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Voyages, Philippe Djian

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) 06.03.15 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Gallimard

Voyages, Coédition Gallimard/Musée du Louvre éditions, 200 pages, 70 ill., couverture illustrée, novembre 2014, 29 €

Ecrivain(s): Philippe Djian Edition: Gallimard

Voyages, Philippe Djian

 

« Quand tu aimes il faut partir

Ne larmoie pas en souriant

Ne te niche pas entre deux seins

Respire marche pars va-t’en… »

Tu es plus belle que le ciel et la mer, Blaise Cendrars, in. Feuilles de route, 1924

 

Cet ouvrage accompagne l’exposition éponyme Voyages, que Philippe Djian a réalisée dans le cadre de l’invitation du musée du Louvre, avec le soutien de Louis Vuitton et organisée par Pascal Torres, commissaire d’exposition et Conservateur en chef du musée. Un voyage, entre un ailleurs des mots, pas seulement, un dessein de l’âme humaine, plus encore.

Un dessein intérieur inspiré, une route libératrice, un exil, un cheminement. Une carte, un itinéraire réalisé par l’auteur à partir des collections de plusieurs départements du musée du Louvre. Un désir pour une Odyssée dont les routes du savoir, transhumance des idées à travers les siècles, sont un hommage à l’art, à la beauté et à la création littéraire. Une façon probablement de se réapproprier le monde, pour se perdre, par une autre perception du temps, de l’autre et de l’espace : pour mieux se connaître, se reconnaître.

Et si le voyage était tout simplement l’œil et la lumière de la contemplation ?

Comme l’a écrit Dante dans sa Divine Comédie, Chant I, L’Enfer :

« Au milieu du chemin de notre vie, ayant quitté le chemin droit, je me trouvai dans une forêt obscure. Ah ! Qu’il serait dur de dire combien cette forêt était sauvage, épaisse et âpre, la pensée seule en renouvelle la peur, elle était si amère, que guère plus ne l’est la mort ; mais pour parler du bien que j’y trouvai, je dirai les autres choses qui m’y apparurent.

Comment j’y entrai, je ne le saurais dire, tant j’étais plein de sommeil quand j’abandonnai la vraie voie, mais, arrivé au pied d’une colline, là où se terminait cette vallée qui de crainte m’avait serré le cœur, je levai mes regards, et je vis son sommet revêtu déjà des rayons de la planète qui guide fidèlement en tout sentier, alors la peur qui jusqu’au fond du cœur m’avait troublé durant la nuit que je passai avec tant d’angoisse fut un peu apaisée ».

Périple iconoclaste, envoutant, inventaire involontaire, Voyages s’ouvre subtilement avec une nouvelle de Djian, une autofiction sans concession, vive comme le mouvement des sandales du vent sur les dunes de la mémoire : « C’est sans doute ce sentiment de profonde liberté qui importe par-dessus tout et qui émerge, cette lumière que chacun convoite, d’une manière ou d’une autre, de la pire ou de la meilleure façon qui soit – celui qui ne cherche pas est déjà mort ».

Ce beau « catalogue » emporte son heureux lecteur vers les rives silencieuses des rites, des tablettes cunéiformes reflétant différentes conceptions du sacré, comme celle qui expose le mythe d’Etana. Un feuillet de papyrus funéraire d’Imenemsaouf, des éléments de sarcophage, un modèle de barque de l’Ancien Empire. Des gravures de Dürer, des eaux fortes de Rembrandt. Comme le dit Philippe Djian, trouver n’importe quel moyen pour s’enfermer est nécessaire, se perdre. Se sentir étranger. Pour découvrir la peinture à l’huile d’un panorama de Constantinople en trente-deux toiles jointives et numérotées, exécutées par Pierre Prévost entre 1818 et 1823, date de sa mort. Le Pinceau voyageur de Pierre Alechinsky, Noa Noa, de Gauguin, Lacs de montagne de Louise Bourgeois, le Mirador de Victor Hugo, les sculptures de bois polychromes Exil de Martin Salazar…

Mais, c’est l’œuvre Sur la route de Kerouac qui fait le lien entre le livre d’art et les stèles du temps ; entre l’Odyssée et Ulysse de Joyce. Un voyage, ou des Voyages dans le territoire des totems et qui couvrent de leurs ombres, les chemins de la liberté, un monde ouvert sur l’entier, de l’autre vers l’autre, de l’autre en soi, de l’entre en soi, dans l’infini d’une écriture au bout du rouleau du mot dactylographié, une quête d’identité.

 

Article écrit par Marc Michiels pour Le Mot et la Chose

 

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A propos de l'écrivain

Philippe Djian

 

Philippe Djian est né en 1949 ; une vie avant l’écriture : docker, coursier chez Gallimard ; adorateur de la littérature et de la culture américaine. 37°2 le matin et beaucoup d’autres romans publiés le plus souvent chez Gallimard.

 

A propos du rédacteur

Marc Michiels (Le Mot et la Chose)

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Né en 1967, Marc Michiels est un auteur de poésie visuelle. Passionné de photographie, de peinture et amoureux infatigable de la culture japonaise, il aime jouer avec les mots, les images et la lumière. Chacun de ses textes invitent au voyage, soit intérieur à la recherche du « qui » et du « Je par le jeu », soit physique entre la France et le Japon. Il a collaboré à différents ouvrages historiques ou artistiques en tant que photographe et est l’auteur de trois recueils de poésies : Aux passions joyeuses (Ed. Ragage, 2009), Aux doigts de bulles (Ed. Ragage, 2010) et Poésie’s (2005-2013). Il travaille actuellement sur un nouveau projet d’écriture baptisé Ailleurs qui s’oriente sur la persévérance du désir, dans l’expérience du « pardon », où les figures et les sentiments dialoguent dans une poétique de l’itinéraire.