Verveine et Venin, Annie Perec Moser (par Patrick Devaux)
Verveine et Venin, éditions Le Coudrier, juin 2018, 71 pages, 18 €
Ecrivain(s): Annie Perec Moser
Annie transcende le désir de la chose à portée de main en lui offrant des confrontations d’idées sublimes dans les images ; ainsi l’orange convoitée est mise en parallèle avec le soleil : « Oui, toutes les pensées de la petite malade se résumaient à ce désir d’orange, sève de vie, acidulée, bienfaisante, qui devrait l’éloigner de loin, très loin du soleil cognant et meurtrissant sa chair ».
En effet, l’auteur se sert de l’exotisme des mots pour « parer de volupté » le décor du voyage ressenti plutôt que de se contenter du voyage « organisé ».
Fausse ingénue de la réalité, ses messages sont ainsi encore plus forts.
Etonnante par son approche de la poésie « à la Prévert » dans le ton, l’auteur effleure les grands classiques de la force d’un Apollinaire :
« En vous respirant, je vous cerne
D’un cerne bleu comme vos yeux
Lorsque vous regardez la Seine
A l’heure où vont boire les dieux ».
Bouquet d’émotions. Frissons garantis.
Jouisseuse de mots, Annie Perec Moser sait caresser le temps qui passe, compatir à la grandeur d’une mort d’insecte.
Tout l’émeut. Et toute cette émotion, très partageuse lui est chère : « Esprit ! la belle affaire, je veux une heure, un jour Sentir encore l’odeur du pain chaud le matin Sur nos bouches meurtries par un excès d’amour Et le goût du café pour apaiser notre faim ».
Un humour très maîtrisé monopolise l’idée. Le ton aérien accélère la pensée dans ce qu’elle vise et le but est atteint : « Tu as jailli de moi un soir brûlant, semé d’étoiles pourpres ». La vie entière, avec aussi ses tragédies, est conduite à la poésie avec parfois un de ses corollaires, la nostalgie :
« Lorsque tu as roulé parmi les herbes denses
Les ronces, les rochers, et puis les boutons d’or
Dans ce décor puissant, tout frangé de silence
Ton cœur s’est arrêté, un cri, et puis la mort ».
Le ton caressant, voire érotisant, n’enlève rien à la détermination : « Aussi refuse que l’on marque sur cette peau si délicate Par-delà le fer, le stylo Une fleur ou un numéro ».
Jusque dans le titre, Verveine et Venin, tout est équilibre, symbiose des mots, du son et force de l’idée.
Annie a certes trouvé la formule magique du scénario poétique où la Vie est l’acteur principal.
Patrick Devaux
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