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Critiques

L’île aux enfants, Ariane Bois (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 29 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Belfond

L’île aux enfants, mars 2019, 228 pages, 19 € Edition: Belfond

 

A l’origine de ce roman, dont le titre fait référence, de manière antinomique, à l’île heureuse de Casimir, cette terrible réalité :

Entre 1962 et 1984, plus de deux mille enfants réunionnais ont été arrachés à leur île natale et envoyés de force dans la Creuse. Cette pratique a continué jusque tard dans le XXe siècle puisque c’est seulement sous François Mitterrand qu’on suspendra enfin ce transfert. Entre temps, 2150 mineurs réunionnais ont été répartis dans quatre-vingt trois départements français. Ce sont les chiffres irréfutables minimaux sur lesquels sont tombés d’accord les experts qui ont planché deux années durant au sein de la commission nationale d’information et de recherche historique, lancée en 2016 par George Pau-Langevin sous le quinquennat Hollande. L’Assemblée nationale venait de reconnaître solennellement la responsabilité morale de l’Etat.

Le travail de cette commission a permis d’établir également que la pratique avait duré 22 ans au total, c’est-à-dire plus longtemps que ce qu’avaient longtemps cru les rares à s’intéresser à ce sujet resté tabou. Et aussi, qu’elle avait eu une ampleur plus large qu’on ne l’imaginait, finissant par concerner presque la totalité du territoire français.

L’ombre du crime, Panique sur Brive, Virginie Anglard (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 29 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Roman

L’ombre du crime, Panique sur Brive, Editions Le Geste noir, mars 2019, 400 pages, 13,90 € . Ecrivain(s): Virginie Anglard

 

Virginie Anglard livre ici un roman policier que l’on lit sans souffler de bout en bout, avec un suspense bien mené. Les chapitres font alterner personnages et lieux de Brive-la-Gaillarde et de ses environs. Brive-la-Gaillarde est une ville gastronomique de Corrèze qui héberge chaque année au mois de novembre le salon du livre qui porte son nom, événement très prisé des auteurs et des éditeurs. Mais ceci n’est peut-être qu’anecdotique. Il n’y a en effet nulle référence directe au livre et à l’édition dans ce roman qui met aux prises un assassin aux rituels pervers, une enquêtrice-stagiaire qui cache un lourd secret et deux victimes torturées. Ces deux victimes, deux belles femmes célibataires de quarante ans, l’une gérante d’une boutique de prêt-à-porter féminin, l’autre maire de Brive, disparaissent tour à tour et font l’objet d’une macabre mise en scène.

Peu à peu l’enquête avance, menée au commissariat de Brive par le commandant Victor Guiliano et ses adjoints les lieutenants Franck Bréchard, Befey et Djomo, personnages hauts en couleurs, dont les dialogues font vivre le récit.

L’Art de la traduction, Hugo Friedrich (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Mardi, 28 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres

L’Art de la traduction, Editions Unes, trad. allemand et postface Aurélien Galateau, 45 p. 11 € . Ecrivain(s): Hugo Friedrich

Les Editions Unes ont ouvert à l’automne 2017 leur collection « Unes Idées » avec le texte d’une conférence prononcée en 1965 à l’Académie des sciences de Heidelberg par le grand romaniste allemand Hugo Friedrich : L’Art de la traduction.

L’orateur commence par donner un cadre strictement littéraire à ce qu’il entend par « art de la traduction » et annonce que son étude sera centrée sur un exemple concret : la traduction d’un sonnet de Louise Labé par le poète Rainer Maria Rilke, qu’il introduit par une brève histoire de la traduction.

La traduction est-elle un contact de culture à culture, ou bien « est-elle seulement la réaction d’un poète isolé à un autre ? », demande Friedrich. Le « seulement » nous donne un premier indice de la tournure polémique que prendra la conférence. Friedrich rappelle dans son résumé historique que les Romains pratiquaient une traduction « captatrice », conquérante, assimilatrice, perspective qui a prévalu jusqu’à la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Depuis Schleiermacher et Humboldt, l’art de la traduction est devenu un « mouvement vers l’original, un basculement dans l’étranger et pour l’étranger ». Il faut que la langue d’arrivée soit stylistiquement adaptée à la langue de départ, sans appauvrissement mais sans exagération non plus.

Jusqu’à présent je suis en chemin Carnets 2016-2018, Pascal Boulanger (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 28 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Jusqu’à présent je suis en chemin Carnets 2016-2018, Librairie Editions Tituli, janvier 2019, 188 pages, 16 € . Ecrivain(s): Pascal Boulanger

 

 

« Aragon a été rimbaldien : Je ressentais vivement l’espoir de toucher à une serrure de l’univers : si le pêne allait tout à coup glisser. Rimbaud : J’ai seul la clé de cette parade sauvage. Et puis Aragon a renoncé, il est tombé dans les bras de maman Triolet et du Parti communiste (à l’inverse Artaud n’a jamais cédé, mais au prix de la folie) ».

Les chemins de Pascal Boulanger ne sont jamais de charmants layons ombragés et odorants, il goûte plus profondément les sentiers escarpés, les chemins caillouteux où à chaque pas on risque la chute. Les à-pics, les falaises, l’océan en furie au pied du tombeau de Chateaubriand. Il s’y aventure sans complaisance, comme il s’aventure sur les plages près de chez lui en Bretagne, écrire c’est aussi entendre le silence du vieil océan.

Mes années japonaises, René de Ceccatty (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 27 Mai 2019. , dans Critiques, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Biographie, Récits, Mercure de France

Mes années japonaises, mai 2019, 248 pages, 18 € . Ecrivain(s): René de Ceccatty Edition: Mercure de France

Mes années japonaises est le 45ème livre (si l’on compte Adulte ? Jamais, et La Persécution, deux anthologies pasoliniennes, avec traductions et préfaces) de l’écrivain français, né à Tunis le 1er janvier 1952, grand connaisseur de la littérature italienne, essayiste, romancier, poète, dramaturge, éditeur (au Seuil), directeur de collection (on pense à « Haute Enfance » chez Gallimard, entre autres ; chez Rivages pour la regrettée Elisabeth Gille), traducteur du japonais.

À le suivre depuis L’Accompagnement (admirable « accompagnement » amical d’un ami atteint du sida à l’hôpital Broussais, Gilles Barbedette, mort en 1992), et pour avoir apprécié Fiction douce, La Sentinelle du rêve, Enfance, dernier chapitre, Pasolini (biographie dans la collection dirigée chez Gallimard par de Cortanze), le premier essai en français consacré à « Elsa Morante », puis-je assurer que les lecteurs fidèles à de Ceccatty ne seront pas déçus par ses « Années » japonaises, essai de biographie au meilleur sens du terme pour un spécialiste de la chose à l’endroit des auteurs qu’il chérit (Pasolini, Moravia, Callas, Morante), clin d’œil par le titre à Annie Ernaux, publié dans la collection bleue du Mercure (là parut, et ce fut l’une de ses dernières grandes critiques du Monde, le très beau livre de Françoise Lefèvre, manière aussi d’essai biographique, Un album de silence, 2008).