Vers le visage, Gérard Bocholier (par Didier Ayres)
Vers le visage, Gérard Bocholier, éditions Le Silence qui roule, avril 2023, 108 pages, 15 €
Leçon de lumière
Disons tout de suite que cette poésie, qui reste abstraite en un sens, a pour principe celui de la prière : peu de mots, principalement une écriture de l’esprit, une adresse immatérielle et une forme vive d’espérance, l’on trouve tout cela dans ce recueil de Gérard Bocholier. Le poème, comme le poète, sortent grandis car cette poésie-prière englobe la relation polymorphe de toute langue poétique – ses registres, les images et les figures de style, y sont nombreux et cohabitent dans des séquences de souvenirs, de réflexions sur le temps, un travail pour une langue spiritualisée, choses aperçues somme toute en une leçon de lumière.
Il voit le Visage
Face à lui
Qui vit et grandit
Il entend
« Enfin te voici !
Tu as tant tardé
À me revenir ! »
Ou bien, il faut se figurer que le livre est parabole qui rend dévotion au visage, dans sa vocation religieuse, sa profondeur philosophique – l’on sait l’importance du visage chez Levinas et Buber. De fait, ces poèmes sont des mises en relation, des appels à plus haut, à plus dense, à plus accompli. Ils fonctionnent sur une étantité doublement mystique : la création, les créatures et le créateur, la parole et le silence, le murmure aux oreilles de dieu et l’introjection de la connaissance dans le croyant.
Elle était faite
La réponse
Il suffisait de s’approcher
De la voix basse
De la forêt
Des noires antiennes
De la mer
Néanmoins, l’aspect que je nomme abstrait, nous permet de rester dans l’écriture, dans le style de l’auteur, dès lors qu’est désigné le for intérieur du poète, animé par un témoignage du monde, fait de simples images, elles aussi touchées juste un instant par l’expression qui prémunit contre l’angoisse sourde de celui qui croit (serai-je admis au banquet céleste ?).
Et puis la mort est là. Que peut-on y faire ? Elle se manifeste peut-être pleine ou vide, droit devant soi ou lointaine, usant de sa nature pour faire produire au poète sa poésie, parabole des vierges qui escomptent sur leur huile de lumière.
Dans la salle des noces
On attend le cortège
Nul bagage que nos ombres
Sur le seuil
Étendu
Un tapis de lumière
Le poète n’est entier qu’à cette cessation de l’être, devenant plus grand que le texte le suppose, poésie capable de contenir l’âge et l’âge d’or de l’enfance, d’augmenter la douleur en fait, appuyée à ce néant qui tend à apparaître et disparaître ? Expérience, leçon de ferveur.
Didier Ayres
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