Zaï Zaï Zaï Zaï, un road movie de Fabcaro
Zaï Zaï Zaï Zaï un Road-Movie de Fabcaro, éd. 6 pieds sous terre, janvier 2016, 72 pages, 13 €
Ecrivain(s): Fabcaro
Allons bon ! Voilà que l’on se met à causer Bande dessinée sur La Cause. BD. Une BD qui plus est dans le registre comique. Bidonnant même. Qui plus est, comme si cela ne suffisait pas à discréditer le rédacteur et le comité de rédaction, une BD écrite et dessinée par un auteur. « Comment ça un auteur ? » pourraient être tentés de répliquer les amateurs de littérature « sérieuse ». Pardon de Littérature. Bon un auteur de BD, c’est vrai. Mais pas sûr que ça arrange les choses… Même si la génération Pilote (matin, quel journal !) a depuis longtemps gagné toute la respectabilité souhaitable (souhaitable ?) en certains lieux, tel qu’Angoulême, la BD reste un art ou un genre que seuls les « grands enfants » prennent au sérieux, non ? Mais revenons à l’œuvre…
Zaï (4 fois)… Que dire d’un titre pareil ? On dirait un refrain de variété des années soixante ! Non, sérieusement, c’est quoi ce truc ?
Avouons-le : ce truc c’est une BD qui m’a fait rire comme je n’avais pas ri depuis un moment. Pour celles et ceux qui ne s’intéressent que de loin à la BD, le nom de Fabcaro pourra sembler familier. Une familiarité incertaine qui pourrait bien ignorer les albums signés de celui-ci. Le nom sonne bien et en plus c’est un « régional » (pour ceux qui, tel le rédacteur de la présente chronique, vivent dans la même région que l’auteur susnommé). Pour autant un trop rapide coup d’œil sur le présent album peut ne pas séduire : graphisme un peu sommaire ou en tout cas d’un style qui ne cherche pas à nous épater, bref, rien de vraiment accrocheur même si le côté artisanal, lui, en fait un album un brin inhabituel. Et puis, dans un temps de désœuvrement devant un présentoir de livres (dans un lieu très inhabituel, de préférence) on prend le temps de feuilleter… alors la découverte vous entraîne à repartir avec l’album sous le bras et commencer à le partager sitôt rentré chez vous.
C’est que le dessin faussement maladroit mais tout a fait efficace, les situations, les dialogues, et le scénario font mouche à chaque planche, déclenchant un rire où l’absurde, la dérision (qui sait aussi être autodérision), les clins d’œil, éveillent un bonheur joyeux et complice. Réjouissantes aussi sont les échappées poético-sociologiques qui « mettent les pieds dans le plat ». Sérieux s’abstenir ? Pas si sûr, car si l’on rit aussi volontiers, c’est que Fabcaro a l’art de gratter là où ça démange, et pas seulement de nous faire rire par surprise ou en ne versant que dans la farce, façon Monty Python. Pas seulement. Là où nous agacent les présentateurs de JT, où les commentateurs de tout s’empressent de parler quand ils n’ont rien à dire, où les simulacres d’autorité ou de solidarité font leurs grimaces, où les démonstrations de pouvoir sécuritaire ont de quoi nous faire paniquer, où l’intérêt pour l’autre se révèle conformisme méprisant et indifférent, les crayons de Fabcaro font éclater les baudruches et nous font éclater de rire par la même occasion.
Au départ, un auteur de BD fait ses courses… Mais sans sa carte de fidélité ! Un crime majeur qui entraînera une course-poursuite inimaginable qu’il vous faudra découvrir, car nous n’avouerons rien, pas même sous la menace d’un féroce chien empaillé. Sachez seulement qu’en ouvrant cet album, vous découvrirez peut-être ce qui peut arriver à Big Brother quand il abuse des poireaux et parvient à inventer le pire des supplices pour punir les contrevenants.
Tout le monde ne sait pas rire, tout le monde ne sait pas faire rire. A l’heure où le rire semble presque devenir indécent, l’humour d’un tel album, farci de dérision et d’intelligence, est salutaire. Et à partager !
Merci l’artiste !
Marc Ossorguine
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