « une voix aux morts ».

Une mer d’huile, Pascal Morin

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 04 Septembre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, La Brune (Le Rouergue)

Une mer d’huile, août 2017, 127 pages, 13,80 € . Ecrivain(s): Pascal Morin Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

On hésite : « Décaméron » façon Pasolini (1971) posé un été de littérature ? Renaissance des sons si particuliers à la grande Sagan sur les routes sinueuses suspendues au-dessus de la Méditerranée ? Un peu de tout ça ou autre chose ? Assurément, on va dire les deux, et c’est là que réside le climat – tous sens du mot – le rythme et l’étrange et prenant charme de ce livre.

Les images du Décaméron de Pasolini, irriguant de sa lumière trouble et dérangeante l’Italie desséchée, nous accompagnent de bout en bout et Pascal Morin le sait, l’utilise habilement, comme en montré-caché. Mais c’est en moins vénéneux, presque en miroir adouci, en moins violemment solaire. Il y a de ça, en autre chose. Mantra du regard du lecteur sur le livre. Et ce mezzo voce, tant dans les personnages que dans les situations, est sans doute plus efficace, plus terrible aussi, car il entre en chacun de nous, en nos itinéraires, nos souvenirs, nos rêves, de façon plus profonde que par le fracas de Pasolini.

Encore vivant, Pierre Souchon

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 01 Septembre 2017. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, La rentrée littéraire, La Brune (Le Rouergue)

Encore vivant, août 2017, 248 pages, 19, 80 € . Ecrivain(s): Pierre Souchon Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

Sempervirens, encore vivant, dit le latin, pour ce plus que curieux arbuste – un chêne vert – poussant comme épiphyte sur le tronc du séquoia, au milieu de la garrigue. Bizarre, comme tout l’est dans ce livre-récit, car Pierre, celui qui parle, l’est. Tenace, pour autant comme l’arbrisseau, comme Pierre.

Il est reconnu – étiqueté – « Bipolaire type 1 ; diagnostic tardif après cinq ans d’alternance de phases dépressives, libres, hypomaniaques ». Ses crises maniaques s’entrecroisent – on n’oserait dire, s’enrichissent de délires paranoïaques :

« Je suis en enfer, et les autres peuvent revenir… j’ai besoin de protection ; pas loin, il y a la statue de Jean Jaurès… je mange mon buis, perché sur ma statue… on est le 7 Janvier à Montpellier… avec Jaurès on se bidonne ; on les a bien eus. Ils repartent ».

Des hospitalisations en HP, comme d’autres iraient au marché, pile régulières, à chaque négligence du traitement de cheval – un rituel parmi d’autres. Il est jeune, celui qui nous parle ; avenir prometteur dans le journalisme ; vient d’épouser, lui, le péri communiste, une fille de la haute du faubourg Saint Germain, « au digestif, mon beau-père s’est déclaré déçu par Sarkozy ».