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Vous ne connaitrez ni le jour, ni l'heure, Pierre Béguin

Ecrit par Laurent Bettoni 08.04.13 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Roman, Philippe Rey

Vous ne connaîtrez ni le jour ni l’heure, 2013, 188 p., 17 €

Ecrivain(s): Pierre Béguin Edition: Philippe Rey

Vous ne connaitrez ni le jour, ni l'heure, Pierre Béguin

 

 

À quoi ressembleront les derniers instants que nous passerons avec nos proches, en particulier avec nos parents ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre quand on ne connaît justement ni le jour ni l’heure à l’avance. Pierre Béguin essaie pourtant d’apporter une réponse dans ce roman consacré à l’euthanasie. Car il le peut, puisque l’action se déroule en Suisse, où cette pratique est autorisée.

Les parents du narrateur décident de planifier le moment de leur mort, afin d’échapper l’un et l’autre à la lente déchéance que subit leur corps. Trois semaines avant la date fatidique, ils informent leur fils de leur volonté de mettre fin à leurs souffrances. Trois longues semaines durant lesquelles celui-ci apprend à se familiariser avec cette idée, à l’apprivoiser, à l’accepter.

La veille du suicide médicalement assisté du couple – par l’intermédiaire d’une association spécialisée – l’auteur s’enferme dans sa chambre d’enfant, au domicile parental, et prend la plume. Au cours de la nuit, il commence à rédiger cette chronique d’une mort annoncée et fait le point sur les relations qu’il entretient avec ces êtres dont il partage à la fois tant et si peu. Aux côtés de la mère – aimante, douce, compréhensive –, les choses ont toujours été plutôt faciles. Aux côtés du père – maraîcher de son état –, il n’en a pas été de même. De bonne composition avec tout le monde, il a sans cesse manifesté de l’hostilité envers son fils, particulièrement quand il a pris au garçon la lubie de suivre des études littéraires pour devenir un « intellectuel » (on pense inévitablement au roman La Place d’Annie Ernaux).

Comment, en quelques heures, avant qu’il ne soit trop tard, rattraper le temps perdu d’une vie ? Comment dire ce qui n’a jamais été dit ? Comment étreindre celui qui ne s’est jamais laissé approcher ? Comment donner ce qui n’a pas encore pu l’être ? Voilà les interrogations légitimes auxquelles chacun serait soumis, confronté à une telle situation. Mais, pudeur ou réserve, Pierre Béguin déroute lorsqu’il aborde ces sujets, même si la prose reste irréprochable et exemplaire de sobriété.

Sans nécessairement tomber dans le pathos, nous nous serions attendus à plus de sentiments, de chaleur, de tripes, de partage… d’amour – le gros mot est lâché. Bref, nous nous serions attendus à plus d’humanité. Au lieu de cela, le narrateur garde ses distances et parle surtout de lui, de ses regrets, de la culpabilité qu’il éprouve. On comprend son attitude, mais on peut également se demander s’il choisit le bon moment pour l’adopter. À montrer aussi peu de générosité en un tel instant, il risque de perdre l’empathie du lecteur, ce qui dessert son propos.

Sauf si… Sauf si cette analyse semble sévère, dans la mesure où elle repose sur un malentendu. Car peut-être n’aurait-il pas fallu inscrire le mot « roman » sur la couverture du livre mais le mot « témoignage ». Ainsi l’aurions-nous considéré comme tel dès le départ et non comme une œuvre de fiction. Alors nous aurions clairement appelé le narrateur « Pierre Béguin » et non pas « le narrateur ».

Partons de ce principe. Sous ce nouvel éclairage, ne voyons pas dans le texte un exercice de style visant à mettre en valeur une écriture scialytique ; voyons-y simplement une longue lettre d’adieu tout en retenue. L’au-revoir touchant d’un homme à ses parents, qui ne lui ont sûrement jamais appris à leur dire « je vous aime ».

 

Laurent Bettoni


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A propos de l'écrivain

Pierre Béguin

 

Site officiel :

http://www.pierrebeguin.ch/?page=portrait&menu_ref_categorie=portrait

Pierre Béguin est né à Arare (Genève), le 25 février 1953. Entre ses études (Lettres et DEA en psychologie en sciences de l’éducation à l’Université de Genève), et par la suite, il voyage beaucoup, un peu partout dans le monde, plus spécialement en Amérique latine, qu’il arpente de long en large. D’un voyage au Chili, il tire son premier roman L’Ombre du Narcisse (1993) ; d’un séjour de plusieurs mois en Colombie Joselito Carnaval (2000) ; d’une expédition en Amazonie et de rencontres avec des guaqueros – ces fameux pilleurs de tombes précolombiennes – Terre de Personne (2004), qui obtient la distinction de la Fondation Schiller en 2005.

En 2007, en souvenir d’un fils décédé quelques jours après sa naissance, il publie Jonathan 2002, à la fois témoignage d’amour et récit initiatique qui pose les questions essentielles sur la vie, la mort et la responsabilité. En 2011 paraît, toujours aux Éditions de l’Aire, Bureau des Assassinats et autres coups de sang, un recueil d’essais qui analyse, sous l’angle littéraire, les années de crise que nous traversons.

Depuis 2007, avec cinq autres écrivains, il tient régulièrement un blog sur la Tribune de Genève.

Marié, père de deux petites filles, il enseigne actuellement la littérature française au Collège Calvin.

 

A propos du rédacteur

Laurent Bettoni

 

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Rédacteur

 

Ecrivain

Laurent Bettoni est directeur éditorial (La Bourdonnaye), chroniqueur pour le mensuel Service littéraire et le site IDBOOX – dédié à la culture numérique –, responsable au sein du GLN (Groupement pour le développement de la lecture numérique) des relations avec les auteurs, et sociétaire de la Sacem.

 

Bibliographie :

Ma place au paradis, roman, Robert Laffont

Écran total, roman, les cow-boys & les indies (édition indé) ; réédition La Bourdonnaye

Les Corps terrestres, roman, les cow-boys & les indies (édition indé)

Le Bois mort, nouvelle, les cow-boys & les indies (édition indé), adapté et diffusé sur France Musique

Léo et l’araignée, récit jeunesse, les cow-boys & les indies (édition indé), adapté et diffusé sur France Musique

Léo et le monstre sans visage, récit jeunesse, les cow-boys & les indies (édition indé), adapté et diffusé sur France Musique

Les Costello, une série mordante, série littéraire, La Bourdonnaye

Arthus Bayard et les Maître du temps, « Penicillium notatum », roman, Don Quichotte éditions.

Le Repentir, roman, Marabout, « Marabooks poche »

Mauvais garçon, roman, Don Quichotte éditions