Wendelin et les autres, Lambert Schlechter (par Philippe Chauché)
Wendelin et les autres, Nouvelles illustrées par Lysiane Schlechter, éditions L’herbe qui tremble, Coll. Trait d’union, janvier 2022, 82 pages, 16 €
Ecrivain(s): Lambert Schlechter« … il me reste l’inestimable bonheur de trimer dans le cerfeuil, et le matin dans la rosée sortir dans mon jardin pour écouter l’escargot grignoter sa feuille de rubarbe ou le cône du nénuphar fracasser la surface de la mare, … » (Tsung Chih).
« … au-dessus de son lit, Sachka Svetnikov a punaisé la reproduction d’un tableau de Fedorovitch Choultsé, dans le ciel bleu du tableau, Sachka, avec son crayon noir, a ajouté quelques silhouettes d’hirondelles, maladroitement » (Sachka Svetnikov).
Ouvrir et lire un livre de Lambert Schlechter, c’est avoir à l’oreille la voix douce, ouvragée, le rythme, le phrasé de l’auteur, ses lectures qui semblent improvisées, et ses improvisions qui paraissent échappées d’un Murmure du Monde (1), que l’on peut entendre sur les réseaux sociaux, sont de courts romans de vie, de sa vie. Il lit et dit, comme s’il écrivait, pendant que le petit appareil électronique le filme. Ouvrir et lire un livre de Lambert Schlechter, c’est s’aventurer dans un monde romanesque, où les mots rares irradient ses phrases au long court, dans sa librairie qu’il a patiemment reconstituée après que les flammes de l’Enfer, l’aient dévorée, comme elles ont dévoré son épouse.
Ce petit livre est un recueil de nouvelles, enluminé de dessins, de portraits de l’auteur en guetteur, par Lysiane Schlechter, sa sœur de sang, de savoir et de cœur. Ces courtes nouvelles qui portent les noms de personnages, héros d’un instant, suspendus au temps qu’ils vivent, qui surgit – Lambert Schlechter est un écrivain du surgissement –, dans un tram, un jardin, devant une coupelle en faïence, où reposent quatre citrons – Lambert Schlechter est l’écrivain de ces natures endormies –, gardien de galeries où reposent des ossements humains, ou encore façonneur de masques. Ils ont pour nom : Pogarski, Nonnato, Japi Rosenboom ou encore Carl Niggeler, autant de masques de l’auteur qui se multiplient et se démultiplient dans ce recueil romanesque et aventureux.
« … parfois le moindre nuage dans le ciel de mai me fait des visions anatomiques, cela m’érotise, la moindre taupinée me fait voir un mont, le royaume intime des amants est plein de secrets & mystères, ils font ce que, en règle générale, on ne fait presque jamais, les amants se conjuguent… » (Pogarski).
Les seize nouvelles regroupées au sein de Wendelin et les autres sont seize longues phrases, dont les seules virgules font changer de bord, virer de tribord à bâbord, elles ont la souplesse d’un vent léger et ondulent tout au long du recueil. Lambert Schlechter polit ses nouvelles, ses romans, ses poèmes, à la manière de Montaigne, il se dévoile et ainsi dévoile le Monde, il jardine ses livres, et y laisse les herbes sauvages, les graminées, les fleurs vivaces y croître et embellir, son stylo-plume est un sarcloir qui libère de lumineuses fleurs de printemps. Lambert Schlechter est un ermite voyageur, un écrivain vagabond qui ne cesse de faire le tour de son jardin, qui poursuit depuis quarante ans ses lettres romanesques aux vivants, ses Pieds de Mouche, son Murmure du Monde, ses proses et ses poésies, et en une phrase, c’est tout son univers qui se dévoile, qui dévoile sa recherche patiente du Temps aimé et retrouvé.
Philippe Chauché
(1) Le Murmure du Monde est le nom générique donné par l’auteur à des livres publiés depuis plus de quinze ans, chez plusieurs éditeurs, aux merveilleux titres romanesques : La Trame des jours, Le Ressac du temps, Je n’irai plus jamais à Feodossia. Il répondait à nos questions en 2018 : https://www.lacauselitteraire.fr/rencontre-avec-l-ecrivain-lambert-schlechter-qui-poursuit-la-publication-du-murmure-du-monde-par-philippe-chauche
Lambert Schlechter a notamment publié des neuvains et des quatrains : Piéton sur la voie lactée, Je est un prénom sans conséquence (Phi, Coll. Graphiti), des proses : La Robe de nudité, petites proses (Vanneaux), La pivoine de Cervantès, et autres proseries (La Part commune), et ses cahiers du Murmure du Monde : Les Parasols de Jaurès (Guy Binsfeld), Une Mite sous la semelle du Titien (Tinbad).
- Vu : 1738