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Critiques

Bruges-La-Morte, Georges Rodenbach (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 21 Août 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, En Vitrine, Babel (Actes Sud), Cette semaine

Bruges-La-Morte, Georges Rodenbach, Actes Sud Babel, 160 p. . Ecrivain(s): Georges Rodenbach Edition: Babel (Actes Sud)

 

Emile Verhaeren, à la mort de son ami Georges Rodenbach, a écrit : Rodenbach est parmi ceux dont la tristesse, la douceur, le sentiment subtil et le talent nourri de souvenirs de tendresse et de silence tressent une couronne de violettes pâles au front de la Flandre. Bruges-La-Morte est une couronne mortuaire tressée des rues, des ruelles, des clochers, des beffrois d’une ville dont la beauté sans cesse est ici vénéneuse, funèbre.

Les entrées possibles dans ce court roman foisonnant sont foule. Ici, c’est le thème du reflet, de l’image floue, si prégnant au XIXème siècle, qui va principalement guider le lecteur, car c’est le fil qui assure une profonde unité à l’ouvrage.

Dans la ville entourée d’eau, Hugues Viane, personnage central du roman, est sous l’influence permanente du reflet ancestral de l’eau, dormante et sombre, miroir magique, capable de lire la réalité d’hier et d’aujourd’hui. C’est Bruges, cette ville reflétée dans l’eau qui enveloppe Hugues Viane de ses charmes létaux, l’attire dans son cercle magique, le plonge dans une léthargie constante.

Paysages et intérieur, Anne-Cécile Causse (par Luc-André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mardi, 20 Août 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Paysages et intérieur, Anne-Cécile Causse, éditions Henry, Coll. Les Écrits du Nord Poésie, juin 2023 (Prix des Trouvères 2022), 64 pages, 12 €

 

La poésie, il faut toujours le répéter, ne relève pas du langage usuel, encore moins de la communication au sens courant du terme. Elle est certes un échange, une adresse au lecteur, mais sur un autre plan, et pour une autre fin. Car elle est avant tout porteuse d’une vision, elle traverse les mots et le langage pour s’aventurer parfois très loin. Plus allusive que purement énonciatrice, plus polysémique, fragmentée et détournée qu’un discours fermé sur lui-même. Insaisissable dans son saisissement du réel, voix des profondeurs de l’intime de l’être. Tout ce qui peut se retrouver dans le recueil d’Anne-Cécile Causse, Paysages et intérieur.

Il y a en effet dans cette suite de poèmes en prose, découpés en paragraphes, comme une violence intérieure, du fait d’un empêchement ou d’une impossibilité qu’on sent à l’œuvre et qui conditionne le déploiement même du recueil, le met sous tension. Une poésie exigeante, une poésie pleine et entière.

Coups de griffes N°10 (par Alain Faurieux)

Ecrit par Alain Faurieux , le Lundi, 19 Août 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres

 

Un Papa vivant, Alice Taglioni, Robert Laffont, novembre 2023, 270 pages, 18,90 €

La couverture est une bonne représentation du contenu. Un style un peu cartes de l’UNICEF, simple et épuré. Très joli. Avec de beaux sentiments. Et un enfant. Et des bons sentiments. Et un chien. Je ne connaissais pas l’actrice, ou je l’avais oubliée sitôt entr’aperçue. Cela va sans doute être la même chose avec l’auteure. Petit livre inspiré en grande partie par sa vraie vie – ou quelque chose comme ça – nous dit l’éditeur. Dommage, ça va donner mauvaise conscience de dire à quel point c’est pitoyable. Sujet mièvre : après six ans de veuvage la pianiste/lectrice/bonne fille et bientôt quadra retrouve l’amour. Une poignée de personnages (dont le fantôme du papa mort) échangent des répliques qui semblent provenir de Sète et du Spoon (référence pour les Happy Few).

Chanson pour bercer de grands garçons, Conceição Evaristo (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 11 Juillet 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue portugaise, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Chanson pour bercer de grands garçons, Conceição Evaristo, éditions Des femmes Antoinette Fouque, juin 2024, trad. portugais (Brésil) Izabella Borges, 140 pages, 14 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Saudade

Pour son « écrit-vie », Chanson pour bercer de grands garçons, Conceição Evaristo convoque la réalité des conditions d’existence du peuple noir du Brésil, des femmes multipliant les grossesses –, épouses légitimes ou maîtresses attitrées ou encore compagnes de passage. Fio Jasmin, à l’origine d’une nombreuse descendance, est le fruit de l’invention de l’écrivaine. Elle le met au monde, sur papier, lui et ses nombreuses liaisons, comme autant de masques du moi, du ça et du surmoi – la conscience des siens qui l’habite, la réserve pulsionnelle de l’amour passion, et le ça, le « prince noir », l’acteur de prédilection adulé par la gent féminine. Or, Fio Jasmin est né sur un continent, le Brésil, où la racialisation par la couleur de peau discrimine les individus, les ghettoïsant dans une société eugéniste.

Quand le fleuve gronde, Borden Deal (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 10 Juillet 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Belfond, En Vitrine, Cette semaine

Quand le fleuve gronde, Borden Deal, éditions Belfond, juin 2024, trad. Charles B. Mertens, 720 pages, 17 € Edition: Belfond

 

Histoire du Tennessee

Quand le fleuve gronde, chef-d’œuvre de Borden Deal (né à Pontotoc dans le Mississippi, en 1922 et mort à Sarasota en Floride en 1985, auteur de vingt et un romans et de plus d’une centaine de nouvelles), narre un épisode de l’histoire du sud des États-Unis des années 1930-1940 – une description géographique, sociologique et poétique du Tennessee, inspirée de faits réels. Le Tennessee est réputé grâce à Memphis, la capitale du rock et Nashville, capitale de la musique country. Le Tennessee a aussi d’énormes ressources minières (charbon, fer, etc.) et possède un taux de croissance hors norme (environ 4% par an) pour un État situé dans le centre des États-Unis.

Le grand écrivain donne à découvrir « un coin de terre bien défini parmi toutes les autres terres, un coin qui porte le nom de David Dunbar, un Indien blanc qui n’était ni cherokee ni chickamauga mais chickasaw ». La famille Dunbar est composée du vieux père invalide, de Matthew fils, veuf, d’Arlis, Knox, Rice, Miss Hattie et Jesse John, marié à Connie.