Έπιγράμματα, Travaux et jours dans la Grèce antique, Bernard Plessy (par Gilles Banderier)
Έπιγράμματα, Travaux et jours dans la Grèce antique, Bernard Plessy, éditions Paradigme, juin 2020 (édition bilingue), 96 pages, 9,90 €
Sans doute faut-il être soi-même un chasseur de vieux livres et un dénicheur de textes anciens pour deviner les sentiments qui assaillirent le jeune Claude Saumaise (1588-1653), ce jour de 1606 où, dans la bibliothèque de l’électeur palatin, à Heidelberg (où il faisait ses études), il mit la main sur un manuscrit grec unique et inconnu, véritable chef-d’œuvre mineur, une collection de poèmes brefs écrits sur un millénaire, que la postérité connaîtra comme l’Anthologie palatine (le manuscrit se trouve aujourd’hui à la Bibliothèque vaticane). Elle fera l’objet d’une édition intégrale par les soins de l’érudit strasbourgeois Richard Brunck, entre 1772 et 1776. Tous les florilèges de littérature grecque ancienne réservent une place à cette poésie souvent précieuse et savante, parfois modeste, en tout cas jamais tout à fait inintéressante.
De ce corpus considérable, Bernard Plessy a tiré à la matière d’une anthologie concise (l’anthologie d’une anthologie, donc), bilingue, élégamment imprimée.
Le maître d’œuvre a été chercher son bien dans une partie peu fréquentée de l’ensemble, le livre VI, qui rassemble les épigrammes votives, équivalents poétiques des ex-voto que l’on insérait jusqu’à une date récente (la pratique a disparu quand l’Église s’est avisée de coller à la « modernité » ; elle ne fait d’ailleurs plus grand-chose d’autre, sauf notables exceptions) dans l’espace intérieur des sanctuaires catholiques, en remerciement, pour avoir échappé à un accident ou à une catastrophe naturelle, pour avoir guéri d’une maladie… Dans certaines églises, on ne se contentait pas de témoignages lapidaires et l’on trouvait parfois d’inquiétantes collections de béquilles et de prothèses. Les épigrammes rassemblées par Bernard Plessy sont des témoignages de piété populaire, dont on confiait rédaction et versification à des écrivains spécialisés. L’épigramme justifiait, prolongeait et perpétuait l’offrande aux dieux proprement dite. Court dans ces pages l’humble vie quotidienne d’hommes et de femmes depuis longtemps tombés en poussière, après une existence précaire, brève et en général pénible : pêcheurs, paysans, soldats, artisans, jeunes filles à marier…
Il faut dire un mot de la belle Collection où ce volume a paru, Passerelles de la poésie, qui évoque la légendaire Collection Orphée jadis publiée par les Éditions de la Différence, véritable grenier aux trésors.
Gilles Banderier
Agrégé de lettres classiques, Bernard Plessy est professeur en classes préparatoires.
Lire la chronique de Michel Host sur le même ouvrage
- Vu : 2218